Hugh Howey : Underground

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Hugh Howey émerge de son Silo pour cueillir le Prix des libraires 2015, catégorie roman hors Québec. Entrevue autour d’une fiction dystopique qui, comme tous les classiques du genre, imagine un futur oppressif, pour mieux mettre en lumière les menaces qui pèsent sur le présent.

Passer sa vie dans un silo souterrain géant. C’est le sort qui attend ce shérif Holston qui, dans le premier épisode du roman de Hugh Howey, enquête sur les circonstances de la mort de sa femme. C’est aussi le sort qui attend l’ensemble des personnages de Silo, condamnés qu’ils sont à vivre sous la terre. Un climat violent et inhospitalier a depuis longtemps mis à sac, dans des circonstances que l’on ignore, tout ce qui se trouve à la surface. Salutaire et paradisiaque solution à un grave problème, que ce silo underground? Pas exactement. Disons qu’avec ses rigides systèmes hiérarchiques permettant aux classes supérieures d’habiter (littéralement) au-dessus des autres, la société imaginée par l’écrivain américain emprunte plusieurs de ses travers à notre ici et maintenant.

« Écrire au sujet d’un futur proche est un merveilleux moyen de commenter le monde dans lequel on vit présentement, rappelle-t-il. La beauté, avec le roman d’anticipation, c’est qu’on peut prendre une tendance que l’on observe aujourd’hui et montrer ce que ça pourrait produire à long terme comme résultats, si rien ne change. Silo ne porte pas seulement sur les dangers des régimes totalitaires, mais aussi sur les dangers des révolutions qui renversent des pouvoirs en place sans songer à ce qu’il faudra faire ensuite pour reconstruire. »

Parce que oui, certains prisonniers du silo se révolteront et voudront voir de visu, sans l’intermédiaire des caméras qui retransmettent des images parcellaires de la surface, ce qui se passe dans cet ancien monde, que leurs prédécesseurs ont été contraints d’abandonner. On décèlera ici un autre commentaire oblique d’Howey sur notre époque, plus précisément sur l’influence potentiellement délétère des médias de masse. « Les nouvelles télévisées ne nous montrent qu’une portion du monde, leur objectif principal est de nous choquer. On nous présente tout le temps le pire. C’est aussi ce qui se passe dans le silo. Les images de l’extérieur que ses habitants voient les découragent à générer de l’espoir. »

Écrire devant une foule
Bien que les prémices de Silo relèvent du pire cauchemar postapocalyptique, l’histoire de sa création tient, elle, du conte de fées. Après avoir exercé tous les petits boulots du monde, Hugh Howey met en ligne en 2011, par le biais d’une plateforme d’autopublication, le premier épisode de ce qui deviendra une saga. La réponse emballée de nombreux lecteurs impose une évidence : il faudra écrire une suite. Quatre autres épisodes verront le jour, à un rythme rappelant celui des feuilletons d’antan. Ils seront par la suite réunis sous une même couverture par Simon & Schuster (maintenant traduit en français chez Actes Sud).

« Mes fans m’ont donné la force pour continuer d’écrire rapidement. Leur enthousiasme, leurs courriels, la réponse sur les médias sociaux ont alimenté la passion que j’avais pour l’histoire que je racontais, ce qui m’a permis de consacrer de longues heures au travail. Sans cette énergie, je ne crois pas que le roman serait aussi fort. Je me sentais comme un musicien qui joue sur scène et qui donne une performance solide parce que la foule en redemande et applaudit à tout rompre. C’était comme écrire devant une foule en liesse. »

Le libraire qu’il a déjà été accueille son prix comme on recevrait un cadeau de la part d’amis. « Des libraires qui donnent un prix à un ancien libraire, c’est comme une victoire pour l’équipe locale! Les libraires jouent un rôle crucial sur la route séparant le lecteur du livre. » L’écrivain confie même songer à ouvrir sa propre librairie. Sur une autre planète, peut-être? « Silo est un rappel, conclut-il. Nous vivons tous ensemble sur cette Terre, ce silo unique. Le temps et les ressources que nous consacrons à nous entretuer sont inutiles. Nous devrions plutôt songer à rebâtir un autre silo, à rebâtir une autre planète sur laquelle nous pourrions vivre, ailleurs dans l’univers. »

 

Photo : © Amber Lyda

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