Laurie Morvan-Houle: Contractions et contradictions

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À 22 ans, la Québécoise Laurie Morvan-Houle est partie vivre au fin fond de la République démocratique du Congo, avec l’espoir un peu fou d’apprendre le métier d’accoucheuse. Ce voyage, qui aura duré exactement le temps d’une grossesse, a permis à la jeune femme d’accoucher d’un livre intime et poétique qui nous fait découvrir l’Afrique au fil des naissances, mais aussi des vies qui glissent, incapables de s’accrocher. Publié aux éditions la Morue verte, et illustré par des photographies magnifiques, Neuf mois et demi va droit au cœur.

« J’avais besoin d’aller vivre ce rêve-là avant d’aller suivre des études au Québec pour devenir sage-femme, explique l’auteure et photographe. Je voulais me déraciner le plus possible, vivre la simplicité, l’état brut. » Aujourd’hui, c’est-à-dire quatre ans après son séjour au cœur de l’Afrique, elle complète un baccalauréat en pratique sage-femme à l’Université du Québec à Trois-Rivières et elle est bien déterminée à travailler par la suite dans la province. Si elle ne regrette en rien son expérience africaine, elle réalise pleinement la chance qu’elle a d’habiter un pays où les femmes bénéficient de connaissances et d’installations adéquates lors de leur accouchement. En effet, elle ne cache pas dans son livre que, avec du recul, certaines interventions pratiquées par des chirurgiens congolais lui retournent le cœur. « J’étais jeune et plus naïve à l’époque. Je me disais : au Québec c’est comme ça, ici c’est comme ça. J’étais plus dans l’ouverture que dans la revendication des droits des femmes. Aujourd’hui, je suis plus mature et plus allumée sur ces questions-là », raconte la future sage-femme.

Même si les accouchements se passent très différemment en Amérique du Nord, Laurie Morvan-Houle dit néanmoins avoir appris beaucoup de ces neuf mois passés aux côtés des accoucheuses africaines. « Côté technique et gestes cliniques, il faut que j’oublie tout ce que j’ai pu apprendre en Afrique, mais ça m’a aidée du côté de la confiance en moi. Pour toutes les situations stressantes, les urgences, ça m’a aidée sur le plan personnel », déclare-t-elle sans détour.

L’étudiante, qui avait complété une technique en photographie au Cégep de Matane avant son départ pour l’Afrique, met à profit son talent de photographe pour raconter cette expérience remplie de contradictions. En effet, si les Africains l’ont accueillie à bras ouverts, lui permettant d’assister et même d’intervenir durant les accouchements, la Québécoise s’est toujours sentie étrangère dans cette culture qu’elle a embrassée sans retenue, mais qui n’est pas la sienne. Pour décanter tout ça, elle est allée s’isoler treize mois aux Îles-de-la-Madeleine dès qu’elle a reposé les pieds au Québec. C’est durant ce deuxième exil qu’elle a écrit Neuf mois et demi. « C’était une façon d’intégrer tout ce que j’avais vécu, de digérer tout ça », conclut-elle.

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