Young-ha Kim, Yûsuke Kishi, Eun Lee, Jeon Gunwoo, Zhou Haohui, Keigo Higashino, Jae-hoon Choi… Ces noms vous semblent peut-être inconnus, mais ils sont pourtant des auteurs et autrices de suspense asiatique dont les œuvres ont été traduites dans plusieurs langues. Paradoxalement, certains ne sont pas considérés comme des écrivains de policier/suspense dans leur pays respectif bien que les ingrédients habituels de ce genre soient réunis.

La différence marquante entre les romans à suspense asiatique et ceux occidentaux est le rythme du déroulement de l’intrigue. Celui-ci s’avère un peu plus lent avec une plus grande importance attribuée à l’aspect psychologique. Nous retrouvons cependant tous les styles de ce genre : du cozy crime à l’enquête policière en règle. Le point le plus positif est la quasi-absence de l’enquêteur paumé ayant raté sa vie qui se noie dans le scotch et la fumée de cigarette.

J’ai absolument adoré le roman policier de l’auteur coréen Jeon Gunwoo Les 4 enquêtrices de la supérette Gwangseon (Folio), un cozy crime à propos de quatre femmes, coincées dans des vies décevantes avec des maris ennuyeux, qui décident de s’improviser enquêtrices pour mettre la main sur un criminel qui sévit dans leur quartier. Avec la récompense promise pour la capture du malfrat, elles espèrent ainsi pouvoir aider une amie aux prises avec un mari violent. Elles sont charmantes, intelligentes et motivées. Rien ne pourra se dresser en travers de leur chemin. Un délice de roman bien rythmé!

Dans un autre registre, La leçon du mal du Japonais Yûsuke Kishi (10/18) trempe dans le suspense psychologique avec son personnage principal en tout point parfait qui cache un terrible secret. Professeur Seiji Hasumi, qui semble toujours prêt à aider ses étudiants et à régler des conflits entre des membres du personnel, s’avère être un psychopathe calculateur, insensible et meurtrier. Lorsque trois étudiants découvrent son vrai visage, la tension augmente! À la fois intrigant et glaçant.

Young-ha Kim, auteur coréen à succès, a pondu une troublante intrigue psychologique dans La mort à demi-mots (Éditions Philippe Picquier) où se croisent une sombre présence et ses « victimes », de jeunes femmes délurées qui flirtent avec la mort. Ce personnage froid cherche avec minutie des êtres perdus qui, selon lui, ont juste besoin du soutien nécessaire pour quitter ce monde d’eux-mêmes. Un meurtrier par la bande, quoi! Plutôt déconcertant.

Avec Les rats de musée (Éditions Philippe Picquier), Eun Lee, Coréen également, offre un roman policier dans les règles de l’art. Cependant, l’enquête sur le suicide suspect du directeur du musée est majoritairement menée par un artiste ayant rencontré la « victime » juste avant sa mort et par une amie. Un accident et une disparition louches impliquant d’autres personnes en lien avec l’institution conduiront l’enquêteur en herbe et sa complice à chercher des liens entre ces incidents, ce qui s’avère risqué. Les nombreux revirements de situation nous tiennent en haleine. Le rythme n’est pas effréné, mais les coulisses sombres du monde de l’art et ses personnages intrigants en font un très bon suspense.

Considéré comme l’un des plus grands auteurs chinois de romans policiers, Zhou Haohui a écrit Avis de décès (HarperCollins), le premier tome d’une trilogie de polars. Malgré la dissolution d’une cellule spéciale créée en 1984 à la suite d’une série de meurtres survenus dans la ville, le flic d’élite Zheng Haoming continue sa traque vingt-deux ans plus tard et le paie de sa vie. Ce groupe renaît donc de ses cendres dans le but de trouver le tueur en série. Plusieurs personnages mènent l’enquête, ce qui implique divers narrateurs et points de vue. Dans sa trame policière, l’auteur joue avec notre volonté de trouver le coupable et nous peint un portrait sombre de la Chine. Un excellent suspense qui vous donnera probablement envie de lire la suite… dont il faudra malheureusement attendre la traduction.

Je pourrais vous écrire des pages et des pages sur les suspenses asiatiques, mais l’espace manque. Je vous donne donc en vrac quelques autres exquises lectures. Généalogie du mal de You-jeong Jeong (Éditions Philippe Picquier) nous présente un jeune homme qui retrouve sa mère assassinée en se levant un matin. Il devra faire une fouille dans sa mémoire pour retrouver le monstre, pas très loin, derrière ce malheur. Glaçant. Dans Sept yeux de chats (Éditions Philippe Picquier), Jae-hoon Choi nous fait suivre six personnages étranges qui sont pris dans un huis clos meurtrier, tel que dans Ils étaient dix d’Agatha Christie (Du Masque) et La maison hantée de Shirley Jackson (Rivages). Un peu complexe, mais un suspense très satisfaisant. Bullet train (Pocket), un polar des plus rythmés, signé Kotaro Isaka et également adapté au cinéma, suit cinq assassins distincts qui empruntent un TGV japonais pour régler leurs comptes. De l’humour et de la tension à souhait! Finalement, Keigo Higashino, dans son plus sombre polar, Les doigts rouges (Babel), nous présente une femme qui demande à son mari de mentir sur le meurtre d’une jeune fille tuée par leur fils de 14 ans. Malheureusement, cette famille sera confrontée à un inspecteur expérimenté qui sait fouiller les sentiments des gens. Une enquête policière avec une bonne dose de suspense psychologique.

Maintenant, faites-vous plaisir et explorez l’univers du suspense asiatique avec toutes ses nuances et ses distinctions avec les polars nord-américains et scandinaves. Les changements de décor et de culture en valent la peine!

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