Quand l’animateur Jean-Sébastien Girard prend quelques verres d’alcool qui finissent par le désinhiber, il lui arrive de laisser libre cours à sa passion pour la littérature en achetant beaucoup de livres. Souvent trop. Parfois même des titres qui ne sont pas faits pour lui. Il utilise d’ailleurs une expression pour en parler : le drunk shopping littéraire.

« Ma librairie préférée est Raffin sur Saint-Hubert et je vais souvent prendre un verre avec des amis au bar en face. Après quelques drinks, je traverse la rue et j’achète des livres qui ne m’intéressent pas toujours, en surévaluant mon intelligence ou mes champs d’intérêt », raconte l’animateur de l’émission JS Tendresse, qui a l’habitude de fouiller dans les archives musicales pour nous faire redécouvrir les hits d’autrefois.

Nostalgique assumé, fouineur invétéré, curieux devant l’éternel, Jean-Sébastien Girard a eu bien du mal à composer avec la fermeture des librairies durant des mois, en raison de la pandémie. Même s’il a commandé des livres en quantité industrielle, il rêvait du jour où il pourrait faire des découvertes en étant à nouveau entouré de livres. « Quand je suis retourné dans une librairie, ça a été un moment spécial pour moi. Je m’ennuyais de bouquiner, de prendre des livres dans mes mains, de me laisser inspirer par la couverture et de lire la quatrième de couverture. »

Quand il rentre chez lui avec des sacs chargés de livres, il a une méthode de classement toute particulière. « Les livres que je n’ai pas lus ne vont pas dans ma bibliothèque, mais dans un tiroir, comme si je ne voulais pas les “brûler”. On dirait que si je les vois, ils existent déjà et ça devient moins urgent de les lire. Lorsqu’une nouveauté sort et m’emballe, je vais souvent l’acheter, la lire et perdre de l’intérêt pour les autres. »

Sauvons les livres!
N’allez surtout pas lui parler des méthodes de désencombrement qui poussent quantité de personnes à se départir de leurs vieux bouquins. « Mes livres sont un peu comme ma propre biographie. Tout ce que j’ai lu m’a transformé, ému, informé, diverti. À vrai dire, s’il y a un incendie chez moi, la première chose que je veux sauver, c’est ma bibliothèque. »

Si les livres occupent une place privilégiée dans sa vie, il souhaite qu’il en soit de même avec la personne qui pourrait partager sa vie. « Si je vais chez quelqu’un pour la première fois et qu’il n’y a pas de livres, je me dis que ce ne sera pas possible. Le contenu d’une bibliothèque dit beaucoup sur un individu. »

Il lui arrive même de se transformer en enquêteur du dimanche pour en apprendre davantage. « Sur Instagram, lorsque les gens montrent une image de chez eux et que je vois des livres, je fais une capture d’écran et j’agrandis pour voir quels sont leurs livres. Si ma date lit seulement du Stephen King, ce ne sera peut-être pas un match. »

Un cadeau à répétition
Ces jours-ci, Jean-Sébastien Girard penche plutôt vers des plumes comme celle de Jean-Christophe Réhel. « J’ai découvert deux ou trois ans après tout le monde Ce qu’on respire sur Tatouine et j’ai été soufflé par son œuvre, alors j’ai commandé tous ses autres titres. Quand je découvre un auteur qui me passionne, je veux tout lire de lui ou d’elle. »

Il y a aussi de fortes chances pour que ses coups de cœur se transforment en présents pour ses amis. « J’offre presque exclusivement des livres en cadeau et j’achète souvent le titre que je viens de lire pour l’offrir. Évidemment, je n’impose pas des œuvres à mes proches, mais les amis qui m’entourent ont souvent une sensibilité semblable à la mienne. »

Il a donné au moins six exemplaires de la pièce Les étés souterrains, écrite par le comédien et dramaturge Steve Gagnon. « Après avoir vu la pièce, dont le texte m’a bouleversé, j’ai acheté le livre pour fréquenter l’histoire à nouveau et j’ai ensuite voulu l’offrir à plein de monde. »

Il a également donné à quelques reprises Trouve-moi, la suite du livre Call Me by Your Name, d’André Aciman. « Le livre pose la question de la pérennité de l’amour et met en scène l’amour qui ne se peut pas, qui brûle et qui déchire. Ça me fait dire que les grandes histoires d’amour qui se peuvent ne m’intéressent pas. »

« C’est mon histoire! »
Celui qu’on peut entendre depuis des années à La soirée est (encore) jeune semble particulièrement intéressé par les histoires qui racontent ce qu’il est lui-même en train de vivre, et ce, souvent par hasard. « Parmi les livres déterminants pour moi, il y a La nuit des princes charmants, de Michel Tremblay, que j’ai lu à 17 ans. C’est l’histoire d’un amoureux d’opéra qui se sent seul, qui cherche à perdre sa virginité et qui tente d’assouvir son amour de la culture, avec toute la passion d’un jeune homme qui réalise vouloir faire ça de sa vie. Je tournais chaque page en me disant : “C’est moi, c’est ma quête et mon histoire.” J’en tremblais. »

En général, les livres qui font vibrer Jean-Sébastien Girard sont des romans et des récits laissant entrevoir une part de vérité. « À l’inverse, quand je lis l’œuvre écrite par un auteur avec un narrateur de sexe opposé, j’ai un peu de difficulté. Par exemple, lorsque Philippe Besson se met dans la peau d’une femme ménopausée de 45 ans qui voit son enfant partir, ça m’intéresse moins. Mon cerveau accroche un peu. »

Regrettant aujourd’hui sa jeune vingtaine, durant laquelle il lisait avec une ardeur indescriptible, le passionné de lecture réalise que son rapport aux livres a beaucoup changé avec le temps. « Avant, quand j’entrais dans une librairie, je me disais : “Voici tous les livres que je vais pouvoir lire dans ma vie.” Maintenant, je commence à penser que ce sont tous les livres que je n’aurai probablement pas le temps de lire. Je constate que je vais devoir faire des choix. »

Cela dit, si on lui permet de choisir entre des vacances de lecture et toute autre possibilité, sa décision est particulièrement facile à prendre. « J’aime me lever, mettre mes gougounes, me faire un café et m’installer pour lire presque jusqu’au coucher du soleil. Ça me rend profondément heureux. Chaque fois que je le fais, je me demande pourquoi j’ai arrêté de lire compulsivement comme avant. »


Photo : © Agence RBL

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