Une histoire entre vous et nous

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À l'occasion des 10 ans de la coopérative des Librairies indépendantes du Québec (Les libraires), la comédienne Pascale Montpetit et l'auteur Simon Boulerice nous parlent de leur amour des libraires. 

Pascale Montpetit
Elle est comédienne pour le théâtre, le cinéma et la télévision. Et cette année, elle est également porte-parole de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur (23 avril), qui propose des activités diverses, des escouades littéraires qui sillonnent des rues, des concours et des expériences livresques sous toutes ses formes. Lectrice, celle qui voit le livre tel un compagnon qui nous comprend nous parle de sa vision des librairies.  

Vous entrez dans une librairie comme vous entrez chez quelqu’un. Je parle des librairies où on vend seulement des livres. Vous y entrez comme dans une maison où on s’invite sans s’annoncer.

Vos épaules se détendent spontanément en franchissant le seuil de la porte. Vous êtes réchauffé par les rayonnages jusqu’au plafond – vous savez que vous n’aurez pas assez d’une vie pour venir à bout de toute cette lecture –, mais vous êtes bien. C’est un lieu rassurant.

En cas de danger, c’est dans ce sanctuaire que vous chercheriez protection. On n’a jamais vu un libraire s’impatienter parce qu’un lecteur, absorbé dans un bouquinage intense, musardait sans rien acheter.

Vous y allez comme on va chez l’apothicaire, afin de trouver le bon livre dont vous avez besoin, que ce soit pour l’intellect, pour le cœur ou pour l’âme. Les libraires ont toujours été des spécialistes de la santé mentale… bien avant l’invention de la bibliothérapie.

Les libraires forment une sorte de société secrète. Pour eux, lire est un mode de vie. Ils lisent comme on respire. Les moldus (les non-lecteurs) les regardent avec incrédulité s’emballer pour un livre, et ce, en dépit du bon sens.

Les libraires vous comprennent à demi-mot, eux qui les aiment tant. Les libraires sont des gens qui vous veulent du bien.

 

 

Simon Boulerice
On le dit hyperactif, on le dit prolifique, on le dit adorable. Simon Boulerice est la rock star de la littérature jeunesse québécoise, en plus d’écrire avec brio pour les adultes, de montrer les prouesses d’une langue qu’il maîtrise en rédigeant des pièces de théâtre et de braver le dernier genre dans lequel il n’avait pas encore plongé, la BD (voir p. xx). Amoureux des gens, de la vie, il l’est également des livres et des librairies. Pour preuve, une missive de sa part qui le prouve!

Chers libraires indépendants et avenants,

J’ai été libraire le temps d’un été. Une librairie grande surface, où Céline (pas Louis-Ferdinand) jouait dans les haut-parleurs. Je le confesse ici : je n’étais pas ben, ben bon. Je préférais flâner en lisant toutes les quatrièmes de couverture et m’émouvoir en parcourant les incipits, plutôt que d’aller à la rencontre des clients. Oups. J’étais un peu trop indépendant, trop centré sur ma joie de lecteur. J’étais un désastre ambulant, et pourtant, j’avais 50 % de ce qui aujourd’hui me séduit de vous, les libraires de librairies indépendantes : la passion des livres. Sauf que chez vous, les vrais, vrais libraires, s’additionnent le flair et la clairvoyance, la faculté de lire dans l’aura littéraire du client, mais aussi le culot de le sortir légèrement de sa zone de confort, graduellement, sans trop le brusquer. Un fin dosage. Je vais avoir l’air de l’auteur le moins littéraire au monde, mais j’ai envie de faire une corrélation – malhabile? – avec Céline (pas l’auteur, la chanteuse). Quand Annie Horth s’occupait de sa garde-robe, notre diva était chic, mais son répertoire de tenues était sans surprise. Puis l’an passé est arrivé Law Roach, son nouveau styliste, qui n’hésite jamais à sortir Céline de sa zone de confort. Il fait ça graduellement, sans la brusquer. Mais gosh, avouez que Céline est sexe dans son gros coton ouaté Titanic! Un bon libraire, c’est exactement ça : celui qui vous refile Madame Bovary de Flaubert, mais aussi Madame Victoria de Catherine Leroux, pressentant que ça va vous révéler tout autant. S’il était un libraire, Law Roach en serait un indépendant, comme vous : passionné et culotté.  

Bonne fête à vous tous! Vous êtes tellement précieux d’aller à notre rencontre et de nous faire voir autre chose de nous-mêmes!

Je vous aime,

Simon Boulerice

P.-S. Que me reste-t-il de mon bref passé de libraire? Eh bien, dans mon appart, avec les livres aux jaquettes les plus sensationnelles, je fais encore du facing… en écoutant I Drove All Night. La version de Céline, bien sûr!

Photo de Pascale Montpetit : © Monic Richard

 
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