Billy Robinson, libraire à la Librairie de Verdun, a été couronné début mai par le Prix d’excellence de l’Association des libraires du Québec (ALQ). Une récompense qui souligne la qualité de son travail et qui met en lumière sa capacité exceptionnelle à communiquer son amour de la littérature. Auteur, prescripteur, conférencier, blogueur, animateur : Billy, c’est bien plus qu’un libraire, et c’est avant tout un être qui aime profondément les gens, les rencontres.

Le Prix d’excellence de l’ALQ en est à sa dixième édition. Et, en dix ans, aucun libraire n’a été couronné exactement pour les mêmes raisons : une belle démonstration de la diversité des tâches et des actions notoires des libraires indépendants. Billy, lui, est un médiateur d’exception. Des libraires au-devant de la scène, il en faut pour faire rayonner le métier, pour aller chercher des lecteurs, pour dépoussiérer la littérature, pour oser la rendre populaire, accessible, puissante. « Je pense très sincèrement que Billy démontre jour après jour à quel point il est un ambassadeur incroyable pour la littérature québécoise et le métier de libraire. Nonobstant ses très grandes qualités de libraire et son amour de la littérature québécoise, à laquelle il donne une place prépondérante au sein de la librairie, son dynamisme et son implication au sein de la communauté font de lui un libraire respecté à la fois par ses pairs, mais aussi des médias, des auteurs et autrices et des lecteurs et lectrices », mentionne Philippe Sarrasin, propriétaire de la Librairie de Verdun et patron de Billy.

Originaire de la Gaspésie, Billy Robinson a fait un léger détour par l’aménagement d’intérieur et comme préposé aux bénéficiaires, durant douze ans, avant de devenir libraire. En fait, celui qui aime le rapport humain, le contact des âmes, s’est d’abord dirigé vers un emploi en lien avec le service à la clientèle. De fil en aiguille, cela l’a mené d’une entreprise à l’autre, jusqu’à ce qu’il pose ses pénates en librairie. Pour se faire engager, il s’est dévoilé à cœur ouvert : « Je suis allé voir le directeur et je lui ai dit : “Je veux absolument travailler ici, c’est ce que je veux faire dans la vie” », nous dit-il en riant.

Maintenant à la Librairie de Verdun depuis six ans — on ne peut passer sous silence que c’est le propriétaire lui-même qui est allé le débaucher, car il avait vu en Billy qu’il incarnait avec brio la profession de libraire —, Billy a d’abord fait ses armes dans une grande chaîne à Québec, puis dans le milieu des coopératives scolaires à Montréal. C’est d’ailleurs là, alors qu’il côtoyait des étudiants, qu’il a mis sur pied un club de lecture où les étudiants étaient invités à lire un livre par session, laquelle se clôturait par l’invitation de l’auteur à venir rencontrer le groupe de lecteurs. Tranquillement, Billy posait les jalons de ce qui le ferait rayonner la décennie suivante : son amour des rencontres.

À la Librairie de Verdun, l’espace permet de recevoir. Et de recevoir en grand. « On a invité David Goudreault, Josée di Stasio. Mais j’essaie tout le temps de balancer ça avec des gens moins connus. C’est tellement important. On a un lieu culturel qu’on doit bien utiliser. Et on est chanceux, car les gens de Verdun sont extrêmement attachés à leur librairie. Un peu comme toutes les librairies de quartier maintenant, la pandémie a peut-être encore plus fait en sorte que les gens se sont approprié leur librairie, mais à Verdun, l’achat local a toujours été important. Ça a été facile pour nous de faire de la librairie un lieu culturel, un lieu de rencontre. C’est devenu une habitude : chaque fois qu’on organise des événements, les gens répondent présents. »

De son propre aveu — mais tous ceux qui le connaissent le diraient également —, Billy Robinson est très groupie. « J’aime les auteurs, j’aime les connaître! Les rencontres avec les gens du milieu, c’est ce que j’aime le plus dans mon métier. Connaître ces gens qui m’inspirent. Devenir ami avec Éric Dupont, fréquenter de temps en temps Michael Delisle, souper chez Kim Thúy, être le libraire préféré de David Goudreault, prendre un verre avec Dany Laferrière et le tutoyer : ça, c’est vraiment quelque chose que je chéris de mon métier. Ce sont des gens tellement intéressants, enrichissants. Je suis un groupie, je cours les salons du livre autant que les lecteurs, car je veux rencontrer tout le monde, je veux faire signer mes livres. Je suis un vrai groupie! » Avouez qu’il fait des jaloux!

Fortement impliqué dans son rôle de libraire, c’est notamment grâce à ce titre qu’il peut faire de grandes rencontres. Par exemple, il fait partie des libraires qui prennent leur envol vers l’Europe pour aller faire rayonner la littérature québécoise, avec Québec Édition, dans les différents salons du livre que sont ceux de Genève et de Bruxelles. Il se remémore alors une rencontre marquante avec l’autrice, primo-romancière à ce moment-là, Olivia Tapiero.

À la barre de l’émission Paroles d’auteurs, diffusée sur MAtv, c’est également comme libraire qu’il se présente d’abord. « Je suis un libraire qui anime une émission de télé, et non l’inverse », nous dit-il. Quand la production lui a proposé d’animer le tout, le concept existait déjà depuis quelque temps. « Mais je leur ai proposé de mettre ça à ma couleur. De tourner ça en librairie, de me présenter d’abord comme un libraire, qui rencontre des auteurs en librairie. Ils ont été tout de suite emballés. » Le résultat laisse ainsi place à trente minutes de discussion profonde sur l’œuvre entière d’un auteur — et non seulement sur son plus récent roman —, de même que sur le processus de création, l’écriture, ainsi que leurs lectures et influences.

Parler des livres de fonds, ça aussi ça fait partie du métier de libraire. « Conseiller des livres qui sont moins d’actualité, c’est aussi ça mon métier. En plus, chez Verdun, on a la chance d’avoir une grande librairie, d’avoir un fonds, et de pouvoir le valoriser. Ça a toujours été mon cheval de bataille, surtout pour la littérature québécoise. » Il donne d’ailleurs une conférence intitulée « 60 livres à lire avant de mourir », en soixante minutes top chrono, et qui ne présente que des titres québécois parus il y a plus de cinq ans, dont Jos Carbone, La petite fille qui aimait trop les allumettes, du Michel Tremblay, du Karoline Georges, du Élisabeth Vonarburg et du Andrée A. Michaud. « Je voulais vraiment montrer la richesse de tout ce qu’on a au Québec », explique celui qui n’a jamais d’œillères et qui, bien qu’il chérisse particulièrement les primo-romanciers pour ce plaisir de découverte, ne se cantonne dans aucun genre précis.

On peut aussi entendre Billy Robinson à la radio. Il a participé à La librairie francophone, à l’émission de Stéphane Bureau à l’été 2021 et est chroniqueur pour le Cochaux Show. Son inspiration? François Busnel, qui anime l’émission télévisée La Grande Librairie, en France. « C’est mon rendez-vous dominical. Pour moi, c’est deux heures d’inspiration. Busnel m’inspire beaucoup. Il est ouvert, pas élitiste du tout, il rencontre des gens de tous les genres. On a la même approche. »

À ce libraire d’exception, qui a également signé Madonna en 30 secondes publié aux Éditions Hurtubise et une première fiction dans le recueil de nouvelles Histoires qui ont du chien aux éditions Goélette, on ose poser la grande question, à savoir quel serait son rêve. La réponse ne se fait pas attendre : « Je veux mon émission littéraire sur une grande chaîne. Un rendez-vous avec plein, plein, plein de monde. Je veux que ce soit une fête chaque fois. Mais, tout en restant libraire, pour conserver ce contact avec les lecteurs, et avec les gens du milieu. Et peut-être avoir ma maison d’édition. Tsé, d’être comme un Toussaint Louverture qui publie ce qu’il veut, même s’il ne fait pas d’argent. Je trouve ça inspirant. Mais bon, j’ai la chance de faire rayonner les livres aussi en étant libraire! » Oh, et il travaille aussi sur un roman!

Photo : © Charles Bélisle

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