Avec une approche plus centrée sur la psychologie des personnages, les autrices québécoises ont jeté un nouveau regard sur le polar : moins de poursuites et d’aventures avec coups de fusil qui répandent le sang et plus d’analyse et de vulnérabilité. Les polars féminins se démarquent de ceux de leurs comparses masculins par leur regard plus sensible sur les scènes de crimes et sur les personnages impliqués.

Tout comme Louise Penny avec son inspecteur en chef Armand Gamache, certaines autrices ont créé un enquêteur masculin. Quant à Chrystine Brouillet, elle a préféré mettre en scène une détective qui vit une vie saine et simple. Catherine Sylvestre, Catherine Côté, Catherine Lafrance, Roxanne Bouchard, Geneviève Blouin et Maureen Martineau ont emboîté le pas en développant des personnages féminins forts, principaux ou secondaires, qui influencent l’évolution de l’intrigue.

L’une des rares autrices québécoises de cosy crime, Catherine Sylvestre, nous offre une série avec sa « vieille fille » qui se met le nez partout lorsqu’un possible crime se pointe. Ce personnage féminin fort (sympathique) qui apparaît dans La vieille fille et la mort (Alire) ignore les refus et les mises en garde du bel enquêteur Yves Tremblay pour parfois finir les pieds dans les plats. Dans sa soif de savoir et de comprendre, Catherine, la « vieille fille », fonce tête baissée et va au bout de ses idées, même les très mauvaises. Nous nous prenons d’affection pour cette femme têtue et son rigolo cacatoès.

Dans le roman policier d’enquête Brébeuf (Triptyque), Catherine Côté nous présente Suzanne Gauthier, un personnage féminin en avance sur son temps. Pendant que son mari se battait durant la Deuxième Guerre mondiale, elle est devenue journaliste d’enquête à une époque où les femmes commençaient à peine dans la police. À la demande du sergent-détective Marcus O’Malley, Suzanne et son mari Léopold, de retour du front et en stress post-traumatique, s’impliquent dans l’investigation portant sur les morts d’étudiants au Collège Jean-de-Brébeuf. Indépendante et forte, Suzanne ne s’en laisse pas imposer et continuera sur sa lancée dans la suite, Femmes de désordre (VLB éditeur).

Une autre enquête, celle-ci menée par le journaliste Michel Duquesne dans L’étonnante mémoire des glaces de Catherine Lafrance (Druide), se déroule à Saint-Albert où une jeune journaliste téméraire de l’hebdo local colle aux baskets de ce dernier. Avec les connaissances de son patelin et ses contacts, elle accompagne le journaliste montréalais dans sa quête de la vérité sur un incendie meurtrier suspect, qui s’avère plus complexe et sombre qu’il n’y paraît. Anne-Marie donne tout pour faire ses preuves et convaincre Duquesne qu’elle a la trempe d’une grande journaliste d’enquête à Montréal.

Pour sa part, Roxanne Bouchard nous introduit à Simone Lord, un personnage secondaire, mais solide et féministe jusqu’au bout des ongles dans La mariée de corail (Libre Expression), la suite de Nous étions le sel de la mer (VLB éditeur). Elle est une agente des pêches qui a dû prendre sa place à la dure dans un domaine très majoritairement masculin. Le policier Joaquin Moralès lui semble donc inutile à l’enquête et elle lui signifie clairement. Elle devra développer une relation de confiance avec Moralès avant de le traiter comme un policier compétent. Disons qu’il y aura des étincelles… Dans Le murmure des hakapiks (Libre Expression), Simone tient tête à des pêcheurs fiers-à-bras et louches, car elle refuse de servir de pantin et de répondre bêtement à des ordres donnés par des hommes.

Quant aux femmes tenant un rôle central, Geneviève Blouin nous en offre deux dans son roman Le mouroir des anges (Alire). La première, Miuri Mishima-Sauvé, est une sergente-détective de petite taille qui n’éprouve aucune difficulté à mettre au sol un colosse. Cette punkette originaire du Japon enquête avec Jacques sur une série de meurtres commis sur des femmes enceintes ayant décidé d’avorter. Miuri est directe, déteste perdre son temps et est la première au poste le matin. Elle se donne corps et âme dans l’enquête et ça rapporte. Nicole, la petite amie de Jacques, est la deuxième femme à ne pas s’en laisser imposer par la gent masculine. Ancienne championne d’arts martiaux mixtes, elle possède un gym où les policiers s’entraînent et elle travaille aussi comme secrétaire au poste. Nicole tient tête à son amoureux et tient à conserver son indépendance malgré ses sentiments pour lui. Cependant, un tracas lui fait manquer des signes de danger.

Les autrices québécoises Maureen Martineau et Chrystine Brouillet ont chacune écrit une série d’envergure avec une enquêtrice coriace et efficace, tout en étant profondément humaine. La première nous présente Judith Allison dans Le jeu de l’ogre, qui se vend en duo avec la suite, L’enfant promis (La courte échelle). Nouvelle recrue au Service régional d’Arthabaska, Allison tente de prouver que sa théorie, celle que les réponses à un crime sont contenues dans le précédent, tient la route. Lorsqu’elle a un doute ou un soupçon de piste, elle ne lâche pas facilement le morceau, au grand dam de son patron qui pense plus à son image qu’à la réelle résolution de l’enquête. Allison essaie de comprendre les protagonistes pour trouver la résolution la plus logique grâce aux indices recueillis. Quant à l’autrice à succès Chrystine Brouillet, elle compte maintenant près de vingt enquêtes de la détective Maud Graham depuis 1987. Cette dernière, femme complexée et sensible dans sa vie privée, se dévoile être sans pitié dans son travail. Elle respecte et apprécie son collègue Rouaix, mais finit toujours par faire à sa tête. Dans sa vie personnelle, Graham s’inquiète pour un jeune prostitué sauvage, Grégoire, qui refuse son aide. Elle fera son possible pour l’aider et le guider dans les méandres de sa vie de jeune adulte blessé et confus, nonobstant les murs qu’il érige autour de lui.

D’autres autrices de polar québécois méritent d’être lues, donc n’hésitez pas à explorer les petites pépites qui jonchent les tablettes maintenant fournies de suspense de chez nous.

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