Les libraires craquent: littératures de l'imaginaire

Barbares

Le maître de la forme courte en SF a encore frappé! L’équilibre parfait entre densité conceptuelle et intrigue captivante est atteint dans ce casse intersidéral qui s’apprête à merder dans les grandes largeurs. Quand on est un duo de bandits à la petite semaine, sans malice mais avec une greffe de corps à payer, on est prêt à tout. C’est pourquoi on accepte les contrats pourris qui consistent à guider en zone hostile des jumeaux aristocrates adeptes de tourisme morbide. Les idées géniales fusent, les néologismes traduisent du premier coup l’ampleur d’un concept à venir et l’auteur a toujours trois coups d’avance sur nous dans l’art de l’inattendu. À lire d’un seul trait pour apprécier à sa juste valeur la folle allure de cette plaquette.

Cimqa

Deux mondes, ou deux époques. Dans l’un, la petite Sarah se découvre le pouvoir de faire apparaître brièvement des créatures fantastiques depuis une « cinquième dimension ». Dans l’autre, la vieille Sara (sans h) enchaîne les contrats pour l’industrie du spectacle créée autour de cette cinquième dimension. Deux points de vue, celui d’une enfant qui découvre avec émerveillement le pouvoir de son imagination, et celui d’une adulte fatiguée qui voit l’essence de son art lui échapper. Deux personnages à l’évolution touchante, dont l’histoire célèbre la beauté de l’art et de l’imagination humaine, et critique vivement la mainmise capitaliste qui vient en faire un divertissement lisse et aseptisé. Original et émouvant.

Babel

Babel, quatrième roman de Rebecca F. Kuang, a été couronné de multiples prix (Locus 2022, Nebula, 2023). L’auteure développe un monde dans lequel l’argent (le métal) est doté de propriétés magiques. Nous sommes au milieu du XIXe siècle et l’Empire britannique domine sans conteste le monde, notamment grâce à ses énormes réserves d’argent et à Babel, à Oxford, le plus prestigieux centre de production d’argent affiné… et de recherche linguistique, car les deux sont liés. Le livre est une réflexion aussi fine que fascinante sur la violence impériale au XIXe, sur la place des peuples dominés, sur les transfuges de classes entre ces deux mondes. Un texte ambitieux et brillant!

Cruels garçons perdus (t. 1) : The Never King

Grand fan du conte de Peter Pan, j’ai immédiatement été attiré par cette suite pour adultes. Mariant roman noir et fantaisie, cette histoire propose un Pays imaginaire qui n’a rien à voir avec le monde de rêve que nous connaissons. Ce premier tome met sur table des personnages dépravés et des mystères qui ne demandent qu’à être éclaircis. Je suis impatient d’en apprendre davantage tant sur leur passé que sur les aventures qui leur restent à vivre. Un univers riche et prometteur nous attend dans cette série qui me fera plaisir de découvrir.

Récits du Vieux Royaume. Le chevalier aux épines (t. 2) : Le conte de l’assassin

Les adeptes des Récits du Vieux-Royaume reconnaîtront sans mal le narrateur légendaire aux chicots dorés qui effectue ici un retour pour le moins malaisé. Le grand merdier n’est pas près de se clarifier, d’autant que le sbire du sénateur Ducatore est forcé de s’y mêler après avoir vomi ses tripes en cadence avec les galériens. C’est que s’étant fait Grand argentier de Ciudalia, il doit se rendre au duché de Bromael avec la précieuse cagnotte de son Machiavel et qui fait office de dot pour le moins généreuse. Stylistiquement, c’est un retour à ce à quoi Jaworski nous a habitués, soit un savant mélange d’argot de fond de taverne, de descriptions virtuoses saupoudrées d’archaïsmes érudits et de personnages à la moralité plus que douteuse.

Ariane

Connaissez-vous le mythe du Minotaure? Celui dans lequel Thésée, un jeune héros doit affronter la bête et sortir du labyrinthe sain et sauf? Redécouvrez ici cette histoire, mais sous le point de vue d’Ariane, cette jeune femme sans laquelle Thésée n’aurait jamais réussi sa mission. Qu’a-t-elle accompli derrière les rideaux et que lui est-il arrivé après Thésée? Ce roman fantastique nous plonge droit au cœur de la mythologie grecque. La plume de Jennifer Saint nous fait vivre toutes les émotions d’Ariane et de sa sœur Phèdre tout en dépeignant avec précision la culture de la Grèce antique. Vous serez assurément charmé par cette tragédie frappante. Cette lecture offre également une réflexion très pertinente sur le pouvoir et la popularité.

La mer de la tranquillité

Je ne lis que très rarement de la science-fiction, mais comment résister à un nouveau roman de l’autrice de Station Eleven? Dans un avenir pas si lointain où l’humain a colonisé la Lune, Gaspery-Jacques enquête sur une brèche temporelle. Se téléportant entre les années 1912, 2020 et 2203, Gaspery rencontre des êtres qui changeront sa perception du monde et remettront en question la pertinence de sa mission. Mais un électron libre dans un élément si fragile et fondamental que le temps peut-il le rester? La mer de la tranquillité n’est pas qu’une autre histoire de voyage dans le temps, c’est un roman d’une grande poésie qui nous porte à réfléchir sur l’art, la solitude, la compassion et ce qui nous rend humains.

Le pont des tempêtes (t. 2) : La reine traîtresse

Avec ce deuxième tome, on quitte le confort nouvellement apprivoisé d’Ithicana pour retourner là où tout a commencé pour Lara. Cette fois-ci, c’est Aren qui subit la colère de Silas. Le roi de Maridrina le garde captif dans le but d’inspirer un retour au bercail de sa fille, la traîtresse. En tant que lecteur, on se retrouve dans un tout autre état d’esprit que dans le premier livre. Un vent de fraîcheur (et d’angoisse) nous invite à tourner les pages le plus vite possible pour connaître le sort de nos protagonistes. Cette fois-ci aidée de quelques-unes de ses sœurs, Lara pourra-t-elle secourir son mari et gagner la confiance de son bien-aimé à nouveau? Ensemble ou non, pourront-ils sauver leur royaume?

Le pacte de minuit

Dans cette société inspirée de la Régence anglaise, la magie existe et peut se pratiquer au grand jour… du moins, pour les hommes. Les femmes, elles, ont l’interdiction d’y toucher tant qu’elles sont en âge d’être enceintes, par crainte des conséquences désastreuses sur leurs éventuels enfants à naître. C’est dans ce contexte que la jeune Beatrice Clayborn tente d’échapper à un potentiel mariage arrangé, afin de pouvoir pratiquer sa magie librement. Tout se complique, évidemment, lorsqu’elle rencontre l’amour. Un roman young adult aussi charmant qu’efficace et au féminisme revendiqué. La question centrale demeure : est-ce possible de vivre une histoire d’amour saine dans une société au fonctionnement injuste pour les femmes?

La machine à aimer

Imaginez un monde où l’intelligence artificielle est devenue si avancée que les humains, effrayés, décident de supprimer tout robot jugé « trop » intelligent. Nobod, qui réchappe de justesse à ce cybergénocide, tente de survivre dans un monde qui souhaite sa disparition définitive. Mais comment faire quand vous êtes programmé pour aimer ceux qui cherchent votre mort et pour leur pardonner leurs actes les plus odieux à votre encontre? Ce roman, qui mélange brillamment utopie et dystopie, est élaboré tout en finesse. À travers une intrigue à la construction atypique, on traite de thèmes presque éculés (la technologie, l’amour), mais d’une manière aussi originale que captivante. Une lecture troublante où la réflexion se marie à l’émotion.

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