À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

La famille Martin
David Foenkinos, Folio, 272 p., 15,50$
Ce roman empreint d’autodérision et d’humour oscille entre réel et fiction : un auteur en panne d’inspiration trouve soudainement ses personnages ennuyeux et décide de faire la rencontre d’une personne réelle (la première qu’il croisera dans la rue) pour en faire le sujet de son livre parce qu’il croit que « toute vie est passionnante ». Il découvre ainsi Madeleine Tricot, une femme âgée qui lui fait tout de suite confiance et accepte de lui raconter sa vie. Mais sa fille Valérie ajoute sa famille à l’équation — elle est mariée à Patrick Martin et ils sont parents de deux adolescents. L’écrivain s’immisce peu à peu dans la vie de ces cinq personnages et nous raconte leur histoire, nous plongeant du même coup dans son processus créatif. C’est charmant et pétillant, comme tous les romans de Foenkinos.

 

Les impatientes
Djaïli Amadou Amal, J’ai lu, 352 p., 15,50$
Lauréat du Goncourt des lycéens 2020, ce roman entrecroise le destin tragique de trois femmes au nord du Cameroun, qui ont été mariées contre leur gré. Chacune d’elles souhaite retrouver sa liberté, mais dans cette société où elles n’ont pas leur mot à dire, il est difficile de se révolter et de s’affranchir : elles doivent suivre les traditions et ne peuvent déroger à la volonté des hommes. Dans ce roman bouleversant et percutant sur la dure réalité des femmes musulmanes du Sahel, l’auteure, qui s’inspire de son histoire, « réussit à donner une voix à celles qui n’en ont pas, celles qui doivent se taire et subir en silence les violences de leurs époux et de leurs familles. Les impatientes est un véritable roman coup-de-poing pour lequel vous aurez sans conteste un immense coup de cœur », selon la libraire Camille Gauthier.

 

Belle Greene
Alexandra Lapierre, Pocket, 624 p., 17,95$
Ce roman biographique très documenté — élaboré à partir d’archives et de recherches minutieuses — sort de l’ombre une femme méconnue au parcours incroyable. Pour gravir les échelons d’une société qui ne veut pas d’elle, accomplir ses rêves et s’extirper de sa condition, une Afro-Américaine au teint pâle trafique la réalité en cachant ses origines, se faisant passer pour une Blanche, malgré son déchirement à trahir les siens et les risques qu’elle court (la peine de mort!) dans un pays où règnent le racisme et la ségrégation dans les années 1900. Collectionneuse de livres rares, Belle Greene — un faux nom — deviendra la directrice de la bibliothèque Morgan à New York et une célèbre intellectuelle, moderne, mondaine. L’auteure brosse un portrait fascinant d’une femme hors du commun, libre, déterminée, courageuse et brillante.

 

Ce qu’on respire sur Tatouine
Jean-Christophe Réhel, BQ, 240 p., 13,95$
On a beaucoup entendu parler de ce premier roman du poète Jean-Christophe Réhel. Avec raison. Lauréat du Prix littéraire des collégiens en 2019, Ce qu’on respire sur Tatouine a fait l’objet d’une adaptation théâtrale et une au cinéma devrait aussi voir le jour. Sondant la maladie, la fatigue et la solitude, cette œuvre touchante raconte avec humour, espoir et sensibilité la réalité harassante du narrateur, atteint de la fibrose kystique. Entre ses errances, ses séjours à l’hôpital, ses tergiversations d’un emploi à l’autre et ses journées qui s’écoulent lentement, il se réfugie dans l’imaginaire de la planète Tatouine. Même si cet attachant personnage manque de souffle, le roman, lui, n’en manque pas. C’est poétique, lumineux et rythmé par la banalité du quotidien.

 

La saga des Cazalet (t. 1) : Étés anglais
Elizabeth Jane Howard (trad. Anouk Neuhoff), Folio, 596 p., 17,75$
Si vous avez aimé la série Downton Abbey, cette fresque familiale devrait vous plaire. Cette saga historique, comprenant cinq tomes, se déroule en Angleterre et met en scène trois générations de la famille Cazalet. Leur propriété familiale à la campagne où gravitent aussi leurs domestiques sera le théâtre des petits et des grands drames de leur quotidien. En juillet 1937, la duchesse attend l’arrivée de ses trois fils, leurs épouses et leurs marmailles qui ont délaissé Londres pour les vacances d’été. À travers les préoccupations familiales, les mondanités bourgeoises et les aléas de la vie, il est aussi question de la condition des femmes, de la guerre et de résilience.

 

La familia grande
Camille Kouchner, Points, 216 p., 13,95$
Dans ce « texte courageux qui dénonce la culture du silence au nom des apparences », selon la libraire Chantal Fontaine, Camille Kouchner raconte son histoire, celle de sa famille, un clan d’intellectuels où régnait la liberté. Mais tout était loin d’être rose, c’était plutôt toxique : adolescent, son frère jumeau a été agressé sexuellement par leur beau-père, un influent politologue en France. Ce livre accablant et poignant parle de culpabilité, de silence, de souffrances, de répercussions de l’inceste, de l’éclatement d’une famille, de la mère — maintenant décédée — qui prendra le parti du beau-père incestueux… Tout comme Le consentement de Vanessa Springora, ce récit intime et troublant a eu tout un retentissement, avec raison.

 

Fleuve
Sylvie Drapeau, Nomades, 344 p., 16,95$
Cette tétralogie de la comédienne et autrice Sylvie Drapeau se démarque par la tendresse qu’elle met à décrire les membres de sa famille, chacun représentant à sa manière une fenêtre par laquelle la narratrice appréhende le monde. Le récit s’ouvre sur l’enfance alors qu’un des frères meurt, laissant dans les sillages du courant qui l’emporte un immense chagrin impossible à assécher. Vient ensuite le temps de l’émancipation où la jeune femme vole de ses propres ailes qui la ramènent toujours au bercail, émue par l’authentique beauté de sa mère. Le troisième volet traverse le drame d’un autre frère, celui-là enfermé dans la schizophrénie qui le brise en mille morceaux. La dernière partie relate la maladie d’une sœur tandis que celle qui raconte s’effondre puis renaît de ses cendres. D’une sensibilité évocatrice qui caractérise les œuvres puissantes, Fleuve vibre par la justesse de ses mots qui consolent des pires naufrages.

 

Manhattan Blues
Jean-Claude Charles, Mémoire d’encrier, 288 p., 15,95$
Cette histoire est celle du jazz, du swing et du blues, celle des déambulations dans les rues vivifiantes de New York. Mais cette histoire en est surtout une d’amour, qui s’étire sur des airs de Charles Mingus, où l’on suit Ferdinand, un écrivain noir dont le cœur balance entre deux femmes, blanches, et pour lesquelles il se perd entre indécisions et passion. Le tout est porté par une écriture sans fioritures qui ne s’empoigne qu’avec plus de force des émotions de ses personnages. Sur quialu.ca, l’auteur Blaise Ndala encense cet ouvrage, qu’il qualifie de chef-d’œuvre et « de texte d’une grande puissance comme seuls les grands écrivains peuvent se le permettre ». Depuis 2015, Mémoire d’encrier a d’ailleurs entrepris la réédition de l’œuvre complète de Jean-Claude Charles, né à Port-au-Prince en 1966 et décédé à Paris en 2008. La suite de Manhattan Blues, intitulé Ferdinand, je suis à Paris, est parue en octobre dernier.

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