Chanteur-compositeur-interprète, Patrice Michaud a pris son envol musical il y a une douzaine d’années alors qu’il remportait le concours du Festival international de la chanson de Granby. Depuis, il a fait paraître trois albums et un quatrième verra le jour cet automne. Entre-temps, il a été l’animateur de la populaire émission Star Académie et a lancé le livre pour enfants La soupe aux allumettes, réalisant ainsi un vieux rêve.

Non seulement les livres sont partie prenante de la vie de Patrice Michaud, mais ils trônent au rang de ses premières amours. Il détient d’ailleurs un baccalauréat de l’Université Laval en littérature et avait même commencé une maîtrise dans le domaine. « Les livres m’ont accompagné chaque jour depuis l’adolescence. Je me rappelle, je traînais deux affaires steady : ma pompe d’asthme et mon livre. Si j’avais ça, ma journée était correcte », affirme le chanteur. Il avoue avoir été un lecteur très lent, ce qui faisait en sorte qu’il développait avec l’objet même une relation singulière qu’il se désole de moins entretenir aujourd’hui, optant davantage pour la formule du livre audio, notamment pour l’escorter dans ses nuits d’insomnie. L’ouvrage qui fut l’étincelle et qui inaugura des années de lecture qui jusqu’à maintenant ne se sont jamais démenties est Manuel des joueurs du jeu Donjons et dragons, une grande porte ouverte qui l’amena à s’intéresser aux univers fantastiques. Alors âgé de 13 ans, il découvre un après l’autre les maîtres du genre : Tolkien, David Eddings, Michael Moorcock, Fritz Leiber, Robert E. Howard. « Je m’en suis fait une scoliose à force de traîner des piles et des piles de livres dans mon sac », raconte Michaud. Rapidement, la science-fiction vient aussi croiser ses intérêts avec la lecture de Dune de Frank Herbert, d’Anne McCaffrey et de Lovecraft.

Les livres lus lui évoquent des périodes de sa vie, comme une odeur ou une saveur peuvent nous les remémorer, se plaît-il à dire. Ces dernières années, il aime s’imprégner de poésie, spécialement celle du Québec avec laquelle il se sent une grande familiarité et qui l’aide lui-même à écrire. Il cite entre autres François Guerrette qu’il a découvert avec Constellation des grands brûlés : « Sa poésie me bouleverse constamment, il a une écriture très forte, sans compromis », exprime-t-il. Parmi ses autres préférés, il pense aussi à Jean-Christophe Réhel, particulièrement à son recueil Les volcans sentent la coconut. Plus loin dans le passé, le roman policier figurait parmi ses lectures les plus courantes : celui qui sait allier qualité littéraire et trame captivante. Dennis Lehane et Fred Vargas se sont entre autres démarqués auprès de notre invité. La littérature de genre côtoie les œuvres plus classiques chez Michaud, qui précise par ailleurs n’être pas du tout élitiste. Il a beaucoup aimé se plonger au cœur des livres d’Émile Zola où cette fois-ci, contrairement à la poésie, la beauté survient dans l’abondance des mots et des détails. Il lui arrive de se replonger dans les univers de l’imaginaire, quoique moins fréquemment. Il pense toutefois à la trilogie Les livres de la terre fracturée, écrite par N. K. Jemisin, une autrice noire — ce qui est quand même peu commun dans la sphère de la science-fiction — qui a remporté l’important prix Hugo pour chacun de ses tomes. Quant au fantastique, il le visite désormais par l’intermédiaire de la bande dessinée, un intérêt qu’il partage maintenant, pour son plus grand bonheur, avec son fils de 9 ans.

Formidable foisonnement
Régulièrement, il revient à l’auteur Georges Perec, un homme qu’il affectionne pour son éclectisme et son intelligence autant que pour son œuvre, sur laquelle il avait entamé un mémoire : « Écrire, pour lui, était équivalent à respirer et se nourrir », spécifie le chanteur qui attribue une note d’excellence à La vie mode d’emploi. Dans ce livre inventif et inclassable aux 99 chapitres et aux 2 000 personnages, on recense les innombrables histoires des locataires d’un immeuble parisien, toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Ludique et éclaté, c’est aussi de cette façon que l’on pourrait qualifier l’album jeunesse La soupe aux allumettes que le chanteur a fait paraître ce printemps, avec Guillaume Perreault aux illustrations. Lolo — le diminutif de Loïc, prénom du propre fils de Michaud —, un jeune garçon au grand cœur, tente de venir en aide à un dragon qui a perdu la capacité de cracher du feu. Pour ce faire, il devra accepter que sa petite sœur arrive à la rescousse. À partir de là, tout peut arriver!

Il ne peut non plus passer sous silence l’estime qu’il éprouve pour Réjean Ducharme et sa créativité langagière. La phrase « L’amour ce n’est pas quelque chose, c’est quelque part » de sa chanson Kamikaze, c’est à lui qu’il la doit puisqu’elle est tirée du roman Le nez qui voque de l’écrivain disparu à l’été 2017. Quand il relève le nom de Ducharme, il remercie toujours l’influence de Marie-Andrée Beaudet, l’une de ses professeurs à l’université, qui a su lui transmettre son admiration pour l’ensemble des œuvres du romancier-poète. Pour ce qui est de ses explorations plus récentes, il parle de Larry Tremblay dont il a lu en premier Le mangeur de bicyclette, qui nous fait suivre les aventures de Christophe Langelier, un amoureux transi, pour ensuite poursuivre l’aventure avec L’orangeraie, un roman bref qui a la forme du conte et qui montre les sacrifices de la guerre.

Quand il ouvre un livre, notre libraire d’un jour est sans attentes et préfère rester dans l’ouverture, espérant seulement qu’il sera touché d’une quelconque manière. On l’a dit plus haut, Patrice Michaud peut très bien prendre plaisir à lire Émile Zola pour ensuite se plonger avec délectation dans un bouquin de Stephen King. Ce dernier, avec qui, de l’aveu même du chanteur, il a longtemps vécu une relation amour-haine, a du reste occupé une grande place sur sa liste de lectures. Du nombre de ses livres importants, on retrouve le roman Ça qu’il a dévoré une première fois à 14 ans pour le revisiter quelques années plus tard avec autant d’intensité : « C’est le fun, une telle relecture, parce que ça trace un lien entre deux moments de ta vie », dit-il. Il se souvient également d’avoir souvent acheté Le livre des nuits de Sylvie Germain pour l’offrir en cadeau : un roman, on ne s’en étonnera pas, aux accents fantastiques mettant de l’avant le destin, souvent impitoyable, de la grande lignée de Victor-Flandrin Péniel, qui a quitté son pays natal, les larmes de son père au cou, pour aboutir sur une terre encore sauvage. Mais qu’ils soient fantastiques ou pas, les livres pour Patrice Michaud recèlent tous leur soupçon de magie. Immenses porteurs de rêves devant l’Éternel, ils semblent parés à ne jamais abandonner leur complice.


Photo : © Andréanne Gauthier

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