Colère : Patrick Senécal, écrire à l’encre noire

31
Publicité

Les personnages de Patrick Senécal connaissent bien la colère. Souvent animés par un désir de vengeance à vous glacer d’effroi, ils se laissent dévorer par cette bête intérieure qui sommeille dans les profondeurs de la nature humaine, une bête prête à mordre n’importe quoi pour calmer sa faim. Colère, quand tu tiens ta proie...

Que se passe-t-il quand la vie t’arrache ceux auxquels tu tiens le plus? Jusqu’où la colère peut-elle pousser une âme désespérée? Loin, très loin, à en croire plusieurs des romans de M. Senécal. S’aventurer sur le chemin de la colère, c’est entreprendre un voyage d’où on ne revient jamais gagnant. « L’idée de base reste de montrer que cette colère démesurée est vaine, qu’elle mène tout droit à l’échec, mais qu’elle est aussi humaine et existe en chacun de nous. La solution n’est donc pas de l’étouffer (elle finirait par exploser un jour ou l’autre de toute manière)… en fait, je n’ai pas vraiment de pistes de solution! », admet ce maître de l’horreur qui confirme être fasciné par cette étrange impasse émotive.

« En fait, l’indignation, la colère du quotidien, je crois qu’elle peut être saine si elle est bien canalisée, nuance l’auteur des Sept jours du talion. Je ne crois pas qu’être bonasse ou candide soit quelque chose de positif. Je vois la colère un peu comme une course dans une pente descendante. Si tu cours trop vite, vient un moment où tu n’es plus capable de t’arrêter, et tu réalises que cette course-là ne peut que mal finir. »

Le romancier et scénariste n’a pas peur d’avouer qu’il s’indigne lui-même facilement dans la vraie vie. Sa bête noire? « La mythification de l’écrivain! », répond-il sans hésitation et sans détour, grognant contre ces écrivains qui aiment se donner une image romantique. « Quand j’entends des écrivains dire qu’ils doivent être sur le bord d’un lac pour écrire, que personne ne doit les déranger… Moi, l’écrivain qui ne vit pas comme les autres, qui ne ressent pas les choses comme les autres, qui ne pense pas comme les autres, ça me dépasse. Pour moi, un écrivain c’est un travailleur comme les autres. Et il doit s’occuper de ses enfants et être fin avec sa blonde comme tout le monde; la colère de l’artiste qui excuse tout, je suis pas capable! Les écrivains qui jouent les tourmentés, tout ça m’emmerde! Il y a des avocats qui souffrent eux aussi quand ils lisent des dossiers, est-ce qu’on en parle? Tu peux vivre des souffrances, de la colère, mais ce n’est pas parce que tu es écrivain, c’est parce que tu es humain. Et je ne crois pas que tu es un meilleur écrivain parce que tu souffres. »

Ça grogne un peu à l’autre bout du fil, mais c’est indéniablement plus de l’indignation que de la colère. Rassurez-vous, Patrick Senécal est gentil comme tout.

Publicité