Un livre qui fait l’objet d’une réédition porte nécessairement une parole qui a suscité assez d’échos pour que nous souhaitions la réentendre. Nous avons donc décidé de mettre en lumière certains de ces ouvrages qu’il est impératif de revisiter.

Les éditions Les Herbes rouges rééditent cette saison L’urine des forêts, recueil de poèmes courts de Denis Vanier, accompagné de nouvelles illustrations signées Richard Suicide. Cette œuvre avait remporté à sa première édition le Grand Prix du livre de Montréal.

« Il est désarmant de constater à quel point ce qui a été écrit sur cette œuvre d’une rare intégrité fait surtout référence au personnage qui la chapeaute et qui lui fait écran. Vanier est tour à tour un poète important, influent, maudit, tatoué, catholique, terroriste ou junkie, alors que ses textes, eux, ne sont qu’à peine abordés, jamais vraiment analysés », lisait-on sous les plumes des universitaires Simon Harel et Jonathan Lamy, dans la revue Voix et images d’avril 2007. À la lecture de cette analyse d’une grande qualité — qu’on vous invite à aller lire, disponible en ligne —, on découvre un poète dont les livres « sont en quelque sorte des ruelles par rapport aux grandes artères de notre poésie. Ils dérangent, agressent et transgressent. »

On saisit donc l’occasion de cette réédition pour rendre ses lettres de noblesse à cet auteur québécois, décédé en 2000.

Dans l’édition originale de L’urine des forêts, les poèmes poignants, voire brutaux, de Vanier étaient accompagnés des gravures réalisées par Gustave Doré pour L’Enfer de Dante. Pour cette nouvelle édition, c’est un tout autre style qui prend place aux côtés des mots empreints de ferveur : celui, plus près du cartoon que du classique de Doré, de Richard Suicide. On n’aurait pas cru les deux univers si heureux en mariage, et pourtant ces dix images ajoutées donnent un nouveau regard sur les mots, nous offrent l’opportunité de bien nous rappeler que ce qu’il met en lumière — l’abjection, l’amour perdu, le dépérissement — est toujours d’une criante actualité. Les illustrations demeurent dans le ton : il y avait également chez Suicide cette façon de mettre artistiquement en scène les recoins moins gracieux de nos villes, de nos cœurs. « Quelquefois l’alphabet règle ce cas difficile / où je ne jouis de rien, / sauf de mourir dans mon hameau / en tressant les longs cheveux de ma mère », y écrit Vanier.

Rappelons que la première publication de Denis Vanier a paru en 1965, alors que le poète avait 16 ans. Le recueil s’intitulait Je et était préfacé par Claude Gauvreau.

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