Survivre

On ne sait pas toujours ce qui a construit les gens que l’on côtoie. Quelles expériences les ont menés à avoir tel ou tel comportement, quelle enfance ils ont eue pour réagir de telle ou telle façon. Dans son second roman, la brillante Kim Fu excelle dans l’élaboration, complexe et nuancée, de la construction identitaire de ses personnages à qui elle fait vivre une aventure des plus formatrices : dans un camp de vacances, alors qu’elles ont entre 9 et 11 ans, cinq filles se retrouvent perdues, seules sur une île, sans que quiconque sache qu’elles y ont passé la nuit. Les heures affolantes qui suivront auront de quoi les marquer, toutes, pour le reste de leur vie. Voici ainsi raconté le destin de Siobhan, Nita, Andee, Isabel et Dina, qui ont connu la peur, et la mort, bien trop jeunes.

1. Pour les émotions fortes
Ce roman n’est pas un thriller. Mais il en possède les qualités, notamment car le suspense y est tendu comme un fil. L’histoire principale — celle des cinq filles abandonnées, seules, sur l’île — laisse entendre, dès le départ, que l’expérience les marquera au fer rouge. Après tout, elles n’ont pas tout à fait atteint la puberté et elles se retrouvent à devoir gérer des rations de nourriture, des blessures importantes et une plongée dans la noirceur et la bestialité sylvestres, le tout alors même que la cohésion du groupe fait défaut depuis le départ… On veut savoir comment elles s’en sortiront, voire si elles s’en sortiront… Que ce soit sur l’île ou dans leur vie personnelle, les défis qu’elles devront, chacune à leur manière, surmonter auront de quoi donner différentes palpitations et émotions au lecteur. C’est le genre de roman impossible à lâcher, de ceux dans lesquels on plonge brutalement, s’y laissant bercer, haletant, et n’en ressortant qu’avec une certitude : Kim Fu ne sait pas seulement raconter une bonne histoire, elle sait faire de la grande littérature.

2. Pour y lire cinq romans en un
Kim Fu a un talent fou et une intelligence remarquable. Si le fil rouge de ce roman se tisse autour de la survie sur l’île, sous la lorgnette principale de Siobhan, le tout ne fait pourtant qu’un cinquième de l’ouvrage. Le reste est consacré, en quatre parties autonomes bien denses, à la vie de chacune des autres filles. La très douée Nita s’occupe de Loup, un chien qui partage avec elle toute la sauvagerie et la lourdeur qu’elle porte en elle, mais qui l’étouffe; Andee revient sur son enfance, trimballée par sa mère hippie d’une maison à une autre, avec sa sœur auprès d’elle comme seule ancre possible dans ce monde où on ne peut compter que sur soi-même; la discrète Isabel se dévoue au théâtre et au jeune prodige qui l’éclabousse d’émotions lorsqu’il monte sur scène, puis aux autres amours impossibles qui suivront; et Dina, l’envoûtante, qui rêve de devenir un mannequin célèbre, mais qui peine à s’émanciper de sa mère, qui ne la regarde pas comme la survivante qu’elle est. Toutes ont une histoire différente et elles évoluent chacune à leur manière, comme elles l’ont d’ailleurs fait sur l’île…

3. Pour lire un roman de survie
Il y a les classiques — Sa Majesté des Mouches, Hunger Games —, les récents — Les ombres filantes, Manuel de survie à l’usage des jeunes filles — et il y a celui-ci, qui s’ajoute à la liste des romans de survie qui feront longue route. Lorsque les jeunes filles voient, dérivant au large, les kayaks qui auraient pu les ramener au camp, on sent que les minutes commencent à s’écouler. Que les provisions sont minimes, que certaines n’auront pas la patience des autres. La route pour rejoindre la possible civilisation de l’autre côté de l’île est plus ardue que ce qu’elles avaient cru et, bien qu’elles le craignissent toutes, nulle n’avait souhaité croiser la route d’un ursidé… En mode survie, chaque décision compte. Et ces fillettes, rappelons-le, n’ont pas encore 12 ans…

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