Guy A. Lepage : Un gars, des livres

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Décidément, le moins qu'on puisse dire à propos de Guy A. Lepage, c'est que l'ex-membre de Rock & Belles Oreilles (le plus venimeux de la gang, disait-on à l'époque) ne chôme pas ! À peine son populaire sitcom Un gars, une fille avait-il quitté l'antenne au terme des sept saisons qui en avaient fait l'une des séries les plus suivies au petit écran que le comédien, scénariste et producteur de télévision se lançait corps et âme dans son tout nouveau projet, destiné cette fois-ci au grand écran. Ce qui n'a pas empêché l'interprète de Guy — le « gars » du titre, concepteur publicitaire sympathique, quoique volontiers cynique et un brin macho — de répondre à ces quelques questions sur ce hobby qu'il partageait avec son alter ego télévisuel : la lecture à l'heure du dodo.

Commençons par une question purement rhétorique : les lectures de chevet de Guy, le personnage d’Un gars, une fille, sont-elles très différentes des vôtres?

Évidemment ! Dans l’émission, les livres de chevet de Guy, comme ceux de Sylvie, étaient choisis en fonction de l’image qu’on voulait donner de ces personnages et pas d’après mes goûts ou ceux de Sylvie Léonard ! Je ne me verrais pas en train de recommander les lectures de Guy…

Parlons du Guy de la réalité, alors : quel type de lecteur êtes-vous?

Un boulimique. J’ai un livre de chevet (mais pas toujours le même !) depuis l’âge de six ans. J’ai tellement lu que j’ai oublié carrément certains livres. C’est comme ce roman policier que j’ai acheté en format de poche deux ans après sa parution en grand format, et dont j’ai relu les trois quarts avant de m’apercevoir que j’en connaissais le punch. Je lis tous les soirs ou presque. La lecture fait véritablement partie de mon rituel de dodo : me concentrer sur une histoire plutôt que laisser mon esprit vagabonder au gré de mes préoccupations. Cette session de lecture peut durer dix minutes comme une heure et soudain, voilà que je relis deux fois le même paragraphe… Je ferme les yeux et bonsoir… il est parti !

Vous souvenez-vous de vos premiers émois de lecteur?

J’ai dévoré la « Bibliothèque Rose » puis la « verte » comme bien des gens de ma génération : Le Club des cinq, Hannibal Jones (présenté par Alfred Hitchcock), etc. Mais le premier livre qui m’ait vraiment marqué, à l’âge de dix ans je crois, fut Le Journal d’Anne Frank. C’est là que j’ai rencontré la guerre, l’intolérance, la méchanceté, le racisme et la cruauté. Bye bye, « Bibliothèque Rose » !

Quels seraient les auteurs qui vous ont le plus marqué tant sur le plan émotif que sur le plan intellectuel?

J’ai lu environ 20 000 pages d’Alexandre Dumas, ce qui ne fait pas de moi un dumasien pour autant, car j’ai renoncé avant les carnets de voyage et les livres de recettes ! À une certaine époque, j’ai beaucoup lu Victor Hugo — Les Misérables m’ont captivé ! L’Œuvre au noir et Les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, tout Paul Auster, tout John Irving et surtout celui qui me semble avoir influencé ces deux derniers: Robertson Davies, un géant de la littérature même s’il n’était que canadien ! Aussi, plusieurs romans policiers : j’ai un faible pour Ed McBain et le Suédois Henning Mankell.

Y a-t-il un genre ou des genres littéraires qui vous attirent plus que d’autres ? Et d’autres qui vous rebutent carrément ?

Les polars, pour l’efficacité de l’intrigue. Il faut être cartésien pour ne pas s’enchevêtrer dans l’élaboration d’une histoire policière. J’adore aussi les romans historiques : j’ai un gros faible pour la série « Fortune de France »,de Robert Merle, ainsi que pour Les Rois maudits, de ce vieux réactionnaire de Maurice Druon. Cela dit, contrairement à tout le monde, la saga de Marie Laberge (« Le Goût du bonheur ») m’a ennuyé. J’ai essayé, réessayé puis abandonné.

Et si je vous demandais en terminant de dresser une liste de cinq ou six titres (tous genres confondus) que vous recommanderiez sans hésiter à nos lecteurs et lectrices…

J’en reviens à Robertson Davies : Un homme remarquable est de tous ses livres celui que je conseillerais d’abord; c’est un roman qui parle, entre autres choses, du trafic des faux tableaux durant la Deuxième Guerre mondiale, dont l’écriture est rien de moins que remarquable. Du côté québécois, un petit roman de Marc Robitaille, Des histoires d’hiver avec des rues, des écoles et du hockey, trône encore dans mon Top Ten. Robitaille pose un regard touchant, drôle et nostalgique sur l’enfance des garçons de ma génération. De Marguerite Yourcenar, je propose Les Mémoires d’Hadrien, un roman basé sur la vie de l’empereur Hadrien au moment du déclin de l’empire romain, un livre vraiment exceptionnel écrit par une femme gigantesque. L’Échiquier du mal de Dan Simmons, un extraordinaire roman d’épouvante sur fond d’histoire de nazis. Et puis, si vous avez le courage, Les Misérables du père Hugo, un roman aussi magnifique que prétentieux.

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Journal, Anne Frank, Le Livre de Poche
Grands romans (9 tomes), Alexandre Dumas, Robert Laffont, coll. Bouquins
Œuvres romanesques (2 tomes), Paul Auster, Actes Sud, coll. Thesaurus
Le Monde selon Garp, Hôtel New Hampshire, Une prière pour Owen, John Irving, Points
87e District (8 tomes), Ed McBain, Omnibus
Les Morts de la Saint-Jean, Henning Mankell, Points
Le cycle « Fortune de France » (12 tomes), Robert Merle, Le Livre de Poche, environ
Les Rois maudits, Maurice Druon, Omnibus
Un homme remarquable, Robertson Davies, Points
Des histoires d’hiver avec des rues, des écoles et du hockey, Marc Robitaille, VLB éditeur
L’Œuvre au noir et Les Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar, Folio
L’Échiquier du mal (2 tomes), Dan Simmons, Folio, coll. SF
Les Misérables, Victor Hugo, Robert Laffont, coll. Bouquins (également disponible chez plusieurs autres éditeurs)

Pour mieux connaître Guy A. Lepage :
Paroles d’hommes, Matthias Brunet, Québec Amérique

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