Discuter du développement durable génère parfois un sentiment d’urgence. Toutefois, il est possible de voir cette démarche comme une remise en question bénéfique pour l’épanouissement de tous à long terme. Acheter un livre, est-ce écologiquement responsable? Comment passer de lecteur à « consommacteur »? Quels gestes concrets de l’industrie peuvent assurer une transition vers des pratiques environnementales justes et viables? Petit tour d’horizon des réflexions en cours pour avancer, un pas à la fois.

Développement durable : quel lien avec le milieu du livre?
La notion a été diffusée grâce au rapport Brundtland, émis en 1987, par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Le Pacte des éditeurs de l’ONU1 donne même un cadre aux maisons d’édition en proposant dix actions concrètes2 telles qu’allouer une somme à leur budget pour le développement durable ou partager les résultats des démarches entamées.

Bien que la publication d’ouvrages permette l’atteinte de certains objectifs de développement durable énoncés par l’ONU (l’éducation pour n’en citer qu’un), cela doit aussi se faire par une remise en question des modes de production. Le milieu du livre doit relever de nombreux défis comme limiter la surproduction, repenser le transport, éviter la destruction massive de livres par le pilonnage, collecter des données sur les émissions générées par ses activités, développer l’écoconception ou encore assurer une juste rétribution aux créateurs. Mais comment faire sa part alors que la rentabilité est si délicate à atteindre dans le milieu?

Pistes de réflexion
Parmi les initiatives à saluer, pensons à ces éditeurs jeunesse comprenant notamment Isatis, Fonfon, La courte échelle et Les 400 coups qui se regroupent depuis bientôt deux ans pour imprimer au Québec. En lançant leur production simultanément avec des formats similaires, ils font des économies d’échelle, en argent comme en émission de CO2.

De son côté, l’Association des libraires du Québec organisait en 2020 des conférences d’une grande pertinence sur le développement durable, dont une sur l’analyse du cycle de vie de livres imprimés ici, afin de sensibiliser l’ensemble du milieu. La même année, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) créait un comité spécial sur l’écologie du livre afin de réfléchir plus activement et collectivement sur les défis du développement durable et l’évolution nécessaire des pratiques.

La réflexion s’accélère avec la parution d’ouvrages comme Les alternatives. Écologie, économie sociale et solidaire : l’avenir du livre (Double ponctuation et l’Alliance internationale des éditeurs indépendants) ou Le livre est-il écologique? (par l’Association pour l’écologie du livre, chez Wildproject). Alors que le premier opus offre des témoignages d’éditeurs, d’imprimeurs, de diffuseurs-distributeurs et de libraires sur leurs démarches en cours pour des livres moins polluants et plus solidaires, le second nous amène, grâce à des textes de fiction, dans des univers où toute la chaîne du livre est repensée.

Impression locavore, aide gouvernementale et recherche et développement
L’un des défis des éditeurs, c’est d’imprimer au Québec pour diminuer les gaz à effet de serre produits par le transport. Mais cela coûte cher. La pénurie actuelle de papier n’aide pas, sans compter la hausse de près de 20% de son coût en trois ans. Comment garder l’impression abordable? Il existe depuis 2000 un système de crédit d’impôt pour l’impression locale. Il s’est amélioré en 2009 quand les réimpressions ont été rendues admissibles au crédit. Cette bonification appuie la production pendant les trois premières années de vie d’un livre et non exclusivement sur le premier tirage. L’État a clairement un levier pour soutenir la pratique durable qu’est l’impression locale en renforçant à nouveau cette mesure incitative.

Du côté des innovations, les encres végétales commencent à faire parler d’elles. Pourtant, certains imprimeurs rencontrent des difficultés lorsqu’ils les utilisent. Comment favoriser l’innovation? Il serait intéressant que notre industrie accède à des aides financières pour la recherche et le développement.

Et vous, lecteurs?
Vous pouvez favoriser à l’année les auteurs d’ici et les livres imprimés localement. Cette démarche existe déjà, comme le démontre la journée du « 12 août, j’achète un livre québécois! ». Mais le lieu d’impression n’est pas toujours facile à trouver pour un néophyte. L’information se situe au début avec les crédits ou tout à la fin de l’ouvrage. Certains éditeurs commencent à l’indiquer au dos du livre pour plus de visibilité.

L’impression locale, c’est bien, mais ce n’est pas tout. Il faut aussi s’intéresser au type de papier utilisé, information de plus en plus souvent mentionnée dans les livres. Écosociété, une maison d’édition québécoise spécialisée notamment dans l’écologie, a été précurseure en utilisant du papier recyclé dès les années 1990. À défaut de papier recyclé, qui demeure la meilleure option, il faut favoriser le papier certifié FSC, un sceau confirmant que la pulpe provient de forêts gérées de manière durable.

Sachez aussi que les livres se recyclent. Après avoir eu une belle vie et être passé de mains en mains, si votre bouquin est désuet ou abîmé, il ne faut pas hésiter. Hop! au recyclage. Nous avons la chance de travailler avec une ressource renouvelable, mais encore faut-il la recycler.

Vous voulez être un lecteur encore plus écolo? Rendez-vous en librairie à pied, en vélo ou en transport en commun quand c’est possible plutôt que d’opter pour la livraison ou d’y aller en voiture. Les cinq derniers kilomètres d’un livre pèsent lourd dans son bilan énergétique.

Une prise de conscience est nécessaire, mais il est important d’aborder le développement durable sans culpabilité. S’informer est déjà un grand pas et nous pouvons tous agir à notre niveau.

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1. https://www.un.org/sustainabledevelopment/sdg-publishers-compact/
2. https://actualitte.com/article/5132/international/l-onu-invite-les-editeurs-a-s-engager-pour-l-avenir-de-la-planete

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