Pour Lara Fabian, les bons repas sont des occasions de se rassembler, de festoyer, de se réconforter. Qu’elle soit italienne, belge, québécoise, japonaise, tunisienne, américaine, russe, française ou israélienne, la nourriture est le fil conducteur de son premier livre. Hybride littéraire faisant appel aux sens, Je passe à table (Libre Expression) est une courtepointe d’histoires, une œuvre artistique digne des coffee table books et un livre contenant les recettes qui ont jalonné sa vie. Pour la revue Les libraires, c’était l’occasion parfaite de discuter avec la chanteuse des mots qui nourrissent son âme.

Après avoir écrit des centaines de chansons, Lara Fabian a ressenti le désir d’écrire un premier livre. « J’avais la volonté de me balader chronologiquement entre diverses histoires de ma vie qui me semblaient d’un certain intérêt et qui étaient infiniment liées à la table, explique l’artiste en entrevue. Puisque la cuisine est un geste dans lequel je me commets tous les jours et qu’elle m’a été transmise depuis toute petite, j’ai écrit ce livre en me déposant pour me raconter. »

À la fois intimes et universelles, chaleureuses ou dramatiques, les dix-sept histoires qui jalonnent son ouvrage lui permettent de se dévoiler en s’éloignant de la forme autobiographique classique. Mais n’allez pas y voir un besoin de faire différent des autres. « Je sais que ça peut paraître étrange, mais je ne me pose pas ce genre de questions. Plus à mon âge. Aujourd’hui, je ne me demande plus quelle sera l’observation des autres. Je n’avais pas la volonté de défier les critères ou de modifier les paramètres de ce genre littéraire, mais d’être authentique. »

Page après page, on la sent sincère, blagueuse, vulnérable et parfois jalouse de son intimité, préférant survoler certains passages de sa vie ou carrément éviter d’y plonger. « Une de mes histoires n’a pas fini dans le livre, parce qu’elle était trop douloureuse. Je n’essayais pas de faire l’économie de la raconter pour ne pas blesser les autres, mais parce qu’elle m’aurait blessée moi. On aurait pu la lire en se disant “pauvre petite star internationale”, mais je ne donnerai pas cette arme-là à quelqu’un pour me faire battre. »

La naissance d’un amour
Si la nourriture se trouve au cœur de la vie de Lara Fabian, les livres sont quant à eux jamais très loin. « Dans ma famille, on se donnait souvent des bouquins en cadeau. C’était une façon de se dire les uns aux autres : “Voilà ce que j’aimerais que tu saches ou ce à quoi j’aimerais que tu t’intéresses”. »

Si la Comtesse de Ségur a marqué sa tendre enfance, les bandes dessinées, si chères aux yeux de ses compatriotes belges, ont vite trouvé grâce à ses yeux. De Boule et Bill à Tintin, en passant par Gaston Lagaffe, Astérix, Léonard, Cubitus et Yoko Tsuno, les mots et les images étaient un mariage quasi quotidien pour celle qui s’est ensuite concentrée sur la chanson. « À l’adolescence, je me suis enfuie dans la musique. J’étais beaucoup plus dans un besoin d’exprimer des choses, même avec maladresse, que dans le fait d’emmagasiner. »

Cela dit, sa mère avait l’habitude de lui acheter des essais en quantité. « Maman aimait beaucoup les livres qui relataient combien nos possibilités étaient glorieuses en tant qu’humain. » Des années plus tard, un titre québécois l’a chavirée : Juillet de Marie Laberge. « On y découvre que l’amour n’est pas un sentiment, mais une vibration qui peut nous cueillir avec beaucoup de violence et donc, par défaut, nous élever avec fulgurance. C’est un des livres que j’ai le plus lus et offerts en cadeau. »

Une pièce bibliothèque
En lisant le récit biographique, on apprend que la famille de Lara Fabian a déménagé souvent durant sa jeunesse. Chose qu’elle a elle-même répétée à plusieurs reprises durant sa vie d’adulte. Presque chaque fois, ses livres la suivaient. « La dernière fois que j’ai déménagé mes centaines de livres, je les ai logés dans ma petite maison en Italie, dans une pièce bibliothèque. Je ne pensais plus partir de là, mais quand les choses ont changé, j’ai décidé que je ne les bougerais plus. »

Qu’elle soit au Québec, en Italie, en Belgique, en France ou en tournée à travers le monde, ses bouquins lui manquent. « Ce sont des objets merveilleux, parfois même des objets de réconfort. J’ai réussi à réunir un peu plus de la moitié de mes livres dans mon Kobo pour les avoir avec moi partout. »

Des livres et des sons
Si son bouquin nous permet de mieux comprendre certaines épreuves physiques qu’elle a traversées au fil du temps, il nous offre également l’occasion de découvrir un de ses livres fétiches : L’effet Mozart : Les bienfaits de la musique sur le corps et l’esprit, de Don Campbell. « En Chine, des moines appliquent des pratiques ancestrales millénaires qui utilisent le chant pour dissoudre des champs actifs de douleur. Je sais que c’est extrêmement controversé de parler de ça. Mais le livre illustre de manière neuroscientifique comment on peut déconstruire un amas physique souffrant par le son. Quand je me suis brisé des vertèbres, j’ai utilisé l’une de ces techniques. C’est un procédé très lent et laborieux. »

Elle évoque également Au cœur du vivant d’Isabelle Padovani. « Ce sont des textes courts et poétiques qui racontent, un peu à la manière de la sagesse indienne, ce qui est disponible dans les mots pour évoluer. » Pas surprenant qu’une chanteuse de son expérience et de son expertise ait depuis des années approfondi les bienfaits des sons et des mots. On remarque d’ailleurs que plusieurs de ses lectures préférées sont des ouvrages sur la psychologie ou le développement personnel. « Ça correspond à un besoin. Je n’ai pas l’intention de paraître plus savante que je ne le suis en disant ça. Ces lectures me font tout simplement du bien. »

Quand on creuse un peu, on découvre qu’elle est également séduite par des essais, des faits vécus et des romans, comme la célèbre saga L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante, qu’elle a relue cet automne en italien. Une langue dans laquelle elle savoure également La grammaire de la fantaisie. « Ce livre confirme avec beaucoup de simplicité et de passion à quel point les mots peuvent être puissants. »

Photo : © Geneviève Charbonneau

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