Bibliothécaire pour la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-îles et Présidente de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires

En quoi consiste votre rôle de présidente de l’Association pour la promotion des services documentaires scolaires (APSDS)?
Je dois principalement promouvoir l’expertise des bibliothécaires et des techniciens en documentation travaillant dans le réseau scolaire. Je me porte également à la défense de la bibliothèque scolaire comme lieu essentiel d’apprentissage au sein de toute école et je travaille à sa reconnaissance. Je veille aussi au partage de nos expertises entre nos membres et auprès de nos partenaires ayant une vision commune à la nôtre. De plus, je fais un grand travail de représentation auprès de différentes instances ministérielles s’occupant des dossiers scolaires touchant de près ou de loin la bibliothèque scolaire.

Il y a trois grands dossiers qui occupent l’Association présentement. Le dossier du livre numérique, car, au moment où j’écris ces lignes (décembre), le milieu scolaire n’a toujours pas de plateforme de prêt numérique. Actuellement, réussir à obtenir pour un élève en difficulté un livre numérique lisible par un logiciel de synthèse vocale relève de l’exploit et peut nécessiter jusqu’à trois semaines de travail. Une absurdité!

Le dossier des compétences informationnelles et de l’éducation aux médias est également une priorité. Nous devons former les jeunes et leur enseigner à utiliser de manière efficace, réfléchie et critique la masse d’information rendue disponible via les différents environnements numériques. L’expertise des bibliothécaires scolaires peut jouer un grand rôle dans ces apprentissages et il s’agit d’une facette souvent méconnue de notre travail.

Finalement, le dossier qui m’occupe le plus et qui devrait aller de soi pourtant… est celui de la reconnaissance de notre expertise, du maintien et de l’ajout de ressources humaines en bibliothéconomie, et ce, dans tout le réseau scolaire québécois. Le Plan d’action sur la lecture à l’école est arrivé à son terme et nous attendons toujours les conclusions de l’évaluation de ce dernier. Il y a dix ans, l’objectif était, au terme du plan, l’embauche de 200 bibliothécaires scolaires. Présentement, nous sommes environ une centaine seulement. Bref, il reste encore beaucoup de chemin à faire!

Quelles sont les principales différences entre une bibliothécaire scolaire et une bibliothécaire municipale?
Tout est différent! Notre travail est souvent comparé à tort à celui du milieu municipal, alors que nous nous inscrivons dans la lignée des bibliothèques collégiales et universitaires. Plusieurs modèles de déploiement de nos services existent. La plupart des bibliothécaires scolaires ne travaillent pas dans une bibliothèque. Nous travaillons souvent au centre administratif et nous offrons des services aux différentes écoles. Nous ne sommes pas assez nombreux pour être présents dans toutes les écoles malheureusement. Notre travail s’apparente souvent davantage à celui des conseillers pédagogiques. Nous devons tenir compte du Programme de formation de l’école québécoise à la fois dans le développement de nos collections et de nos activités afin de nous assurer de l’arrimage pédagogique de nos interventions.

De quelles façons avez-vous à collaborer conjointement avec les professeurs?
Encore une fois, plusieurs modèles existent. Pour ma part, je donne parfois de la formation aux enseignants. Mes sujets de prédilection : l’utilisation de la bande dessinée en classe, la formation documentaire et les pistes d’exploitation pédagogique de la littérature jeunesse. Aussi, je conseille les enseignants sur les choix de lecture qu’ils offrent aux élèves et je cherche des ressources complémentaires pour compléter une activité d’enseignement qu’ils ont élaboré. C’est un partenariat très enrichissant et j’aimerais souvent avoir plus de temps pour les soutenir.

Quel est le principal défi, au quotidien, auquel vous faites face dans le cadre de votre emploi?
Le manque de temps et le manque de bras! Les possibilités de partenariats et de projets sont immenses, mais nous manquons de temps et de ressources humaines pour tout faire.

Quelle est la plus belle anecdote qui vous est arrivée en bibliothèque?
Il y en a plusieurs. Je crois qu’une de mes préférées s’est déroulée à la bibliothèque municipale de ma ville où j’ai pu voir l’impact positif qu’une de mes interventions a eu en classe. J’ai animé un atelier sur la bande dessinée dans une école primaire qui amorçait un module complet sur la bande dessinée. J’ai présenté à une soixantaine d’élèves mes bandes dessinées coups de cœur disponibles à la bibliothèque de leur école. Quelques semaines plus tard, au comptoir de prêt de la bibliothèque municipale, je vois une jeune fille qui tire sur le chandail de son père en me pointant du doigt. Le papa et la jeune fille me font un immense sourire et viennent me serrer la main. Le papa m’explique que sa fille parle de moi depuis mon passage dans sa classe et que tous les deux viennent ensemble à la bibliothèque pour lire et emprunter des bandes dessinées. J’ai d’ailleurs remarqué plusieurs de mes suggestions dans leur pile! Ne travaillant pas dans une bibliothèque, je n’ai pas souvent l’occasion d’avoir de retour comme celui-ci. Alors, disons que ça fait du bien!

Pourquoi avez-vous choisi ce métier?
J’ai toujours aimé lire, mais je n’ai jamais pensé en faire un métier. En fait, j’ai suivi un chemin plutôt détourné avant d’atterrir dans une bibliothèque scolaire. J’ai d’abord étudié en art dramatique et en géographie avant de basculer à la maîtrise en sciences de l’information. Lors de mes études, j’ai fait la rencontre d’une bibliothécaire scolaire, Denise Fortin, qui a totalement influencé mon choix de milieu. Elle parlait des jeunes et de la littérature jeunesse avec une passion et une étincelle dans le regard qui m’a profondément bouleversée. J’ai fait mon stage avec elle et j’ai adoré le milieu scolaire! Tout se renouvelle constamment. Il y a une place énorme pour la créativité et l’instauration de projets innovants. Il faut seulement être patient! Et c’est le seul milieu où j’ai accès à 100 % de mes usagers. L’école étant obligatoire, les jeunes sont obligés à un moment ou à un autre de fréquenter la bibliothèque. Il y a là une occasion unique à saisir, car nous avons alors accès tant aux lecteurs qu’aux non-lecteurs. Ce sont ces derniers, les non-lecteurs, qui m’intéressent le plus. J’ai la chance de discuter avec eux, de leur faire voir autre chose qu’« une tâche scolaire d’évaluation de la lecture » qui est souvent démotivante. Ces non-lecteurs me poussent à me renouveler, à explorer des avenues différentes, à sortir des cercles littéraires traditionnels, pour revenir à quelque chose de plus accessible et actuel. C’est d’ailleurs ce qui m’a amenée à découvrir l’univers riche et foisonnant de la bande dessinée et du manga.

Quel est votre livre coup de cœur, celui que vous recommanderiez à tous les jeunes lors de leur passage au secondaire?
Aucun. En fait, le seul livre que je leur recommande est celui qui leur donnera le goût d’en lire un autre et un autre, et ainsi de suite. Je suis plutôt anti-liste. Il ne devrait pas exister de lecture obligatoire, car la lecture est plurielle et différente pour chacun. Je recommande la curiosité et l’exploration. Les bibliothèques scolaires constituent un laboratoire exceptionnel pour l’exploration et la découverte de leurs propres goûts de lecture. Les jeunes doivent apprendre à forger leur propre identité littéraire. Je sers de guide dans cette exploration et non de prescriptrice.

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