Ève Landry : Douze coups de théâtre

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    La comédienne Ève Landry interprète l’explosive Jeanne Biron dans la série télévisée Unité 9, un personnage qu’elle endosse avec force et conviction. Mais Ève Landry est aussi une femme de théâtre qui a eu l’occasion, depuis le Conservatoire d’art dramatique de Montréal dont elle est sortie en 2007, de prouver son talent sur les planches. Cette jeune femme qui n’a pas encore 30 ans a de la fougue et le métier d’actrice dans la peau.

    Par Isabelle Beaulieu

    C’est en déambulant dans un froid particulièrement glacial qu’Ève Landry parle de ses lectures. Au bout du fil, écouteurs aux oreilles, elle s’assure, avant que ne débute l’entretien, que les mots se rendent bien malgré qu’elle soit à l’extérieur et emmitouflée sous le capuchon. Puis elle commence à parler de sa conviction pour la nouvelle dramaturgie. « Je prêche peut-être pour ma paroisse, mais ce que je lis en ce moment et que j’aime beaucoup, c’est le théâtre écrit par mes amis. Je pense à Rébecca Déraspe, Guillaume Corbeil, Trois de Mani Soleymanlou. » Ces temps-ci, elle a un faible pour le dramaturge britannique Martin Crimp puisqu’elle joue à Québec (jusqu’au 7 février) et à Montréal (du 19 au 28 février) un de ses textes, Dans la République du bonheur, pièce à l’humour grinçant qui met en confrontation la liberté individuelle et la liberté collective.

    La lecture est arrivée tard dans la vie d’Ève Landry. Enfant, elle passait surtout ses journées à jouer dehors, dans la nature de Saint-Pascal de Kamouraska. Quand elle allait à la bibliothèque de l’école, elle se dirigeait toujours vers le même livre, celui des records Guinness. « Il fallait que je sois impressionnée par quelque chose », rapporte une Ève Landry amusée par ce souvenir. C’est un ancien amoureux, à qui elle avait confié qu’elle aimerait bien lire, mais qu’elle ne savait pas trop par où commencer, qui un jour lui a offert une pile de bouquins en l’invitant à plonger dans la lecture. Dans l’empilage trônaient entre autres Voyage au centre de la Terre de Jules Verne et Saga de Tonino Benacquista.

    Un autre garçon qu’elle a fréquenté a réussi à la débarrasser de ses inhibitions par rapport à la lecture en lui disant qu’elle avait le droit de lire ce qu’elle voulait, comme elle le voulait, avec le droit de ne pas terminer un livre. « Ça m’a donné une liberté que je ne me permettais pas. Je suis une fille très scolaire, je fais ce qu’on me demande de faire! » Mais à partir de ce moment, elle lira sans entraves. Parmi ses titres fétiches, il y a Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia. « J’ai lu ça quand j’étais à Berlin. C’était la première fois que je faisais un voyage toute seule. Je m’étais amené un livre, mais je l’avais lu dans l’avion. Arrivée à Berlin, quand est venu le temps de profiter des cafés, je n’avais plus rien à lire. Je suis rentrée dans une librairie et j’ai demandé à la libraire les livres francophones qu’elle avait, et elle m’a sorti celui-là. Je l’ai lu en deux jours! Ce livre-là, ça décrit tellement bien toute la vie! Ça a marqué mon voyage. »

    Histoires de famille
    Peu importe le genre ou le style de lecture, les histoires de famille ont le don d’attendrir notre invitée. C’est d’ailleurs ce qu’elle a le plus hâte de jouer, dans la vie comme sur la scène ou à l’écran : une maman attentionnée. Dans sa propre famille, les liens sont tissés serré et la fibre maternelle est très présente chez Ève Landry. « Tu ne peux pas me faire lire une histoire où la mère se fait enlever ses enfants, c’est sûr que je braille! Quand j’étais jeune, je ne pouvais pas dormir à l’extérieur parce que je pleurais, je m’ennuyais de ma mère. Ce n’était pas juste ma mère, c’était le cocon familial. » D’ailleurs, quand Ève Landry part à Montréal pour faire son métier, sa mère est certaine qu’elle s’ennuiera trop de ses racines et qu’elle ne pourra pas y rester très longtemps. « Finalement, j’ai découvert une autre famille dans le théâtre. J’aime tellement mon métier que je ne me rends même pas compte que je suis loin. Ce sentiment d’appartenance qui me faisait du bien, je le retrouve dans ma job. »

    Même si elle n’y entre pas souvent, lorsqu’elle passe les portes d’une librairie, elle devient captivée par tout ce qu’elle y voit. « Je suis vraiment une très bonne cliente. Je rentre dans une librairie pour acheter le livre d’un de mes amis qui vient de paraître et j’en ressors avec dix! » Elle préfère lire les livres papier plutôt que numériques – « j’y tiens, je m’y accroche » –, mais pour les textes de télé et de théâtre, elle s’est convertie. Comme elle fait l’apprentissage de ses textes dès qu’elle en a le temps, elle les traîne partout où elle va. Le iPad devient alors plus commode que les « briques » à trimballer.

    La dernière œuvre lue par la comédienne est la pièce 26 lettres, abécédaire des mots en perte de sens d’Olivier Choinière et d’un collectif d’auteurs. « Parce que c’est un must, parce que j’aime beaucoup la façon de voir les choses d’Olivier, sa façon de penser le théâtre. Et je n’ai pas regretté! C’est savoureux! Il n’y a pas une lettre qui ne vient pas te chercher. »

    Si on la contraint à l’exercice de nommer un seul auteur qui la prend aux tripes, elle nomme Guillaume Corbeil. « Je ne sais pas si c’est parce que je connais Guillaume… Il a un côté “romantique assumé” qui me plaît beaucoup, qui ne paraît pas tant que ça, mais qui se ressent. » Elle parle aussi de l’écrivaine Delphine de Vigan, avec son titre Rien ne s’oppose à la nuit, justement un récit familial bouleversant.

    Ève Landry aime donner des livres en cadeau. Pour Noël, elle a offert Dagaz de Stéphanie Pelletier à son amoureux et La maison d’une autre de François Gilbert à son coloc. Ceux-là sont aussi sur sa table de chevet, en attente d’être lus.

    Pour ce qui est de l’écriture, elle a déjà essayé, mais de ses propres dires, quand elle se relit, elle trouve ça trop « quétaine ». « Non, ça ne fait pas partie de mes projets à moyen terme, je dirais. Peut-être à ma retraite, quand je retournerai à Kamouraska. » Pour l’instant, on peut l’admirer à la télévision et au théâtre en train de s’approprier avec un aplomb sans pareil des rôles qui marquent déjà l’imaginaire.

     

    Crédit photo: Christian Bujold

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