Ariane Moffatt: Seule dans sa catégorie

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    Elle est d’abord auteure-compositrice-interprète, mais depuis peu, elle est aussi auteure tout court. Son premier livre, intitulé i(ma)ges & réflexions, vient en effet de paraître aux éditions Somme toute. Cet ouvrage à la fois introspectif et poétique prouve une fois de plus qu’Ariane Moffatt a la piqûre des mots, peu importe leur support.

    Loin de se cantonner dans le monde de la musique, la jeune femme originaire de Saint-Romuald se révèle une lectrice boulimique. « En fait, je suis une lectrice qui prend de grandes pauses… surtout quand elle a des jumeaux de trois mois! », confesse-t-elle en riant. Décidément, elle a l’étoffe d’une libraire, car elle avoue avoir plus de livres qu’elle peut en lire sur sa table de chevet. Celle qui a acheté le dernier Paul Auster juste avant de se retirer quelques mois de la scène pour se consacrer à sa nouvelle famille avoue que Chronique d’hiver attend toujours son tour. « En ce moment, je suis plongée dans Journal d’un corps de Daniel Pennac. J’avais envie de faire un rapprochement entre ce livre et ma chanson “Mon corps”. J’étais vraiment curieuse, mais, finalement, j’en ai lu seulement la moitié », regrette-t-elle.

    L’adaptation en bande dessinée de Journal d’un corps, par Manu Larcenet, ne lui a pas non plus échappé, mais elle a dû se limiter à le feuilleter chez son libraire, chez qui elle ne manque pas d’aller régulièrement faire le plein de lecture. « J’essaie de trouver le temps et d’avoir une culture un peu plus large que celle de la musique », dit-elle avec modestie. « Je ne suis pas nécessairement dans les grands classiques, mais j’ai quand même mes auteurs fétiches : Jean-Paul Dubois, Emmanuel Carrère, Haruki Murakami… Au Québec, des auteurs comme Réjean Ducharme et Hubert Aquin ont aussi été de belles découvertes. »

    Cette ouverture sur la littérature, elle la doit en grande partie à un ami d’adolescence, Dominique Laurence, devenu aujourd’hui réalisateur : « C’est un ami qui avait une belle culture et une soif infinie de lire et de connaître. Je pense que c’est vraiment lui qui m’a donné la piqûre. Il m’a apporté des livres, m’a fait découvrir des auteurs… Après, je pense que c’est l’état procuré par la lecture qui m’a donné envie de continuer. Cette espèce de fuite qui t’amène à l’état de paix, cette pause sur la réalité, c’est ce qui m’a donné envie de poursuivre… pour me sauver en quelque sorte dans un ailleurs décentré de moi-même. »

    « Et puis, il y a l’amour des mots!, s’empresse-t-elle d’ajouter. La fascination des mots, de la métaphore, de l’image, je l’ai toujours eue et c’est pour ça, je pense, que je suis devenue auteure-compositrice. Ç’a toujours été en moi d’aimer la musicalité des mots, d’essayer d’en créer à travers l’écriture. » Quand on lui lance à la blague qu’elle aurait pu devenir écrivaine, elle répond sans détour : « Je n’ai pas cette prétention-là! Je me suis un peu lancée dans l’exercice d’écrire d’autres formes que la chanson avec i(ma)ges & réflexions, mais, pour moi, écrire des romans, c’est une autre vocation. Je le ferai peut-être à 60 ans, mais, pour l’instant, je ne me sens pas prête. »

    Si elle évoque son coup de cœur récent pour La fiancée américaine d’Éric Dupont, elle précise que jamais elle n’arriverait à écrire quelque chose comme ça : « Créer des trames aussi profondes, avec autant de ramifications, de psychologie, de personnages bien développés… je trouve que ça demande vraiment beaucoup de capacité et de patience, et surtout ça demande de travailler sur le “long, long, long” terme. Moi, je suis plus dans l’immédiat. J’ai un côté davantage impulsif », conclut celle qui se décrit finalement comme « une auteure de courte piste ».

     

    Lectrice engagée, mais débordée

    Ceux et celles qui connaissent bien Ariane Moffatt savent qu’elle est une artiste engagée, en témoigne sa chanson « Jeudi, 17 mai », qu’elle a reprise pour dénoncer la loi spéciale imposée par le gouvernement libéral pendant le printemps étudiant. C’est donc sans surprise qu’on découvre qu’elle a également un penchant pour les essais, même si le temps (encore celui-là!) lui manque pour en lire autant qu’elle voudrait. « Je suis toujours curieuse, mais souvent je les achète et je ne vais pas complètement au bout des choses », admet-elle. Elle aurait voulu par exemple parler de sa dernière acquisition, Poétique de l’expérience. Variations sur l’esthétique, l’éthique et la qualité de vie de Stéphane Bastien, mais en voilà un autre qui attend sagement son tour. « En ce moment, j’achète plein de livres, mais, ironiquement, c’est le moment où je peux le moins en lire. »

    Côté essais, elle se rabat donc actuellement sur des textes plus courts comme ceux que propose la revue Nouveau Projet. « Je trouve ça hyper nourrissant comme lecture. Ce sont des courts essais, avec un aspect social réfléchi, qui sont proches de notre réalité. » Elle se remet cependant à la tâche tranquillement. « Déjà, la notion de la sieste s’installe à la maison et je peux prendre un livre d’une main… pour peu de temps, mais quand même! Ça ramène une autonomie de pensée et ça fait du bien de pouvoir retrouver des passe-temps, alors j’essaie de réintégrer les livres au fur et à mesure que mes gars commencent à faire des siestes. »

     

    Chanter Murakami

    Ariane Moffatt est une artiste passionnée qui a faim de nouveautés et de défis. Elle a accepté de participer au quintuple lancement littéraire In Folio qui a lieu le 7 novembre à la Maison de la culture Maisonneuve, à Montréal. Pour l’occasion, son projet est d’interpréter des chansons tirées des œuvres qui l’ont marquée. « J’aimerais trouver des chansons fétiches de certains romans que j’ai aimés. Par exemple, Murakami fait souvent référence à des chansons des Beatles. Je n’ai pas monté mon répertoire encore, mais l’idée est bonne et j’espère juste avoir le temps de le faire! » Décidément, le temps est un sacré rabat-joie

     

    Crédit photo: LePigeonSPG

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