À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

1. Brève histoire de sept meurtres / Marlon James (trad. Valérie Malfoy), Le Livre de Poche, 954 p., 18,95$
Campée en Jamaïque et aux États-Unis, dans les années 70, cette fresque ambitieuse s’avère un tour de force, une œuvre magistrale d’ailleurs lauréate du Man Booker Prize en 2015. En 1976, deux jours avant un concert pour la paix réunissant 80 000 personnes, le célèbre chanteur Bob Marley est victime d’une tentative de meurtre alors que sept hommes armés font irruption chez lui à Kingston. C’est de cet événement que découle cette histoire polyphonique sur le pouvoir, la politique, l’argent et surtout, la violence. Ce roman dépeint un portrait sombre et percutant, qui illustre les cruautés qui peuvent jalonner l’existence.

 

2. Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles / Nicolas Langelier, Boréal, 234 p., 14,95$
« Que faire contre la peur continuelle de manquer quelque chose, de ne pas vivre assez fort ? Quel sera l’héritage de votre génération ? Passez-vous trop de temps sur les réseaux sociaux ? » Voilà le genre de questions que pose cet ouvrage. Utilisant avec humour les codes de la psycho-pop, l’auteur interroge la société dans laquelle nous vivons, nous obligeant à réfléchir sur nos existences, afin « de sauver ce qui reste de [n]otre vie ». Étrangement, une fois intrigué par le titre, vous ne pourrez plus lâcher ce livre. Parce que ce livre ébranle, fait sourire, donne envie effectivement de changer de vie, de tout laisser tomber et de fuir. Touchante réflexion sur la quête de sens et sur ce désabusement, parfois collectif, qui gangrène la société.

 

3. Manuel à l’usage des femmes de ménage / Lucia Berlin (trad. Valérie Malfoy), Le Livre de Poche, 590 p., 15,95$
Il est fascinant de découvrir contre toute attente l’écriture aboutie d’une auteure dont le nom même vous était strictement inconnu et dont vous n’attendiez absolument rien, mais qui se révèle être une puissante narratrice qui vous mène sans vaciller de la première à la dernière des près de 600 pages que constitue son livre. C’est exactement ce qui se produit avec l’Américaine Lucia Berlin qui a fait dire à un journaliste du Publishers Weekly qu’elle « est sans doute le meilleur écrivain dont vous n’avez jamais entendu parler… ». À travers quarante-trois nouvelles inspirées de la vie de l’auteure, nous parcourons différentes situations — puisque Lucia Berlin a elle-même vécu une vie qui prend l’apparence de mille existences —, toutes teintées d’humour et inoculées d’une intelligence et d’une émotion jamais feintes. Famille, dépendance, travail et société, tous les thèmes d’une vie convergent vers un soufflant panorama qui comble son lecteur.

 

4. L’amie prodigieuse (t. 4) : L’enfant perdue / Elena Ferrante (trad. Elsa Damien), Folio, 640 p., 17,25$
Dernier tome de cette tétralogie acclamée, à juste titre, partout dans le monde, L’enfant perdue est celui de la maturité. À la fin du précédent livre, Elena partait vivre l’amour fou avec Nino tout en tentant de poursuivre sa carrière d’écrivaine et Lila travaillait d’arrache-pied à sa compagnie d’informatique. Cette dernière cherchera à recontacter son amie qui finira, malgré ses réticences, par répondre à son appel. Elles se retrouveront à nouveau dans la proximité quand un événement viendra définitivement ébranler leur univers. Au terme de la saga, on prend la véritable mesure de cette histoire qui nous aura conduits dans une Italie aux profonds bouleversements et qui nous aura fait entrer dans l’intimité de personnages multidimensionnels qu’aucune émotion n’aura épargnés.

 

5. Me voici / Jonathan Safran Foer (trad. Stéphane Roques), Points, 760 p., 17,95$
À Washington, Jacob et Julia, un couple juif-américain, vivent une vie tranquille avec leurs trois enfants. Un jour, Julia découvre des sextos que Jacob a envoyés à une collègue. Leur bonheur apparent se fissure, les poussant à se questionner, à souhaiter le divorce. Mais avant cet événement, le couple s’éloignait déjà de plus en plus, s’enlisant peu à peu dans le quotidien banal et jonglant avec les aléas de la vie qui rendent parfois difficile la communication et l’équilibre entre les sphères familiale, amoureuse et professionnelle. Pendant leur crise familiale, un conflit géopolitique fait rage au Proche-Orient, menaçant l’existence d’Israël. En croisant la petite et la grande histoire, l’auteur illustre le naufrage d’un couple, l’étiolement des sentiments et la confusion d’un monde dans lequel le meilleur comme le pire peut survenir.

 

6. Exercices d’amitié / Yvon Rivard, Nomades, 320 p., 12,95$
Dans cet essai réconfortant où la littérature et la vie se conjuguent, le romancier et essayiste se remémore les échanges qui l’ont nourri, les amitiés qui ont jalonné sa vie, qu’il a cultivées, que ce soit des êtres ou des œuvres. L’amitié aide à vivre, permet de créer des ponts pour repousser le chaos, « réparer le monde ». Mais parfois, les amitiés peuvent aussi s’effondrer. Avec un devoir de mémoire, il dialogue aussi avec ses amis disparus ou délaissés. Un essai généreux, tendre, authentique, dans lequel l’auteur illustre l’importance de créer des liens et d’être attentif aux autres. Et l’amitié, comme la lecture, permet d’y voir plus clair, de tenter de comprendre le monde dans lequel nous vivons.

 

7. Tu aimeras ce que tu as tué / Kevin Lambert, Héliotrope, 216 p., 15,95$
Avec son premier roman, Kevin Lambert fait une entrée remarquée dans les lettres québécoises. Récit d’un enfant sur son hameau d’origine, il est mené par Faldistoire qui, d’une manière lapidaire, s’applique à souhaiter la destruction de Chicoutimi, ville engoncée dans ses valeurs archaïques et qui conspue tous ceux qui n’adhèrent pas à la norme. L’écriture sans concession fait état d’une violence peu commune et ses victimes n’ont pour s’en sortir qu’une impitoyable promesse de vengeance. Ainsi, ils reviendront hanter les lieux qui auront été témoins de leur mort. Lambert nous tient sur le fil entre réalisme et imaginaire, employant tout ce qu’il peut pour cravacher les bien-pensants et leur véhémence contre l’homosexualité, la transsexualité ou toute forme de différence, soulignant en caractères gras l’hypocrisie qui règne au Royaume.

 

8. Mon combat (t. 4) : Aux confins du monde / Karl Ove Knausgaard (trad. Marie-Pierre Fiquet), Folio, 608 p., 17,25$
Poursuivant son exercice autobiographique, l’auteur nous mène cette fois-ci dans un petit village de pêcheurs situé au nord du nord de la Norvège. C’est dans ces confins du monde qu’il part à 18 ans pour enseigner la littérature, explorant aussi les extrémités apocalyptiques de son esprit et de son âme. Confronté à sa soif d’absolu, il se perdra dans les dérives mortifères de l’alcool et dans ses désirs insatiables pour les filles. Il a toujours le projet d’écrire, mais le souffle se fait de plus en plus chancelant. Ce qui fait l’attrait de l’œuvre qu’a entrepris d’écrire Knausgaard, c’est la franchise sans artifice qu’il s’est promis de suivre jusqu’au bout, quitte à exposer ses parts d’ombre les plus vulnérables. Une brillante sincérité émerge de ces confessions sans compromis.

 
Publicité