À la rédaction, il nous arrive de découvrir des petits trésors de lecture sur le tard. Ces livres, qui ont accumulé injustement la poussière au coin du lit, méritent de prendre leur revanche.

Cette auteure hongroise morte en 2007 à l’âge de 90 ans est une des grandes figures de la littérature de son pays. Le roman Le faon est d’abord paru dans la langue originale de l’écrivaine en 1959. Les éditions Le Seuil l’ont ensuite publié en 1962 et Viviane Hamy l’a réédité en 2013.

Il s’agit de l’histoire d’Estzter racontée par elle-même et qui, malgré le succès qu’elle remporte en tant qu’actrice, ne cesse d’éprouver une profonde jalousie à l’égard d’Angela, une petite voisine de son enfance qui vivait en apparence une existence idéale. Sa convoitise atteindra son apogée lorsqu’elle apprendra que cette fille, qui était en fait la représentation de tout ce qu’elle n’avait et n’était pas, est mariée à celui qu’elle aime. Portée par un fiel amer, l’écriture scandée de Szabó prend à bras-le-corps les désillusions, les actes manqués, les fausses routes pour en faire un immense brasier. Elle exhume ce qui était enfoui, et le lecteur, s’il le veut, profite de cette rafle pour y jeter ses propres passions insensées.

La narration d’Estzter, cohérente avec la fièvre qui la brûle, n’emprunte pas la voie linéaire. D’un point donné, elle revient en arrière puis repart ailleurs sans pour autant perdre en limpidité. La franchise du personnage et l’humour qui parfois saillit des phrases font de ce livre un objet atypique qui mérite cent fois sa revanche.

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