Yves Pelletier : L’homme à tout lire

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    Humoriste, scénariste, réalisateur et globe-trotter, Yves Pelletier condense plusieurs vies en une seule. Depuis sa jeunesse, les livres accompagnent ce grand lecteur, tellement qu’il est lui-même devenu auteur de bandes dessinées. Ne se limitant pas à un seul genre pas plus qu’à un seul style, il se prête volontiers au jeu du hasard, laissant les livres venir à lui au gré des rumeurs et de ses intérêts. Car Yves Pelletier est décidément un lecteur tous azimuts qui ne se prive d’aucun plaisir littéraire.

    Il vient tout juste de publier une deuxième BD, intitulée Le pouvoir de l’amour et autres vaines romances, cette fois avec l’illustratrice Iris, aux éditions la Pastèque. Avec un tel titre, nous supposons que notre lecteur n’est pas un grand adepte de livres d’amour. Pas nécessairement, semble-t-il. « Ça dépend ce qu’on entend par “roman d’amour”. Si ce sont des romans d’amour à la “Harlequin”, pas vraiment, mais des grandes fresques romantiques, oui. Un de mes romans préférés, c’est La conversation amoureuse d’Alice Ferney. L’amour est un sujet très vaste, ça permet de parler de toutes sortes de choses ». Un sentimental, donc.

    Et, bien sûr, un grand amateur de BD. Né au début des années 60, Yves Pelletier utilisait, enfant, son argent de poche pour acheter les « cartonnés mous » qu’il payait 1,25$. Avant même de savoir lire, il prenait plaisir à feuilleter les « Tintin ». Puis « Astérix », « Iznogoud », « Achille Talon », la « Rubrique-à-brac ». Maintenant, l’univers de la BD est très large, il avoue ne pas tout connaître, mais il a un solide coup de cœur pour Nicolas de Pascal Girard, Le bestiaire des fruits de Zviane et Justine d’Iris, une bédéiste qui le fait beaucoup rire.

    Parlant humour, nous imaginons Pelletier avec un florilège de titres sur le sujet. Eh bien, pas tant que ça, car si plusieurs choses l’amusent, plus rares sont celles qui le font vraiment rire. Parmi celles-là, il y a Bossypants, l’autobiographie de Tina Fey, qu’il a lue dans l’avion. Il se rappelle avoir littéralement éclaté de rire au milieu des passagers interloqués. « C’est une femme que j’adore. J’aime beaucoup son style d’humour. Il y a des chapitres de son livre qui sont des petits bijoux d’autodérision. »

    L’an dernier, alors qu’il partait pour la Russie, il a lu Gogol, Tourgueniev et les autres. « Au moment où je voyage, j’essaie de lire des auteurs locaux. » Pour certains, il s’agit d’une relecture. C’est que dans l’enfance, les restrictions sur les heures de télé étaient nombreuses. « La semaine, en général, ça prenait vraiment un événement extraordinaire pour qu’on puisse regarder la télé. Alors qu’est-ce qu’on fait? Eh! Bien! On lit! » Le soir, son lit donnait sur le corridor et, par la porte entrouverte, s’infiltrait un filet de lumière qui lui permettait de continuer à lire bien qu’on le crût endormi.

    Un jour, il revient à la maison d’une vente organisée à l’école par les éditions Paulines. Il a un livre garni de photos couleur : un documentaire animalier de Walt Disney. Sa mère, en accord avec son choix, lui émet par contre une condition. « Je veux que tu lises celui-là », lui dit-elle en lui tendant L’île au trésor de Stevenson qui ne contient pas plus d’une dizaine d’illustrations. Rebuté, le jeune Yves promet pourtant de s’y mettre. Et quand il le fait… « Ce livre m’a subjugué. Dès que j’ai mis les yeux sur le premier chapitre, je n’étais plus capable de dormir. J’étais complètement transporté! Ça m’a fait réaliser la puissance d’évocation du texte. »

    Si Yves Pelletier fait l’inventaire de ses auteurs fétiches, Emmanuel Bove arrive en tête de liste. Auteur français découvert par Colette dans les années 20, ce dernier meurt en 1945. Connu avant la guerre, il tombe dans l’oubli pour être réédité au début des années 80, période où Pelletier le découvre. C’est avec le roman Mes amis qu’il tombe sous le charme de Bove et de ses personnages paumés. « Ce ne sont pas des romans très très jojo, mais je ne sais pas pourquoi, moi, ça me rend joyeux! »

    Parmi les classiques qu’il lit à l’école en « lectures obligatoires », ce qui n’a rien pour contrarier l’élève enthousiaste, il y a Le meilleur des mondes d’Huxley, Germinal de Zola et Agaguk de Thériault. « Avant même que les cours débutent, j’avais lu les trois romans, j’étais trop impatient! » Tous marquent le jeune lecteur, mais s’il faut n’en retenir qu’un seul, il va vers Zola dont il lit d’autres romans par la suite, Au bonheur des dames demeurant son préféré.

    Il ne néglige pas non plus le polar. « La maîtresse, c’est Patricia Highsmith. C’est inégalé! Ses personnages sont justement toujours un peu troubles, ambigus. » Il parle notamment du livre L’inconnu du Nord-Express, beaucoup plus intéressant selon lui que le film qu’Hitchcock en a fait.

    Récemment, notre lecteur a adoré La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, Une fille, qui danse de Julian Barnes et la BD L’arabe du futur de Riad Sattouf. « Quand je suis concentré, je peux consacrer des journées à la lecture. Voici mon activité aujourd’hui : je lis. » Et du côté québécois? Malabourg de Perrine Leblanc, Arvida de Samuel Archibald, sans omettre la série « De remarquables oubliés » de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque. « J’ai eu la chance de croiser monsieur Bouchard cet été et je lui ai dit : “Je ne suis plus capable de dormir à cause de vous!” »

    On s’en doute, Yves Pelletier aime les librairies. Il avoue même en rêver. « J’entre dans une librairie imaginaire. Un moment donné, je tombe sur un livre et je dis : “Wow, c’est merveilleux cette chose-là”. Et là, je me réveille. Oh! Non! Il n’existe pas! » Il dit d’ailleurs être « nostalgique des librairies artisanales, il y en a de moins en moins, hein? » Il s’approvisionne donc le plus possible dans ces précieux endroits.

    Ce qui l’attend prochainement? Il s’absente vingt secondes pour revenir et nommer exhaustivement de quoi est constituée sa pile. Le chardonneret de Donna Tartt, Les absences du capitaine Cook d’Éric Chevillard, La vie d’un idiot de Ryûnosuke Akutagawa. Yves Pelletier n’est jamais en reste!

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