Catherine Trudeau: Les certitudes de Catherine

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Le fait que l'Association des libraires du Québec ait choisi Catherine Trudeau pour être la porte-parole du Prix des libraires du Québec 2006 constitue un exemple lumineux des bienfaits des «PPP». Précisons, avant la levée de boucliers des opposants à une pratique gouvernementale peu prisée, qu'on fait ici référence à tout autre chose qu'aux partenariats public-privé. Certes, on pourrait dire que Trudeau est «Publique», en ce sens que plusieurs téléspectateurs aiment bien détester son personnage de Line-la-pas-fine dans Les Invincibles. Mais elle est aussi «Privée», le nez enfoui dans un livre, chez elle. Quant au troisième «P», on opte résolument pour «Pimpante».

Une Pimpante Porte-Parole! Voilà ce que cette lectrice, de son propre aveu «indisciplinée» et «difficile», se révèle au fil de l’entretien, au cours duquel seront évoqués tant les premières balades de Martine que les effrois d’adolescence, gracieuseté de Stephen King, jusqu’à la mort de Marilyn Monroe.

Mais débutons là où il se doit, soit avec lesdites virées campagnardes de la charmante Martine, la bambine qui a soufflé récemment ses cinquante bougies. Pour la future actrice, ces aventures constituaient l’occasion de faire un peu de tourisme immobile : «Je sais que nous sommes de nombreuses générations de jeunes femmes, de jeunes hommes aussi, à avoir de bons souvenirs de Martine. Moi, je les ai encore, tout comme pour pas mal tous mes livres de jeunesse. Martine fut mon premier contact avec l’Europe, mon premier voyage. Depuis, il y a toujours eu de la place pour la lecture dans ma famille. On recevait beaucoup de livres, mes frères et moi», se remémore Catherine Trudeau.

Ses frères auront d’ailleurs une influence sur ses autres lectures : elle dévorera comme eux beaucoup de bandes dessinées, notamment Lucky Luke, Astérix, Spirou et Fantasio, Snoopy et Garfield, sans oublier l’incontournable Tintin, sorte de vieil ami qu’elle dit «revisiter de temps en temps.» Il est vrai que les périples de Martine trouvaient un complément bienvenu à la soif d’aventures qu’éveille chez ses lecteurs  le reporter à la houppe : «J’aime Tintin pour le dépaysement, mais aussi pour la beauté de l’écriture, le sens du drame de Hergé, explique Trudeau. Un de mes [albums] préférés demeure Tintin au Tibet. Il y a quelque chose de grandiose qui transparaît de cette bande dessinée, somme toute assez simple dans son trait.»

De la ligne claire, on passe aux premiers romans. Là encore, les frères auront leur mot à dire, l’adolescente n’adhérant pas à la «folie» entourant certaines séries à l’eau de rose : «Je n’étais pas une fille qui avait des idoles parmi les chanteurs ou les acteurs », explique celle qui a joué dans La Loi du cochon et Le Survenant. Non, à ces sensations à saveur de guimauve, Catherine Trudeau préfère celles, mordantes, que lui procurent Mary Higgins Clark et sa Nuit du renard, de même que Ça, Christine et Misery de Stephen King. Elle avoue avoir tourné le dos à une canicule pour se vouer à Misery trois jours durant dans sa chambre! Décidément, il faut reconsidérer l’apport du roi de l’horreur à l’appétit des jeunes lecteurs des années 80 qui, aujourd’hui, forment la génération des 20-30 ans. Trudeau se souvient d’ailleurs de certains professeurs qui n’appréciaient pas les exposés faits sur les œuvres de l’écrivain américain. De cette période, elle garde néanmoins une volonté de ne pas se borner aux chefs-d’œuvre et de choisir, sans complexe, un best-seller. Pendant ses études, Catherine Trudeau n’en aura pas que pour les horreurs de King; elle se pliera volontiers à la lecture, obligatoire, des classiques : «C’est à l’école que j’ai découvert Kamouraska, qui m’a beaucoup marquée. Comme j’ai toujours aimé la lecture et qu’elle était très encouragée chez moi, j’étais heureuse de lire des œuvres obligatoires à l’école. J’étais rarement rebutée par ces lectures. Ce n’était surtout pas une punition.»

C’est peut-être cette ouverture qui lui fait dire ces sages paroles : «Tant que tu lis et que tu lis un roman pour les bonnes raisons, c’est une bonne chose. Que ce soit pour avoir peur ou pour voyager, l’important, c’est de trouver le livre qu’on aime.» Voilà pourquoi la porte-parole du Prix des libraires du Québec lit autant Anna Gavalda (Ensemble, c’est tout), Janette Bertrand (Ma vie en trois actes), Musset, Sébastien Japrisot que Hubert Aquin, dont elle admire Prochain épisode : «Un roman riche qui va dans toutes les directions. Je relis souvent la première page à des gens à qui je fais part de mes lectures préférées. Impossible de ne pas être happé après l’avoir lu; impossible de résister à une si grande beauté.» Quant à Japrisot, elle n’hésite pas à recommander La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, «un polar inoffensif, mais [qu’elle] adore.» Et lorsqu’elle n’est pas en train de faire la lecture de Prochain épisode à ses proches, Catherine Trudeau aime à l’occasion donner en cadeau Catherine Certitude, un tout petit roman de Patrick Modiano et Sempé.

Quand vient le temps de s’offrir une valeur sûre, Trudeau opte de temps à autre pour une biographie. Si elle porte sur Marilyn Monroe, c’est encore mieux. Elle conseille l’ouvrage de Don Wolfe, Marilyn Monroe. Enquête sur un assassinat. Quant à Elvis, l’autre légende du XXe siècle, elle possède quelques livres de photos sur le chanteur, mais n’a pas encore découvert une biographie convaincante. Trudeau est également très attentive à ce qui se mijote du côté de la relève québécoise, et affirme apprécier les écrits de Matthieu Simard, Guillaume Vigneault, Marie Hélène Poitras et Stéphane Bourguignon, et pense beaucoup de bien du Scrapbook de Nadine Bismuth. Pourtant, même si elle lit tous azimuts, la comédienne se considère comme une lectrice difficile : «Il faut qu’un roman me happe dès le début. Et si j’embarque, je suis un peu sans pitié. Quelquefois, je vais redonner des chances à certains ouvrages. Parfois, c’est simplement une question de contexte», souligne-t-elle. Et puisqu’il est question de moment propice à la lecture, Trudeau confie n’être sortie que très récemment d’une période de disette causée par la fréquentation abusive des livres lors de ses études en lettres à l’université : «Même si j’ai découvert énormément de choses, ça a tué mon désir de lecture. J’ai perdu le simple plaisir de lire comme lorsque j’avais 13 ou 14 ans. […] Je n’ai pas terminé mes études, d’ailleurs. N’ayant aucun esprit de synthèse, j’ai paniqué, et abandonné mes cours pour aller faire mes auditions!»

Un bon choix pour quelqu’un qui allait, un jour, jouer à merveille l’un de ses grands rôles, celui de «PPP».

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