En mettant les pieds dans la librairie Hannenorak, on se sent dans une librairie, tout simplement. Mais une librairie hautement accueillante qui ne dévoile son unicité que si l’on s’attarde aux ouvrages trônant sur les tablettes : d’un côté, la littérature générale, mais de l’autre, la plus grande sélection – de tout le pays! – de livres francophones écrits par des Autochtones ou à leur sujet.

D’abord érigée dans l’ancienne maison du grand-père de Daniel Sioui, le copropriétaire et fondateur, la librairie Hannenorak a vu le jour en 2009, au cœur du Vieux-Wendake, en banlieue de Québec. Pour son dixième anniversaire, la librairie s’est offert un coup de fraîcheur : un déménagement dans un local beaucoup plus grand, toujours à Wendake, ainsi qu’un virage de « librairie spécialisée en littératures autochtones » à « librairie généraliste ». C’est donc dire qu’on retrouve dorénavant des livres de recettes et des romans signés Stephen King qui côtoient des œuvres signées Joséphine Bacon et Marie-Andrée Gill. Si cela permet à la communauté wendate d’avoir une librairie généraliste sur son territoire, avouons que cela a également de quoi démocratiser les ouvrages signés par des Autochtones.

« Oui, la librairie est désormais généraliste et offre de tout, mais nous sommes toujours fiers de mettre la littérature autochtone de l’avant. Nous sommes heureux de faire cohabiter des littératures foisonnantes et de les faire découvrir au plus grand nombre », explique Cassandre Sioui, l’autre copropriétaire. Lors de notre passage, ce sont notamment les livres de Thomas King, J. D. Kurtness et Dawn Dumont qui étaient joliment mis de l’avant. Plusieurs des livres proposés par Hannenorak se retrouvent également chez d’autres librairies généralistes, mais les trouver réunis dans un même lieu permet aux visiteurs de cerner l’étendue du choix, de distinguer la diversité des angles avec lesquels sont abordées les Premières Nations et, bien sûr, de pouvoir discuter avec des professionnels du livre qui s’y connaissent comme pas un.

Une modernité qui ouvre les horizons
Pour Daniel Sioui, tenir une librairie généraliste dont l’ADN est construit autour d’une telle spécialisation permet d’améliorer la compréhension des enjeux des Premières Nations et des Inuit, autant auprès des membres de ces communautés qu’auprès des allochtones : « Je suis fier d’être Autochtone et je trouve que les livres sont un bon moyen de faire tomber les préjugés », souligne-t-il, ajoutant que son travail de libraire s’apparente presque à celui d’un professeur : plusieurs clients ont de multiples questions auxquelles il tente de répondre au mieux de ses connaissances et avec son expérience personnelle de la réalité autochtone. « Pour nous, c’est une façon de communiquer notre sentiment d’appartenance », ajoute-t-il.

C’est donc dans une ambiance de modernité, d’accessibilité et de respect que le copropriétaire nous invite à découvrir son peuple, les Wendats, mais aussi tous les peuples des Premières Nations. « Les Autochtones ne sont pas un seul grand peuple. Au Québec seulement, c’est onze nations, onze langues différentes, c’est donc onze cultures, onze Histoires à découvrir. »

Cassandre Sioui, qui a fait une maîtrise en littérature portant sur Ourse bleue de Virginia Pésémapéo Bordeleau et Kuessipan de Naomi Fontaine, explique l’actuel regain de la littérature autochtone par « cette volonté de dire qu’on existe encore. Pendant longtemps, le Canada a voulu nous effacer, nous mettre de côté. On a exigé de nous qu’on se taise, on nous a empêchés de pratiquer nos cérémonies, nos traditions pendant plus de 300 ans. Mais maintenant, on a retrouvé notre culture, et on l’affirme bien fort ». Que ce soit pour extérioriser des périodes plus difficiles comme les passages dans les pensionnats, pour rétablir les faits sur les coutumes ancestrales ou pour plonger dans la magie des mots, tout simplement, leur littérature – comme celle de tout peuple, d’ailleurs – fait œuvre utile. Dans ce contexte qu’est celui où Autochtones et allochtones partagent un même territoire, il va de soi qu’écouter la voix de chaque peuple est essentiel pour une meilleure compréhension mutuelle. La littérature se positionne ainsi en outil de choix pour aller à la rencontre de l’autre.

« Il y a dix ans, lorsqu’un client entrait chez nous, il était rare qu’il connaissait déjà des auteurs autochtones. Aujourd’hui, la littérature autochtone est beaucoup mieux connue, davantage lue », souligne avec optimisme Daniel Sioui. « Cependant, malgré la présence de plus en plus importante de la littérature autochtone, la relève semble loin d’être assurée. Il serait réjouissant de voir naître de nombreux autres jeunes auteurs de diverses nations pour la pérennité de cette littérature. Nous aimerions qu’elle atteigne un niveau de reconnaissance tel qui permettrait à ces jeunes auteurs d’écrire sur ce qui les passionne, ce qui les fait vibrer, et non pas d’être tenus à intégrer des sujets “autochtones” pour se conformer à certaines attentes », ajoute Cassandre Sioui, avant d’attirer notre attention sur une belle initiative : le cercle d’écriture autochtone, animé par l’auteure Naomi Fontaine, qui tisse justement les ponts entre ces quelques auteurs établis et cette relève espérée.

Briller pour se rapprocher
Les idées pour diffuser la littérature des Premières Nations ne manquent pas dans l’esprit de Daniel Sioui, qui retrouve rapidement ses réflexes d’ancien organisateur d’événements culturels dans des projets comme le Salon du livre des Premières Nations, qui, en novembre, en sera à sa neuvième édition. De plus, épaulé par son père, l’auteur reconnu Jean Sioui, Daniel a fondé une maison d’édition en 2010, maison qui porte également le nom d’Hannenorak. Faisant la part belle aux thématiques liées aux Premières Nations, les livres qui composent le catalogue s’adressent aux adultes et aux jeunes. Un projet en adéquation avec sa mission : faire rayonner la littérature autochtone. Oh, d’ailleurs, parlant de rayonner, saviez-vous qu’« Hannenorak » signifie « soleil levant »? Oui, la littérature autochtone se lève et elle a de quoi nous éclairer.

LIBRAIRIE HANNENORAK
87, boulevard Bastien
Wendake
418 407-4578
hannenorak.leslibraires.ca

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