Que fait cette enfant cachée dans les hautes herbes? Oh, voici des suricates! Serait-elle dans la savane? Le guépard semble le confirmer. L’a-t-il vue? Que fait-elle seule au milieu de ces animaux? Si près de la gueule ouverte du crocodile (ou serait-ce un alligator?)? Observe-t-elle les lignes gracieuses des zèbres? La géométrie variable des girafes? Elle est encore là alors que la nuit tombe? Mais…

Avec Cachée, paru chez D’eux, Jean-Claude Alphen offre un astucieux album sans texte qui fait émerger une foule de questions dans la tête de ses lecteurs et lectrices pendant que les pages se tournent et révèlent, autour de l’enfant cachée, de nombreux animaux. Que ceux-ci soient vus en pleine grandeur ou que les plans rapprochés n’en dévoilent qu’une patte ou une gueule, ils sont réalisés avec un souci du détail qui les rend immédiatement reconnaissables, notamment pour ce qui est des textures de peau ou de poils. Le regard hésite, entre les morceaux de visage qu’on discerne entre les herbes et ces animaux qui se tiennent près, qui traversent l’image, alors que les questionnements se multiplient, encore plus quand le soleil disparaît au profit de la lune et que la petite fille reste sereine. Il faudra l’apparition surprenante d’un chien domestique pour la voir s’extirper de sa cachette et s’élancer dans les pages, entre le noir et le blanc, courir tout à coup, prise d’une urgence qu’on ne comprend pas… tout de suite. Les dernières illustrations, aussi lentement qu’au départ, offrent en effet la résolution du mystère tout en apportant encore une jolie touche d’inattendu avec un caméo qui ramène les animaux à l’avant-plan, comme si les jeux d’enfants n’avaient été qu’une parenthèse.

Les animaux sont également au cœur du savoureux documentaire Ruses de renard paru chez Québec Amérique. La littérature jeunesse est friande d’anthropomorphisme, un procédé accolant des traits humains aux animaux, mais ici, Danny De Vos, dit Docteur Renard, dirige plutôt la lumière sur les comportements humains que les animaux possèdent déjà tels que le vol, l’apprentissage par imitation, la perte de conscience ou encore… le décrottage de nez!

Dans une langue riche, vivante et actuelle, l’auteur offre une multitude d’informations variées à propos d’un large éventail d’animaux, le tout avec beaucoup d’humour et de nombreux clins d’œil à l’humain. Après tout, « les adultes aussi explorent leurs narines, quand ils croient que personne ne les regarde »!

Pour passer d’un sujet à l’autre, Danny De Vos utilise brillamment des souvenirs de voyage, points de départ clés de ses questionnements et de ses observations. Ainsi, c’est le vol de son duvet dans une tente au Zimbabwe qui lui a permis de démasquer les comportements de voleurs des babouins (et leur organisation!) puis de s’intéresser aux techniques de vol des terribles paresseux que sont les mouches scorpions mâles. C’est l’ennui de l’observation des condors au Chili qui l’a mené à analyser plus attentivement les poules et à découvrir leurs chamailleries incessantes. C’est l’urine d’un renard du désert pour marquer son territoire au Sahara qui l’a amené à se soucier des habitudes dignes des graffiteurs des animaux pour indiquer leur espace privé.

Si les lecteurs et lectrices sont aisément séduit.es par le ton résolument malicieux du texte, impossible qu’ils et elles ne soient pas enthousiasmé.es par les illustrations du même ton signées Arnold Hovart. Ce dernier fait tantôt dans le réalisme, n’hésitant pas à entourer ses œuvres de noms latins pour ajouter un côté sérieux, tantôt dans le ludique, entre autres grâce à des mises en scène qui rappellent les visuels des dessins animés ou encore des expressions amusantes qui captent l’attention. Souvent offertes en pleine page, éclatantes de couleurs, les illustrations participent ainsi à la fascination pour ce qu’on découvre, ces caractéristiques surprenantes et pourtant bien réelles de certains animaux.

Chez NordSud, ce n’est pas la vraisemblance des caractéristiques qui compte, mais plutôt l’attachement immédiat du jeune lectorat envers les personnages principaux de l’album Philibert et l’ours qui exagère afin d’aborder des thèmes liés à notre réalité tout en permettant une identification divertissante. Oui, Philibert et son voisin Ours sont parés de qualités (et de défauts) humaines, toutefois les caractéristiques de chacun ne sont pas associées à leur race ici, mais bien simplement à cette petite histoire sympathique de voisinage envahissant qui ouvre la porte à la question des comportements à adopter quand on cherche à se faire des amis. En réalité, les personnages créés par Gabriel Evans, à la fois à la plume et aux pinceaux, auraient aussi bien pu être un renard et un lapin, un cochon et une tortue ou encore un écureuil et un humain, chacun étant représenté dans les pages où on aperçoit le quartier très animé dans lequel vivent les protagonistes, où « les gens allaient et venaient sans prendre le temps de lier connaissance avec personne ». Mais c’est plutôt un chien (petit et timide) et un ours (plus dégourdi) qui tiennent ici les rôles principaux. Le premier est ravi d’avoir enfin quelqu’un avec qui nouer une relation alors que le deuxième, lui, se trouve bien chanceux d’avoir un voisin qui accepte bien gentiment de lui prêter des pantoufles (ses préférées!), une théière, un tapis de yoga, un pull… du moins jusqu’à ce que Philibert ose s’affirmer : hey, mais ça ne va pas! Est-ce bien une façon de traiter ses amis?

Après tout, qu’ils soient question d’humains ou d’animaux, de savane ou de ville, ce sont les relations qui sont au cœur de nos vies. Celles de la famille, mais aussi celles qu’on se crée au fil des jours et des comportements, d’une chamaillerie incessante ou d’entraide mutuelle!

Photo : © Philippe Piraux

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