Louise Portal : Lectrice de A à Z

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Le hasard a voulu que nous ayons eu à travailler ensemble à l'élaboration d'une soirée de lecture (« Après nous, le déluge, hommage aux écrivains du Saguenay-Lac-Saint-Jean »), présentée dans le cadre du Festival international de Littérature. À peine ce spectacle terminé, l'auteure-compositrice-interprète, comédienne et écrivaine Louise Portal devait s'envoler pour Cannes afin d'y rejoindre ses collègues de la distribution du film Les Invasions barbares de Denis Arcand, acclamé sur la Croisette. Mais je ne l'ai pas laissée partir avant qu'elle me fasse la promesse qu'on prendrait un moment au cours de l'été pour causer littérature…

Vous m’avez confié être arrivée tard à la lecture ; pour la fille d’un intellectuel, d’un père passionné de littérature, c’est quand même étonnant, non ?

C’est vrai. Mes sœurs ont toutes été des grandes lectrices bien avant moi. Il faut dire que quand j’étais enfant, je souffrais d’un déficit d’attention qui ne m’aidait vraiment pas à me concentrer. Encore aujourd’hui, je m’en rends compte quelquefois, il faut qu’un livre soit vraiment passionnant, qu’il me captive de la première à la dernière page, sinon j’ai tendance à décrocher.

Vous souvenez-vous des premiers auteurs qui ont réussi à vous captiver ?

Émile Zola. Vers la fin de l’adolescence, j’ai été subjuguée par son écriture, par cette minutie, cette attention aux détails qui vous donne l’impression d’y être et d’apprendre tellement de choses sur l’époque qu’il décrivait. J’ai lu Germinal, Nana, et d’autres aussi. Je me souviens que je passais des après-midi à me faire croire que j’étais dans un roman de Zola. J’incarnais différents personnages, je me faisais mon cinéma… Et puis, parmi les autres écrivains dont mon père nous parlait toujours, et dont les livres garnissaient sa bibliothèque, il y a eu aussi Julien Green qui m’a vraiment impressionnée, avec Moïra, entre autres. Il faut dire que cette découverte correspondait chez moi à l’éveil de la sensualité, aux premiers rendez-vous amoureux avec les gars qui allaient finir par m’éloigner un peu de la lecture…

Quand vous vous amusiez à incarner les héroïnes de Zola, était-ce déjà l’appel de la vocation de comédienne qui se faisait entendre… ?

Peut-être. Remarquez, quand j’étudiais le théâtre, j’ai lu les auteurs que nous montions, Tennessee Williams ou d’autres. Mais je n’ai jamais aimé beaucoup lire des pièces de théâtre ou des scénarios de films. Ce sont des œuvres incomplètes, dont la lecture me semble aride. Et puis, j’ai beaucoup de mal à m’imaginer ce à quoi va ressembler une pièce ou un film rien qu’en lisant le texte. C’est pourquoi j’ai toujours préféré les romans. Les univers romanesques sont mieux campés. J’ai besoin de me raccrocher à du concret, à du réel. C’est peut-être pourquoi j’aime autant lire les biographies.

Et quelles sont les biographies que vous avez préférées ?

Je garde de très bons souvenirs de l’autobiographie de la comédienne Liv Ullmann [NDLR : hélas, désormais indisponible sur le marché]. J’ai aussi beaucoup aimé la biographie de Marguerite Duras par Laure Adler et celle de Gabrielle Roy par François Ricard. Souvent, les biographies d’écrivains sont pour moi une manière de découvrir l’auteur avant d’aborder l’œuvre proprement dite. Ç’a été le cas pour Gabrielle Roy, que j’ai appris à connaître à travers le livre de Ricard et dans sa propre autobiographie avant de me plonger dans ses œuvres : Bonheur d’occasion, Ces enfants de ma vie (que j’ai trouvé tellement sincère, tellement émouvant), Rue Deschambault. Dans le cas de Duras, j’ai non seulement dévoré l’ouvrage de Laure Adler mais aussi le très beau livre de Yann Andréa Steiner, Cet amour-là, qui est devenu un superbe film avec Jeanne Moreau. De l’œuvre romanesque de Duras, je retiens L’Amant. Et puis, ça m’est arrivé avec l’autre Marguerite aussi, Marguerite Yourcenar, dont je n’ai réussi à apprivoiser l’œuvre — Mémoires d’Hadrien, L’Œuvre au noir — qu’après avoir connu sa vie.

Que lisez-vous, ces jours-ci ?

Beaucoup de choses, trop de choses en même temps. Il faut dire que, comme lectrice, j’ai la fâcheuse manie de zapper d’un livre à l’autre. Par exemple, je lis présentement un livre de John Gray (Mars et Vénus : Les Chemins de l’harmonie). On est loin de la littérature, je le sais, mais ça fait partie des lectures reliées à ma croissance personnelle. En amour, on croit souvent qu’on connaît l’autre à fond alors qu’on a toujours quelque chose à apprendre. J’ai lu beaucoup de livres dans ce genre et j’en lis encore, mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en parler ici. Parallèlement à cela, j’ai passé la nuit dernière en compagnie de Guillaume Vigneault… (rires).

Ce qu’un tas de lectrices vous envient sûrement…

…oui, sûrement. Sans blagues, je suis en train de lire son deuxième roman, Chercher le vent, et je suis littéralement sous le charme de son écriture. J’avais aimé Carnets de naufrage aussi. Il faut dire que j’ai connu Guillaume en tant que fils de Gilles, quand il était encore jeune. Par curiosité peut-être, je me suis intéressée à son œuvre d’écrivain. J’apprécie son style, mais aussi cette sincérité qu’on sent dans ses romans. Je ne crois pas que ce soient des romans autobiographiques proprement dits, mais on sent qu’il y a beaucoup investi de ce qu’il est et ça, ça me touche beaucoup.

On a l’impression que vous recherchez ce type de contenu, dans vos lectures…

Absolument. Je n’ai jamais été friande de ces grandes sagas qui vous racontent l’histoire d’un clan à travers les siècles. Ce que je recherche d’abord dans un livre, c’est un contact avec l’intime, avec l’intériorité de l’auteur. J’y suis très sensible. C’est ce qui me fait réfléchir et grandir comme lectrice.

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Les choix de Louise Portal, lectrice

Marguerite Duras, Laure Adler, Folio
L’Amant, Marguerite Duras, Minuit
Moïra, Julien Green, Seuil
Gabrielle Roy, une vie, François Ricard, Boréal Compact
Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy, Boréal Compact
Ces enfants de ma vie, Gabrielle Roy, Boréal Compact
La Détresse et l’enchantement, Gabrielle Roy, Boréal Compact
Rue Deschambault, Gabrielle Roy, Boréal Compact
Cet amour-là, Yann Andréa Steiner, Le Livre de Poche
Mars et Vénus : Les Chemins de l’harmonie, John Gray, J’ai Lu
Carnets de naufrage, Guillaume Vigneault, Boréal Compact
Chercher le vent, Guillaume Vigneault, Boréal Compact
Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar, Folio
L’Œuvre au noir, Marguerite Yourcenar, Folio
Germinal, Émile Zola, Garnier-Flammarion GF
Nana, Émile Zola, Garnier-Flammarion GF

Les œuvres de Louise Portal, écrivaine

Portal en chansons, Louise Portal, Écrits des forges
L’Enchantée, Louise Portal, Québec Amérique
Cap aux Renards, Louise Portal, Hurtubise HMH

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