Marina Orsini : La lecture comme voyage

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    Cela fait près de trente ans que Marina Orsini fait partie du paysage médiatique québécois. Dévoilée au grand jour dans la télésérie Lance et compte, elle n’a pas cessé depuis de travailler comme comédienne, puis comme animatrice à la radio et à la télévision. Ces temps-ci, on peut la voir du lundi au vendredi sur les ondes de Radio-Canada animer l’émission sobrement titrée Marina Orsini, comme une signature personnelle qui témoigne bien de sa grande simplicité. Traversée littéraire entre les pages d’une curieuse invétérée.

    Dans son émission de télévision, Marina Orsini anime avec une ferveur évidente son club de lecture dont Les libraires sont par ailleurs d’orgueilleux partenaires. Soit, son métier l’oblige souvent à lire, mais ce qui est défini comme un travail n’est souvent qu’une pure partie de plaisir pour notre invitée. « C’est vraiment mon métier qui m’a ouvert sur le monde. J’ai fait une session au cégep en langues parce que j’étais trilingue [français-anglais-italien], après ça le métier est arrivé, donc l’école, j’ai mis ça de côté. L’école, ça a vraiment été mon métier, précise Marina. J’ai toujours un stock incroyable de livres à lire pour mon travail. J’adore ça! » Pour Marina Orsini, la lecture est une véritable incursion en territoire ouvert. « Lire, c’est voyager. Oui, c’est voyager dans le temps et à travers le monde, mais c’est aussi voyager dans notre cœur, à travers notre cœur. »

    Un de ses guides incontestables est La prophétie des Andes de James Redfield, un titre qui l’a marquée comme pas un. « C’est un livre avec lequel j’ai tellement connecté. La prophétie des AndesThe Celestine Prophecy –, c’est vraiment comment nous sommes tous interreliés. Autant par les fleurs, les arbres, que les animaux et les êtres humains. Ça m’avait rassurée. Ça correspondait tellement à ce que je pensais, se rappelle-t-elle sans tenter de camoufler son enthousiasme. Pour moi ça a été : “Ben oui, évidemment, c’est ça la vie! Ce n’est pas faux ce que je sens.” C’était un sentiment que j’ai toujours eu à l’intérieur de moi et on dirait que quelqu’un avait trouvé la façon de dire ça par des mots et l’expliquer. Là, vous voyez, je suis devant ma bibliothèque et je me dis, ah! Je devrais le relire! »

    Donc, la lecture est aussi une aventure spirituelle pour la comédienne et animatrice. Plus tard, elle parlera de souvenirs d’enfance où elle revoit sa mère plongée dans des lectures de croissance personnelle et de mieux-être. Comme quoi, peut-être inconsciemment, les impératifs de la quête se sont transmis. Elle nous apprend être issue d’une famille matriarcale dont elle est très proche, composée bien sûr de sa mère, mais aussi de ses trois tantes. « J’ai toujours dit : “Moi, je suis chanceuse, j’ai quatre mères dans ma vie!” D’ailleurs, toute ma famille était ici hier, mes tantes, mes cousines… » Elle évoque le décès de sa mère survenu il y a deux ans et dont la douleur de la perte est encore bien tangible. Pour mieux vivre l’épreuve, Marina trouve appui auprès de livres comme Ma mère est un flamand rose de Francine Ruel, C’est le cœur qui meurt en dernier de Robert Lalonde, L’album multicolore de Louise Dupré. « La maladie, la fin de vie, le décès, accompagner quelqu’un comme ça pendant quatre ans, en l’occurrence sa mère, ça laisse des traces profondes, admet-elle. Il y a une série de livres qui m’ont accompagnée, on dirait que j’étais vraiment assoiffée, j’avais besoin d’une façon de garder un lien à ma mère. »

    Chérir l’objet
    Dans un ultime plaidoyer, Marina Orsini résume son ardeur pour le livre : « C’est le savoir, c’est apprendre, c’est découvrir, c’est être rassuré, c’est se réconcilier aussi très souvent. C’est une belle et grande chose, la lecture. »

    « J’aime l’objet, j’aime le livre. Oui, j’ai une tablette, j’ai une liseuse, mais j’aime l’odeur du livre, j’aime tourner les pages, j’aime manipuler l’objet. » Plus aucun doute, Marina Orsini aime les livres et, par conséquent, les librairies. « Un peu comme quand on rentre dans un Toys “R” Us : je suis capable de rester là une grosse demi-heure, une heure! »

    Dans le détour, elle découvre des auteurs puissants, par exemple les Français Grégoire Delacourt et David Foenkinos. Elle fait la connaissance du premier par le roman La liste de mes envies, apporté par une amie. « Ça m’a ouvert sur un auteur que j’adore. Je suis dans le processus de tout lire de lui. Il sait tellement bien manier les mots cet homme-là, ajoute la lectrice manifestement comblée. Il est très féminin dans sa façon d’observer les êtres, la vie. Je trouve qu’il a une tendresse et une telle émotion dans son écriture. Grégoire Delacourt était en publicité, il a vraiment le sens de l’image. »

    Elle poursuit la nomenclature de ses préférés avec Charlotte de David Foenkinos, un livre troublant écrit comme un poème en hommage à l’artiste peintre Charlotte Salomon, tuée dans les camps de la mort lors de la Deuxième Guerre mondiale alors qu’elle était enceinte. L’écrivain Foenkinos a été si obnubilé par ce récit que cela l’a amené à fréquenter les endroits où Charlotte était passée, à compulser toutes les données qu’il pouvait trouver pour retracer le destin de cette jeune femme. Marina Orsini l’annonce d’emblée comme une lecture « extraordinaire ».

    Orsini est également séduite par toutes les vies vécues et elle a un faible avoué pour les biographies. « Dernièrement, j’ai lu le nouveau livre de Louise Portal, Pauline et moi. Ah! C’est tellement beau! L’avez-vous lu? C’est comme un album, mais c’est comme une prière aussi. C’est une longue lettre d’amour à sa sœur jumelle. » Elle a aussi lu les biographies des politiciennes Pauline Marois et Monique Jérôme-Forget, ainsi que celles de la comédienne Sylvie Boucher et de l’athlète olympique canadienne Clara Hughes.

    Incontournables rendez-vous
    Fragilité de l’existence qui n’exclut pas force et grandeur. Pour extrapoler cette dimension, Marina Orsini cite les livres de Christian Bobin. « Une petite robe de fête, Souveraineté du vide, La part manquante, j’en ai plusieurs. Ils font du bien, ils rassurent, ils consolent. Encore là, c’est toute la délicatesse dans l’écrit. » Un autre rendez-vous déterminant a eu lieu avec l’auteur Jacques Salomé qu’elle a connu lorsqu’elle enregistrait la lecture de livres audio. « Il n’est pas seulement un être de générosité dans ses écrits, il l’est aussi quand on le rencontre. Je me souviens, à une époque, quand je me suis séparée, j’étais à la radio et il était venu parler d’un de ses livres. Pendant la pause, on prenait des nouvelles, et il m’avait dit : “Marina, n’oublie jamais que tu es plus grande que l’histoire de ta vie”. Ça me porte encore aujourd’hui. »

    Crédit photo : © Manon Boyer

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