Macha Limonchik : La livre, les livres

16
Publicité
Le matin de notre rencontre, elle revenait tout juste des Caraïbes, où un tas de livres avaient côtoyé la brosse à dents et le maillot dans son sac de voyage. Et pour cause ! Macha Limonchik avoue candidement lire beaucoup, beaucoup, passionnément et littéralement de tout, en anglais comme en français. Si bien qu'on pourrait croire que dès que la comédienne quitte une scène de théâtre ou un plateau de tournage, c'est pour plonger directement dans les pages d'un bouquin comme on se jette dans la mer. Rencontre avec une lectrice compulsive.

Une enfance au milieu des livres

Pour Macha Limonchik, que les téléspectateurs ont appris à connaître sous les traits de Claire (dans le célèbre feuilleton télévisé) ou en tant que Suzanne (dans la minisérie Samuel et la mer), la lecture est une activité essentielle, à laquelle elle s’adonne depuis l’enfance. « Chez mes parents, c’était primordial : mon père lisait les journaux, des ouvrages d’histoire et des essais politiques, alors que ma mère s’intéressait davantage aux romans qui défrayaient les manchettes de l’époque : Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, etc. En famille, on fréquentait beaucoup la bibliothèque, les librairies et les bouquineries d’occasion. »

Macha Limonchik se rappelle notamment avoir été subjuguée à l’école par la lecture à voix haute qu’on leur faisait, à ses condisciples et elle, des romans de Marcel Pagnol (La Gloire de mon père, Le Château de ma mère), devenu dès lors un auteur fétiche. « Mais mes premiers émois de lectrice, je les dois à Jacques Prévert. Petite, j’apprenais ses poèmes par cœur. Après, vers 10 ou 12 ans, ç’a été Molière. Je ne savais pas que je serais comédienne, mais j’étais tellement impressionnée par le Tartuffe que je voulais jouer ce rôle, sans trop comprendre que c’était un rôle masculin. Molière me faisait beaucoup rire ; j’aimais le Tartuffe, mais j’aimais aussi beaucoup les farces, les plus vulgaires d’ailleurs. »

Le polar, comme passeport

Pour plusieurs, l’adolescence est parfois une période où, les choses de la vie aidant, l’on s’éloigne de la lecture. Ç’a certainement été le cas pour Macha Limonchik, quoiqu’elle n’ait pas tardé à revenir à ses premiers amours, les livres. « Je m’y suis remise par la force des choses. Comme à ce moment-là je n’avais pas un sou, je me suis mise à lire en anglais parce que les livres de poche sont encore moins chers. Et pour commencer par quelque chose de pas trop ardu, quelque chose de prenant et de contemporain, je me suis mise au polar. J’ai commencé par Sue Grafton, justement, parce que ses titres me poussaient à croire que ses romans ne pouvaient pas être trop compliqués… (rires) Je lis beaucoup de polars, mais il y a des auteurs que je considère comme des vraies valeurs sûres : Minette Walters, Michael Connelly, mais aussi un romancier italien qui n’est malheureusement pas aussi connu chez nous, Giorgio Scerbanenco. Il n’a écrit que quelques polars, mais ceux que j’ai lus, qui mettent en scène le docteur Duca Lamberti, m’ont vraiment plu. À vrai dire, j’aime beaucoup voyager par l’entremise des romans policiers, être dépaysée, et le milieu où se déroule l’intrigue a une grande influence sur mon choix de lectures. »

Cela dit, la comédienne s’empresse de préciser que le dépaysement n’est pas une condition sine qua non de son appréciation d’un polar, comme en témoigne son admiration pour Jean-Jacques Pelletier, dont les thrillers aux enjeux planétaires sont résolument ancrés dans notre Québec contemporain. « Je suis vraiment une fan. J’ai recommandé la lecture des romans de la série  » Les Gestionnaires de l’Apocalypse  » à ma mère et à tous mes amis. J’ai aussi lu avec le même plaisir, la même fascination, son essai, Écrire pour inquiéter et pour construire. »

Au-delà du noir

Mais autant Macha Limonchik affectionne le genre noir, autant ses goûts littéraires ne s’y restreignent pas. Debout devant les rayons de sa bibliothèque abondamment garnie, la comédienne donne l’impression de ne plus savoir où donner de la tête ni quel livre tirer de la masse. Et volubile, elle multiplie les noms d’écrivains dont elle apprécie les œuvres, tant pour leurs récits prenants que pour leur écriture dénuée de préciosité. « J’ai eu une époque où je ne jurais que par Borges, dont j’ai lu toutes les nouvelles, Fictions, Le Livre de sable, Le Rapport de Brodie, et le reste, même si je ne connais pas sa poésie. J’avoue que je n’ai jamais été une grande lectrice de poésie. À part Prévert, s’entend. »

Parmi les romancières contemporaines, retenons deux noms au son desquels le regard de notre « Libraire d’un jour » s’illumine : Barbara Kingsolver et Hella S. Haase. « Entre autres, j’ai été très touchée par Les Yeux dans les arbres de Kingsolver, nous confie la comédienne. C’est un roman très dur, très violent, qui raconte la vie d’un pasteur américain et de sa famille au Congo belge, au moment de l’assassinat de Patrice Lumumba, alors que tout le pays est à feu et à sang. J’ai lu la plupart des bouquins de Kingsolver, en anglais comme en français ; par exemple, j’ai beaucoup apprécié Les Cochons au paradis. »

« Hella S. Haasse me fascine littéralement, entre autres pour la facilité qu’a cette dame, qui n’est plus toute jeune, à décrire un univers et des personnages résolument contemporains. Encore là, j’ai lu et aimé pas mal tous ses romans, alors c’est difficile d’en citer seulement un ou deux. Allons-y pour quand même avec Un long week-end dans les Ardennes, Les Initiés et Locataires et sous-locataires. »

Le temps file, l’entrevue s’achève et les livres ne cessent néanmoins pas de s’additionner sur la table devant nous. En vrac, il y a là un de ces pavés de suspense précédé par la rumeur médiatique (le fameux Da Vinci Code de Dan Brown), des romans étrangers, québécois (Un peu de fatigue de Stéphane Bourguignon, Banlieue de Pierre Yergeau), un essai sur l’histoire juive, des pièces de théâtre, et beaucoup trop de titres pour l’espace qui reste à cette chronique. Il n’y a pas à dire, Macha Limonchik est une véritable lectrice compulsive, qui ne risque pas d’avoir la chair triste de sitôt, puisqu’il y a encore tant de livres à lire. Fort heureusement…

Publicité