Anique Poitras : La vérité sort de la bouche des enfants

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Il était une fois une fillette prénommée Anique qui vivait dans un village avec ses parents gentils mais barbants, car ils avaient la manie de prendre ses paroles à la légère. Au péril de sa vie, l'intrépide gamine ne raconte pourtant pas de bobards : elle affronte vraiment les bêtes fabuleuses habitant aux alentours ! Rencontre avec la « grande » Anique qui, à coups de crayon magique, signe des légendes bien d'aujourd'hui.

Rien n’arrête la petite Anique, dont l’univers est peuplé de personnages mi-humains mi-animaux aussi fascinants qu’effrayants. Dragon, centaure, loup-garou ou licorne : nul monstre ne résiste au cœur pur de la narratrice, en qui l’auteure de Québec, désormais « devenue grande et écrivaine », a mis beaucoup d’elle-même. Avec Lancelot, le dragon, Isidor Suzor, Marie Louve-Garou et La Dame et la licorne, qui s’adressent aux lecteurs de 6 ans et plus, Anique Poitras replonge avec joie dans sa propre enfance. Fan inconditionnelle de Fanfreluche, qu’elle jalousait de pouvoir entrer si facilement dans les histoires, la romancière n’avait jamais pensé écrire pour les petits lecteurs. En effet, celle à qui l’on doit la populaire trilogie pour ados « Sara » (La Lumière blanche, La Deuxième vie, La Chambre d’éden) et les récents La Chute du corbeau et L’Empreinte de la corneille, était toute à son poupon de fils lorsqu’un appel d’Yvon Brochu (cf. entrevue page 41), alors directeur de collection chez Dominique et compagnie, chambarde son quotidien : « Parmi mes papiers, il y avait l’histoire d’une fillette faisant la rencontre d’un dragon, raconte au bout du fil une Anique Poitras volubile. Yvon a été persévérant : je ne promettais rien, mais je suis finalement partie de cette piste et ç’a donné Lancelot, le dragon. J’étais sûre qu’il n’y aurait pas de suite, mais un an et demi plus tard, j’ai rêvé que je visitais le village d’Anique. Là, j’ai rencontré un centaure sculpteur, la dame et la licorne, Marie Louve-Garou. Yvon était intrigué et pensait à une suite pour Lancelot, le dragon, mais après ce rêve, le projet était clair : ce serait la rencontre de cette petite fille avec les personnages fabuleux. »

Genèse d’un conte de fées

Puisant aux sources des légendes et de la mythologie, chaque histoire est construite sur un schéma identique : « Ça commence par une rumeur, se termine par une légende et il y a un seul cadeau : le lac d’eau salé qui sont les larmes du dragon, une statue avec un cœur qui bat, un arbre avec des pattes en forme de feuilles, explique Poitras. Cette petite fille ne se contente pas des qu’en-dira-t-on. Elle va au-delà pour trouver des preuves. » De plus, cette structure narrative laisse toute liberté en ce qui concerne le traitement de l’intrigue : « Marie Louve-Garou est un thriller psychologique, Lancelot… une confrontation où il y a beaucoup d’humour, et Isidor Suzor un drame psychologique », explique l’auteure.  Notons aussi que l’art est également très présent dans cette série très sensiblement illustrée par Céline Malépart : « Dans Isidor Suzor, j’aimais beaucoup aborder la façon dont la vie influence l’art et vice-versa. La peine d’amour qui a amené ce sculpteur à vivre reclus, à ne sculpter que des femmes de marbre, et cette petite fille qui lui apporte un cœur d’argile, un cadeau d’enfant, l’amenant à s’ouvrir.  Pour le loup-garou, je trouvais intéressant de montrer le côté positif ; d’habitude, c’est un personnage méchant, mais Marie Louve-Garou est une histoire d’amour total, dans lequel l’autre est libre, au risque de le perdre. De cela découle un arbre fabuleux dont les feuilles poilues vont guérir les peines d’amour. » Quant à La Dame et la licorne, qui s’inspire des célèbres sept tapisseries du XVIe siècle sur lesquelles figure une damoiselle inconnue, Anique Poitras a écrit un petit chef-d’œuvre de synchronie : l’héroïne, venue à la rescousse de la femme mystérieuse, se retrouve dans l’une des tapisseries actuellement accrochées au Musée de Cluny !

Après qu’elle a consolé un dragon, guéri la peine d’amour d’un centaure, sauvé de la mort une louve-garou et permis à une dame du Moyen Âge de ne pas rater son mariage, où s’arrêteront les exploits d’Anique Poitras, qui publiera son premier album à l’automne 2005 (La Fée des bonbons, Dominique et compagnie), consent à dire que dans le prochain livre, la fillette, fâchée contre ses parents, croisera le Yéti : « Cette fois, le thème sera la colère qui aveugle. Je ne me rappelle plus pourquoi j’étais fâchée, mais quand j’avais 6 ans, j’ai écrit une lettre d’adieu à mes parents. Je l’ai encore :  » Je pars. Ne vous inquiétez pas : j’ai 40 dollars « . À travers Anique, je quitte mon rôle de parent. C’est peut-être pour ça que ça me fait tellement de bien », conclut l’écrivaine, rieuse.

Bibliographie :
La série « Anique » :
Lancelot, le dragon, Isidor Suzor, Marie Louve-Garou et La Dame et la licorne, Dominique et compagnie, coll. Roman rouge, 45 p. et 8,95 $ ch.

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