Si vous habitez au Québec, il est presque impossible que vous n’ayez jamais vu le visage de Claude Legault. Acteur à la feuille de route impressionnante, il fait valoir son talent tant sur les plateaux de télévision que sur ceux de cinéma. Les feux de la rampe, disons qu’il connaît bien!

Son sourire magnanime, ses yeux un brin mélancoliques d’où émane la sincérité et sa gueule sympathique aux airs de faux voyou servent très bien les personnages qu’on confie au comédien Claude Legault. Tout a commencé à la Ligue nationale d’improvisation (LNI). Il y a fait école, se jetant sur la patinoire pour se mettre au défi des contraintes de ce jeu périlleux. Puis, la vie a fait en sorte de mettre sur sa route les projets et les rôles, lui façonnant la carrière prolifique qu’on lui connaît. Les livres, comme autant de repères éclairants, jonchent et inspirent ce parcours. « On dirait que je lis moins depuis que j’écris moi-même pour la télé, j’ai moins le temps. Ce qui m’embête beaucoup parce que je continue à acheter autant de livres! » C’est en fouillant dans la bibliothèque de son grand frère que Claude Legault a fait ses premiers pas en tant que lecteur. Il adorait plonger le nez dans les livres de géographie, d’histoire et de sciences. Le petit encyclopédiste aimait apprendre de nouveaux mots et quand venait l’heure d’aller au lit, ce n’était jamais sans son dictionnaire Larousse illustré.

Les bandes dessinées avaient aussi sa préférence. Bien sûr, les classiques « Astérix » et « Tintin », « Gaston Lagaffe », « Les tuniques bleues », « Philémon ». « Il y a eu une rencontre extraordinaire avec Gotlib et les “Rubrique-à-brac”. Ç’a été une révélation au niveau de l’humour et du type de dessin, irrévérencieux. Plus tard, j’ai racheté toutes les compilations. » Il n’a jamais cessé de s’intéresser au 9e art, d’autant plus qu’il considère que de plus en plus, certains ouvrages sont de véritables œuvres d’art. Une série comme « Chroniques de la lune noire » figure dans le haut de son palmarès. Il reconnaît tout un pan de sa jeunesse dans les « Paul » de Michel Rabagliati, dont il est un grand admirateur. Quand il a eu l’occasion de le rencontrer, il s’est rué vers lui pour réclamer un autographe.

Sa passion pour l’histoire ne s’est, elle non plus, jamais démentie. « J’ai fait il y a trois ans un documentaire radiophonique sur la Première Guerre mondiale. J’ai découvert à ce moment-là la série de BD “La Grande Guerre de Charlie”. On y suit en fiction tout le parcours d’un soldat britannique sur le front de la Somme. » De cette façon, il a pu apprécier la combinaison de ses deux genres bien-aimés.

Un boulanger en peine d’amour
Hormis cette inclination pour la bande dessinée, il a un faible marqué pour l’œuvre de Marcel Pagnol qu’il a d’abord découvert par les films diffusés à Radio-Canada. Les titres Marius, Fanny et César, de la trilogie marseillaise, sont parmi les livres majeurs de la bibliographie de Claude Legault. « Quand tu as vu les films et que tu lis ensuite les pièces de théâtre, tu entends en même temps la musique et la langue. J’aime Pagnol pour son humour et son humanité. Un boulanger qui arrête de faire du pain parce que sa femme l’a quitté fait que tout le village est paralysé. » Même élan spontané pour Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, un texte vertigineux qui met en scène cet homme à l’esprit chevaleresque, mais dont le cœur est éconduit et qui parviendra, par la seule force des mots, à sublimer l’art d’aimer. « Après dix pages de lecture, j’étais comme un poisson au bout de l’hameçon, j’ai dévoré ça jusqu’à la fin. C’est finement écrit et c’est une des plus belles histoires d’amour que j’ai vues au théâtre. Cyrano est laid, mais il est beau et magnifique dans son verbe et dans son sentiment. » Claude Legault, un romantique?

Malgré son intérêt manifeste pour le théâtre, notre lecteur croit que les plus grands écrivains du monde sont les romanciers. « Être capable de ramasser ses idées pour en faire un long récit, de créer assez d’images pour que le lecteur voie, comprenne ce qui se passe sans d’autres appuis que les mots, c’est puissant. Ceux qui écrivent des romans sont des Jedi! » Il se rappelle sa lecture de Guerre et paix de Tolstoï, un livre à l’écriture « immense », selon Legault. Il s’est également sustenté de la série « Les rois maudits » de Maurice Druon, une folle épopée dans l’inextricable toile du pouvoir. « La lecture des sept tomes a été une année et demie de pur bonheur… et de nuits blanches! » Les arcanes politiques de Da Vinci Code de Dan Brown l’ont aussi beaucoup séduit. Tout comme la série des Malaussène de Daniel Pennac, dont le premier tome, Au bonheur des ogres, incite à dévorer toute la suite.

Du côté des Québécois, il est un des désormais nombreux adeptes des romans de David Goudreault. Sous les recommandations de son amoureuse, il vient de terminer La bête à sa mère et les prochains sont déjà en attente sur sa table. « Je suis subjugué! Son écriture est violente, crue, mais en même temps tellement juste, et il a un humour mordant. Parfois, j’explose de rire dans la chambre, et là ma blonde me demande : “Qu’est-ce qu’il y a? Qu’est-ce qu’il y a?”» Il lui remémore alors quelques passages savoureux.

La clan sicilien et autres plaisirs de lecture
Claude Legault prend volontiers les suggestions, mais il aime aussi parcourir les librairies sans idée précise en tête et se laisser happer au hasard des titres et des présentoirs. Il se sert également des livres pour nourrir son travail. Par exemple, il s’intéresse présentement à tout ce qui a trait aux gangs de rue. « Dans le genre, les livres Mafia inc., Cellule 8002 vs Mafia et ceux de Maria Mourani sont très bons. Il y a aussi Mafia : Les plus grandes organisations criminelles du monde, un livre illustré, ce qui est rare dans le domaine – mais à ne surtout pas laisser entre les mains des enfants! » On aura compris que ce n’est pas non plus pour les cœurs sensibles.

Lorsqu’il part en voyage, il aime lire des biographies. Étant un fan des Beatles depuis l’enfance, celle écrite par François Plassat sur Paul McCartney lui a beaucoup plu. Même chose pour l’autobiographie de William Shatner, l’acteur derrière le Capitaine Kirk. C’est d’ailleurs son amour pour « Star Trek » qui l’a amené à écrire la série télévisée Dans une galaxie près de chez vous.

Notre invité est lui-même récemment devenu le sujet d’un livre. Au départ, il n’aimait pas trop l’idée, mais en abordant le projet sous l’angle de l’improvisation, là par où tout a débuté pour lui, il y a soudain vu de l’intérêt. Claude Legault : Enfant de l’impro, écrit par le biographe Pierre Cayouette, relate le parcours de l’acteur, qui lui a accordé toute sa confiance. « Ça faisait une heure qu’on se parlait et on aurait dit que ça faisait trente ans qu’on se connaissait. » On trouve plusieurs versants du cheminement de Claude Legault, mais pas de frasques spectaculaires aux révélations-chocs, ça, il y tenait. Il souhaitait surtout parler de l’étincelle qui parfois arrive contre toute attente dans une vie et vient déterminer le reste.

Ces jours-ci, il poursuit son investigation sur « ces charmantes personnes de la pègre » en prenant bien soin de changer de style de temps en temps. « S’il fallait que je mette tous les livres que j’ai en attente à côté de mon lit, je ne verrais plus le mur. » Car si la lecture lui pose parfois problème, ce n’est que par embarras du choix.

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