Mariana Mazza, jeune femme au talent confirmé — elle a remporté deux fois plutôt qu’une le prix Olivier de l’année qui couronne la ou le meilleur humoriste québécois —, est connue pour son tempérament vif et un franc-parler assumé. On peut actuellement la voir et l’entendre sur les scènes du Québec avec Impolie, un one-woman-show à la fois décapant, drôle et émouvant. Elle a, avec brio, endossé au grand écran le personnage de Sabina dans le long métrage Lignes de fuite. Elle nous a également démontré son grand amour pour la lecture par l’entremise d’une chronique littéraire livrée avec un enthousiasme contagieux à l’émission télévisée Bonsoir bonsoir! Depuis octobre 2022, c’est son propre roman, Montréal-Nord, que nous pouvons retrouver sur les rayons des librairies, un récit autobiographique dans lequel elle relate des parcelles de son enfance et qu’on lit sourire aux lèvres.

Nous savions déjà que nous ne pourrions venir à bout de la bibliothèque de Mariana Mazza. Il faut dire d’entrée de jeu que l’humoriste accorde une place quotidienne à la lecture. Dès qu’elle a un instant, elle s’y met. « J’ai toujours un livre avec moi, depuis des années », annonce-t-elle de but en blanc. Son attrait pour les livres semble inné. Enfant, elle a grandi avec les romans des éditions la courte échelle. Lesquels a-t-elle lus? Tous, à quelques titres près.

Cette avidité, toujours présente aujourd’hui, la comble de mille et une histoires qui l’habitent en permanence. Une de celles qui l’a certainement le plus touchée est Là où je me terre de Caroline Dawson, livre lauréat du Prix littéraire des collégiens cette année. « C’est une description tellement vraie de l’immigration et de l’adaptation à une nouvelle vie », précise-t-elle, manifestement marquée par sa lecture. Elle aime aussi beaucoup l’écriture de Jeanine Cummins, autrice qu’elle compte suivre de très près. Son roman American Dirt montre différents aspects de l’exil, exposant le dur périple vécu par les réfugiés. Les livres de la Colombienne Pilar Quintana, qui déploient de puissants ressorts psychologiques, sont aussi de ceux-là qu’elle ne voudra pas manquer. Et elle trouve incroyable Notre part de nuit de l’Argentine Mariana Enriquez, un gros roman éclectique qui mélange rituels barbares et désir d’éternité et que plusieurs qualifient de chef-d’œuvre. Il était d’ailleurs aussi à l’honneur au Prix des libraires ce printemps.

Source intarissable
Le flot s’est déversé et il est vite devenu incontrôlable. Mariana Mazza a un titre à suggérer dans tous les genres, pour chaque type de lecteur. Une vraie maître ès livres. Elle peut même vous recommander un bouquin selon la période de l’année. Par exemple, les polars d’Andrée A. Michaud seraient tout indiqués pour la saison hivernale. Univers denses, inquiétants, fils dramatiques brillamment entrelacés, ils se savourent quand le poids de la neige assourdit l’atmosphère. Pendant l’été, ce sont les récits qu’il faudrait privilégier selon notre invitée, pour les humains qui se trouvent derrière les phrases et pour les conversations que ces histoires de vie suscitent.

Sa récente lecture d’Une vie comme les autres d’Hanya Yanagihara, un livre de plus de 800 pages, lui a fait grande impression. « C’est vraiment une auteure que je considère comme importante pour notre génération, précise-t-elle. C’est très étoffé, elle touche à plusieurs cordes dans un seul roman, l’homosexualité, l’amitié, l’acceptation de soi. Elle prend le temps d’installer ses personnages, son univers. » Dans un autre registre, notre invitée suggère à ceux et celles qui sont à la recherche d’une histoire simple mais prenante le livre Florida d’Olivier Bourdeaut. Pour ses 7 ans, la mère d’Elizabeth l’inscrit à un concours de mini-miss. Commence alors une course au podium où rivalisent paillettes et artifices. En grandissant, la jeune femme qu’elle devient s’insurge contre ses parents et cette mascarade des apparences. Une rébellion qui n’a rien de tranquille. L’autrice autochtone de la région de la Saskatchewan Dawn Dumont récolte également beaucoup d’éloges de la part de notre invitée. Avec humour, ses livres nous présentent des héros colorés qu’on a rapidement envie d’adopter. Rien que le titre de son plus récent, Les Poules des prairies partent en tournée, fait rigoler.

Mariana Mazza vous invite maintenant à vous diriger vers le rayon de la bande dessinée et de jeter un œil sur Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris qui vous surprendra par ses dessins magistraux réalisés au stylo à bille et son scénario qui met en scène les aventures d’une enfant atypique dans le Chicago des années 1960. Côté québécois, Football-fantaisie de l’inimitable Zviane ravira tous ceux et celles qui en pincent pour les ambiances décalées. En poésie, Quand je ne dis rien je pense encore de Camille Readman Prud’homme, recueil qui a reçu les hommages du Prix des libraires du Québec 2022, est le genre de poésie éloquente qui convient tant à l’amateur qu’au néophyte. Dans la vitrine fantastique, le livre Les miracles du bazar Namiya du Japonais Keigo Higashino a de quoi laisser pantois avec son style merveilleux et poétique. Trois adolescents décident de passer une nuit dans une boutique maintenant à l’abandon. Une lettre adressée à l’ancien propriétaire ramènera les protagonistes vingt ans en arrière, les plaçant en équilibre aux frontières de l’espace-temps. En matière de fait vécu percutant que l’on préférerait cependant reléguer au domaine de la fiction, Laëtitia d’Ivan Jablonka, prix Médicis en 2016, relate le meurtre sordide d’une jeune femme de 18 ans et fait réfléchir aux motifs qui poussent un homme à commettre un acte d’une telle ignominie.

De la lecture à l’écriture
De constater qu’elles ne pourront jamais tout lire au cours de leur vie est ce qui désespère et en même temps anime les grandes lectrices de la trempe de Mariana Mazza puisque l’exploration est infinie. En constant état de découverte, elle ne semble jamais fatiguée des livres, ayant au contraire une envie grandissante d’en traverser un suivant dès que les dernières pages de celui qu’elle a entre les mains sont tournées. C’est peut-être parce qu’elle est si consciente de la force d’évocation des mots que la comédienne a décidé à son tour de se mettre à l’écriture.

Comme matière première pour son premier livre Montréal-Nord, elle choisit des morceaux de sa propre vie, ne contestant pas les influences de Caroline Dawson et d’Alexie Morin (Ouvrir son cœur) dans son souhait d’être au plus près d’elle-même pour donner une teneur authentique à son récit. Et c’est en passant par l’enfance, qu’elle croit être une époque déterminante dans la construction d’un individu, qu’elle estime être le plus en mesure d’y arriver. « Je lui disais : “Mariana, mange et arrête de parler!” Et elle m’écoutait pas. Alors je la mettais face au mur pour qu’elle mange seule. Et, croyez-le ou non, elle continuait à parler. » Cet épisode tiré du roman et qui évoque la mère de l’autrice illustre bien l’adulte que Mariana Mazza deviendra, une femme au bagou indéniable. Elle n’a d’ailleurs pas fait exception à la règle cette fois-ci non plus et nous a généreusement servi en matière de conseils lecture, et encore, nous n’avons pas pu tout rapporter. Disons simplement que faute d’espace, il nous a fallu couper au montage.

Photo : © Jimmi Francoeur

Publicité