Les libraires craquent: littérature étrangère

La géométrie des possibles

Cette « géométrie des possibles », c’est une fresque incroyable qui nous est peinte par l’auteur, avec un souci du détail et une précision comme seul un grand artiste peut le faire. Avec savoir-faire, Édouard Jousselin met en scène des personnages diversifiés qui n’ont, à première vue, aucun point en commun. Leurs destins se croisent et nous attendons avec nervosité la fatalité de chacune de ces trajectoires. Du terrorisme à Hollywood, de la criminologie au dark Web, les thèmes qui y sont abordés rendent bien compte de la complexité de notre contemporanéité. La narration, maîtrisée et captivante, nous donne presque l’impression d’être au cinéma. Je vous avertis : il est impossible de se lever de son siège. Nous sommes cramponnés à son roman, du début jusqu’à la fin.

Le café où vivent les souvenirs

Troisième volet de Toshikazu Kawaguchi, Le café où vivent les souvenirs se déroule au Dona Dona de Hakodate plutôt qu’au Funiculi Funicula de Tokyo, découvert dans les deux précédents titres de l’auteur. Les règles sont les mêmes pour retourner dans le passé : on ne peut changer le présent et il faut revenir avant que le café ne refroidisse. Cependant, une petite nouveauté change la donne pour certains voyageurs temporels, ce qui surprendra les lecteurs habitués au café de Tokyo. Il faudra toutefois lire ce délicieux roman pour tout découvrir. Une écriture fluide, une atmosphère mystérieuse et réelle à la fois et des personnages attachants définissent ce bouquin charmant et touchant.

La mesure

Un jour, chaque humain de plus de 22 ans reçoit une petite boîte en bois ayant comme inscription : « À l’intérieur se trouve la mesure de votre vie. » Vous l’ouvrez ou pas? Vous vivez à 100 milles à l’heure ou vous mettez fin à votre vie? Vous le dites à vos proches? Dans cette dystopie, l’autrice soulève de nombreuses questions éthiques, juridiques, morales ou même économiques à travers le destin de trois femmes et cinq hommes. L’apparition des boîtes chamboule l’ordre mondial; les humains se divisent en deux camps, ceux avec une cordelette courte et ceux en ayant une longue. L’écriture rythmée et fluide de ce thriller aux personnages attachants ne laisse personne indifférent. Que nous réserve demain? Nul ne le sait, alors, vivons pleinement chaque instant.

Stella et l’Amérique

La rumeur se propage comme une traînée de poudre : la jeune Stella fait des miracles, littéralement! Des hommes qu’elle a guéris peuvent en témoigner. La nouvelle pourrait réjouir le Vatican (pensez-y, une sainte de 19 ans, Américaine en plus), mais c’est une prostituée et c’est quand elle « couche » qu’arrive le miracle! Une seule solution : embaucher des tueurs pour l’éliminer. On en fera ainsi une martyre, on pourra même lui inventer un passé plus acceptable… Voilà le contexte de ce rocambolesque road trip mené tambour battant à travers les États-Unis, avec ses caricatures de gros méchants, ses gentils pas si gentils et sa sainte pas si nitouche! Bref, un roman jubilatoire où l’écriture pleine d’humour déjanté fait merveille. À lire sans modération!

Le fruit le plus rare ou la vie d’Edmond Albius

Quelle trajectoire tragique que celle d’Edmond Albius, découvreur spolié de la méthode de pollinisation manuelle de la vanille! De l’histoire avérée, l’habile Bélem en fait admirablement littérature, se déployant entre les maigres échos du passé. Né esclave, Edmond est recueilli par un riche propriétaire terrien en deuil et qui se pique de botanique. Surnommé le Linné noir, il surclasse ses blancs contemporains en craquant le code vanille sur lequel tous s’échinent depuis des années, en vain. L’histoire des sciences est cependant désespérément constante dans l’accaparement rapace par des hommes blancs des découvertes effectuées par des femmes ou des individus racisés. Gaëlle Bélem se place à l’avant-garde d’une audacieuse francophonie!

Sauvage

Ottavia grandit à Rome, dans le restaurant de son père. Le monde de la cuisine ne l’intéresse pas vraiment, jusqu’à sa rencontre avec Cassio. La passion du chef apprenti l’inspire et l’attire dans un univers où il n’y a pas de place pour la demi-mesure. Encore plus lorsqu’on est une femme et qu’on cherche à se défaire du nom du père et de l’amant. Mais quand on a bûché toute sa vie pour acquérir la renommée que l’on mérite, quelle place reste-t-il pour l’amour et la famille? Kerninon revient donc à sa thématique de prédilection : la place de la femme hors du cocon familial. Une femme qui priorise sa carrière et refuse l’anonymat du foyer peut-elle être heureuse? Au tournant de sa vie, Ottavia se demande si elle a fait les bons choix. Un roman qui ouvre l’appétit et se lit comme on boit un grand cru.

Veiller sur elle

Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, 82 ans, agonise dans une abbaye italienne. Là, depuis quarante ans, est caché son chef-d’œuvre, la sculpture la plus parfaite qu’il ait faite, soustraite à la vue de tous sur ordre du Vatican. Son existence exceptionnelle lui revient en tête, lui, le nain sculpteur que rien ne prédisposait à un tel destin dans l’Italie fasciste de la première moitié du XXe siècle. Mais, par-delà ses succès, c’est surtout sa rencontre, à l’âge de 13 ans, avec Viola Orsini, la fille de la famille la plus riche de la région, qui a été la pierre angulaire de sa vie. Entre ces deux êtres que tout séparait s’est bâtie une relation unique et indéfectible. Un grand roman aux personnages fascinants, un prix Goncourt 2023 fort mérité.

Les sorcières de Vardø

La chasse aux sorcières de 1662-1663 en Norvège, un pan bouleversant et touchant de l’histoire, est ici racontée à deux voix alternées. D’un côté, Anna, ancienne maîtresse non officielle du roi, « écrit » à ce dernier ce qu’elle vit sur l’île de Vardø où il l’a envoyée, car elle devenait embarrassante. De l’autre, Ingeborg, fille de Zigri, est suivie par un narrateur omniscient dans ses tentatives désespérées de sauver sa mère, dans une société où les femmes n’ont aucun pouvoir de se faire entendre. Zigri est accusée de sorcellerie par la femme du marchand de Varanger, car elle a une liaison avec ce dernier. Les hommes au pouvoir, obsédés par le démon, s’octroient le droit de vie ou de mort sur ces présumées sorcières. Dans cette histoire, où réside vraiment le mal?

La mort seul à seul

Que se passe-t-il lorsque la mort s’agrippe au corps et laisse peser sur lui sa longue et lancinante plainte? Avec une précision chirurgicale, Péter Nadas analyse l’effroyable traversée d’un homme victime d’un infarctus du myocarde. À travers les différents niveaux de conscience et avec une acuité métaphysique captivante, l’écrivain hongrois convie le lecteur à parcourir ce passage à demi hors du monde. Sujet sombre, n’est-ce pas? Mais l’absurdité demeure pourtant présente lors du trépas! C’est là que réside tout le génie de Nadas, en écrivant l’insignifiante rumination qu’entretient l’humain face à sa propre fin. Avec ce véritable tour de force littéraire, on referme le livre avec l’exaltation renouvelée de respirer encore!

Slammed (t. 1) : Sans regret

C’est une romance qui raconte l’histoire de Laken, une femme de 18 ans, qui déménage subitement à la suite d’un drame familial. Son nouveau et mystérieux voisin, Will, aura une grande influence sur sa vie. Mais impossible d’en dévoiler davantage sans gâcher votre plaisir de lecture! Heureusement, la suite est déjà disponible; vous trouverez d’ailleurs ce voisin comme narrateur dans le second et avant-dernier tome. C’est un roman qui fait du bien, une histoire de coup de foudre comme on les aime. J’ai adoré les insertions de poésie, elles apportent beaucoup d’originalité et un rythme différent au texte en plus de venir confirmer la profondeur des sentiments des personnages. Vous tomberez sous le charme de la première série qui a fait connaître Colleen Hoover!

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