« Celui-là est bien bien! », « Si vous avez aimé Harry Potter… », « Regarde comme celui-ci… »… difficile de naviguer dans la mer de parutions, mais aussi dans la marée des médiateurs. Chacun a un livre à conseiller, chacun tente d’élever la voix plus haut que les autres. Mais qu’est-ce qui accroche vraiment? Qu’est-ce qui fait que c’est avec ce livre plutôt qu’un autre que le visiteur repart?

Parfois, il suffit d’une lecture. Au Salon du livre de Montréal, c’est Mélissa Baril, libraire du Caribou à lunettes, enseigne qui défend la littérature jeunesse francophone à Détroit (!), qui a su captiver l’attention de Paul, petit bout de chou de 9 mois, grâce au talent indéniable de Valérie Picard, l’éditrice de Monsieur Ed à la plume et au pinceau pour Boumbidoum.

Il faut dire qu’on tombe amoureux dès la couverture de cet adorable personnage à l’aspect pelucheux et à la gomme balloune éclatée qui s’exprime dans son propre langage et nous invite à le suivre sur la planète Badabang où, c’est peut-être difficile à croire, la vie était autrefois paisible. Du moins avant l’épidémie de fous rires (et donc de multiplications des Dingplouf)! C’est pour ça que Boumbidoum est arrivé sur Terre. Mais il s’ennuie et cherche quelqu’un pour jouer avec lui. Et pourquoi pas le lecteur? Il faut dire que Boumbidoum peut se transformer en une foule de formes et d’animaux : triangle, carré, mais aussi ver de terre et tyrannosaure, il suffit de demander! Toutefois, il faut faire bien attention à ne pas le faire rire pour éviter qu’il se multiplie et envahisse la Terre. Et à entendre les éclats lancés par tous ceux qui jettent un coup d’œil au livre… ça risque d’être plus complexe que prévu!

Carolyn Chouinard et Lora Boisvert, elles, doivent trouver des moyens de faire connaître leur nouvel opus. Déjà fort actives en littérature jeunesse, les deux autrices, mère et fille, ont choisi de créer leur propre maison d’édition pour mener à bien leur projet de livre de lecture à réalité augmentée, une technique qui existe dans les albums au Québec, mais se fait discrète dans les œuvres plus longues.

Ainsi, au fil de la lecture du Message secret de la Buse, le lecteur est amené à utiliser un téléphone et l’application AppLit pour découvrir des définitions, des vidéos et des audio qui parfois servent simplement à bonifier l’expérience, mais sont aussi souvent de véritables morceaux de texte, incontournables pour la bonne compréhension du récit.

Dans le premier tome de Bandits des mers, on suit le jeune William en visite sur l’île de Sainte-Marie de Madagascar qui, à la suite d’un coup sur la tête, se réveille prisonnier d’un royaume de pirates dans des îles inconnues. Pour retrouver sa liberté, il doit amasser 500 doublons d’or, ce qui n’est pas aisé quand il peut à peine en gagner deux par semaine avec le seul emploi qu’il a trouvé, soit laveur de vaisselle. Des clients de l’auberge le mettent toutefois sur une piste : le célèbre pirate Buse aurait enterré un immense trésor avant sa mort et aurait laissé un cryptogramme pour en indiquer sa localisation. Pour mettre la main dessus et ainsi pouvoir retrouver les siens, William devra donc utiliser toute son intelligence et sa ruse…

C’est l’occasion d’une aventure riche en rebondissements, de quoi interpeller les jeunes lecteurs de 9 ans et plus avides d’action. Si certains visuels sont plus basiques, les échanges vocaux entre pirates ajoutent vraiment à l’expérience et ce récit pourrait avoir une longue vie et être le premier d’une série!

Pour les lecteurs et lectrices plus âgé.es, parler plus fort, ça passe surtout par les réseaux sociaux, canaux d’information privilégiés… notamment TikTok. Et ça, l’autrice Jessyca David l’a compris. Elle a ainsi lancé sa page TikTok (@jesss.david) à peu près au moment où elle a signé son premier contrat d’édition. « Je voulais partager avec les gens mon processus de publication autant que mes coups de cœur littéraires. C’était pour moi une façon de connecter avec des lecteurs qui avaient les mêmes centres d’intérêt que moi et aussi de bâtir une communauté forte dans le milieu où j’allais me propulser. » Enseignante de français au secondaire de formation, la native de Québec est devenue entrepreneure depuis six ans. Son expérience en marketing et gestion de communauté lui a servi pour croître sur TikTok. « Cependant, affirme-t-elle, c’est un travail constant, acharné, d’être actif sur les réseaux sociaux, car c’est énormément chronophage et ça demande de s’exposer beaucoup, d’être vulnérable. »

Encore faut-il que le livre soit bon pour aller chercher son public, pari réussi ici alors que La note brisée et sa suite, Une octave trop haut, se font une place dans le marché saturé de romans américains des romances pour jeunes adultes.

Ancrant le premier tome à Québec alors que son héroïne termine le cégep, et le deuxième à Montréal dans le cadre de la première année d’université, Jessyca David raconte l’histoire d’Emma qui doit apprendre à vivre avec les souvenirs d’un accident de voiture qui a failli tuer devant elle son pire ennemi… un jeune homme pour qui elle éprouve aussi une attirance folle. Plongée dans un état dépressif, elle a l’impression que rien ne peut lui redonner sa joie de vivre jusqu’à ce qu’arrive Étienne, ami d’un ami, pour la secouer. À force de courses, de balades et de douceur, il arrive à la sortir peu à peu de son marasme et lui permet de se reconstruire. Mais le retour de Liam fait éclater cette bulle et Emma en vient à comprendre qu’elle doit s’éloigner de celui qui éveille tous ses sens pour parvenir à se retrouver elle-même. À Montréal, elle apprivoise le rythme universitaire et fait des rencontres surprenantes qui l’amènent à découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité. Toutefois, Liam n’est jamais bien loin dans ses pensées, et son cœur (comme son corps, d’ailleurs) balance sans cesse…

Si le sujet semble limite pour un public adolescent, il faut savoir que ces « enemy to lovers » sont les romans qui accrochent le plus les 14 ans et plus en ce moment. Il s’agit donc d’une balle à saisir au bond pour les auteurs, mais aussi les éditeurs. Tendre l’oreille pour connaître ce qui fonctionne le plus dans un marché est souvent une bonne façon de trouver un filon… à exploiter ensuite avec sa propre originalité!

Photo : © Philippe Piraux

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