Élisabeth Vonarburg: Mémoire transposée

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La Maison d'équité, cinquième et dernier tome de la série «Reine de mémoire», sera sans contredit l'un des moments forts du printemps littéraire québécois. Qu'adviendra-t-il des trois jeunes héros, momentanément séparés dans leur enquête sur leur passé familial? La clé de l'énigme réside certainement dans la magie – à tout le moins, celle avec laquelle Élisabeth Vonarburg mène son récit.

Neuf ans et des milliers de pages plus tard, Élisabeth Vonarburg met un point final au projet le plus ambitieux de sa carrière: une fiction en cinq tomes qui réécrit littéralement l’histoire du monde. «Reine de mémoire» est en effet la première incursion de l’écrivaine dans l’uchronie, un genre littéraire qui consiste à introduire dans le monde réel des événements historiques fictifs qui en changent le visage. On le sait, l’Histoire aurait pu être autrement. «Mais toute la question est de savoir comment», lance Vonarburg dans un éclat de rire qui masque le travail titanesque qu’a nécessité son entreprise.

L’un des principaux éléments imaginés par Vonarburg pour dévier le cours de l’Histoire a été de doter Jésus d’une sœur jumelle, Sophia. Le monde occidental se divise dès lors en deux: les christiens, qui ne croient qu’en Jésus, et les géménites, qui vénèrent le couple fraternel. Mais il existe aussi d’autres religions, notamment du côté de l’Asie. C’est justement sur ce mystérieux continent que les trois jeunes héros, Jiliane et ses deux frères jumeaux, Senso et Pierrino, découvrent leurs origines… et leurs liens avec la magie.

«C’est mon roman le plus autobiographique», précise d’emblée Vonarburg. Rassurez-vous, elle ne prétend pas avoir des ancêtres magiciens, mais son arrière grand-mère était asiatique: «On m’a raconté toutes sortes de choses sur le passé de ma famille; des vérités, mais aussi des mensonges. Dans ce roman, j’ai voulu réfléchir au rapport qu’on entretient avec un pays perdu et avec nos origines, qu’on a tendance à transformer en mythe.»

Les mythes et les religions revêtent d’ailleurs une importance centrale dans «Reine de mémoire». En confrontant les christiens (dont les principes rappellent ceux des chrétiens) et les géménites (plus près de la tradition taoïste), Vonarburg voulait montrer que les croyances conditionnent et limitent les relations entre les hommes: «On perçoit encore le corps, le sexe, le rapport à soi et aux autres à travers un filtre judéo-chrétien. La séparation du corps et de l’esprit, le mépris du monde, de la chair, des femmes… Tout ça a fait beaucoup de mal. Je crois que c’est une des pentes fatales de notre monde.»

Voilà une motivation de plus pour le refaire, ce monde! Mais la tâche est ardue, insiste Vonarburg, plus ardue encore dans l’uchronie que dans la science-fiction. Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre sur sa lancée en campant ses deux prochains romans au Moyen Âge de l’ère géménite et christienne: «Ce sera des histoires de cape et d’épée, très romantiques, très sensuelles aussi… Du moins telles que je les conçois pour l’instant!»

En attendant, dans La Maison d’équité, Jiliane, Senso et Pierrino connaîtront le fin mot de leur propre histoire. Le fin mot? Peut-être pas, au fond, puisque Vonarburg a un faible pour les finales ouvertes: «J’aime bien laisser aux lecteurs la possibilité d’imaginer leur propre suite. Je n’aime pas, comme lectrice, me faire mener par la main dans tous les coins d’une histoire, ni me la voir offrir à la fin bien proprement enveloppée avec un ruban, terminée – morte, quoi!» Les énigmes qui traversent les quatre premiers tomes de «Reine de mémoire» seront bientôt résolues, mais on peut compter sur l’auteure pour en nouer de nouvelles et perpétuer le rêve.

Bibliographie :
Le cycle Reine de Mémoire, La Maison d’Oubli Alire, coll. Romans , 688 p., 17,95$
Le Dragon de Feu, Alire, coll. Romans , 623 p., 17,95$
Le Dragon Fou, Alire, coll. Romans , 566 p., 17,95$
La Princesse de Vengeance, Alire, coll. Romans , 464 p., 15,95$
La Maison d’équité, Alire, coll. Romans , 480 p., 15,95$

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