En 2043, la crise vécue par la civilisation s’accentue alors que la planète se trouve plongée dans le silence et le noir quand Internet et tous les systèmes électriques et électroniques s’éteignent. On assiste à l’effondrement global des réseaux. Malgré cette situation chaotique, Akamaru, un jeune Eurasien qui habite Paris, entreprend un voyage périlleux pour retrouver son île natale, Oshima, à la recherche de ses origines et de son histoire. Envoûtant, profond et sensible, ce roman futuriste de Serge Lamothe explore les méandres insondables de l’existence.

Pourquoi avez-vous eu envie de camper votre histoire dans le futur, à un moment où tout s’effondre, en plein chaos?
Aujourd’hui, on parle beaucoup du réchauffement climatique et de ses conséquences. On prévoit désormais qu’un effondrement global de notre civilisation thermo-industrielle pourrait survenir d’ici vingt à trente ans. Ces questions me préoccupent depuis longtemps. Ce sont des thèmes que j’ai abordés dès 2004 dans Les Baldwin, puis dans Les enfants lumière (2012) et Mektoub (2016). Dans Oshima, je vais beaucoup plus loin en évoquant une éruption solaire de classe X qui provoque une panne prolongée des réseaux électriques et des systèmes électroniques. Ce n’est pas de la science-fiction : en 2014, la NASA a émis un communiqué précisant que nous avions échappé de justesse à une catastrophe de ce type… deux ans plus tôt, en 2012! Or, nous savons que des tempêtes électromagnétiques de cette puissance se produisent en moyenne une fois par siècle. J’ai choisi cette période en manière d’avertissement. Au fil de mes recherches, j’ai constaté que nous sommes bien mal préparés aux conséquences d’un événement comme celui-ci. Nous sommes très vulnérables parce que de plus en plus dépendants de l’électronique et de l’électricité. Je pense que dans les prochaines années, on s’interrogera beaucoup plus sérieusement sur la prévention et les mesures à prendre pour se protéger d’un éventuel effondrement global des réseaux.

Tout comme dans Mektoub, l’humanité et la fatalité semblent vous interpeller dans Oshima. En quoi ces thèmes vous inspirent-ils?
La condition humaine est le thème central de tous les romans. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement! Il y a l’érotisme, et il y a la mort : la voie par laquelle nous entrons dans le monde et la porte de sortie… Pour moi, les autres thèmes sont en réalité des sous-thèmes ou des sous-programmes : l’amour, l’amitié, les liens familiaux, la quête d’identité, etc. Mes personnages sont toujours habités d’une soif de réponses à ces questions. Ils s’interrogent sur les choix qu’ils peuvent, veulent ou doivent faire. Je crois que pour arriver à savoir si nous sommes réellement dotés d’un libre arbitre ou plutôt soumis à la fatalité d’un destin, il faut être confrontés à des décisions difficiles, déchirantes même. Les choix que nous faisons nous déterminent : ils peuvent faire de nous des esclaves ou des êtres libres!

Malgré le chaos dans lequel le monde est plongé, Akamaru entreprend de retourner sur son île natale. En quoi notre histoire nous forge ? Pourquoi est-ce si important de savoir d’où l’on vient?
C’est justement parce que notre histoire nous forge qu’il est indispensable de savoir d’où l’on vient. Akamaru est un hāfu : il est né d’une mère française et d’un père japonais. Les circonstances de son départ du Japon, vingt ans avant les événements du roman, sont demeurées floues dans son esprit. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un roman d’apprentissage au sens strict, on peut dire que le jeune Akamaru entreprend un véritable voyage initiatique. S’il se sent poussé à répondre à l’appel de son père mourant (qu’il connaît peu), c’est parce que de larges pans de sa propre histoire lui échappent. Comme c’est souvent le cas, il ne trouve pas toutes les réponses à ses questions, mais ce qu’il découvre le libère. Le fait d’intégrer la vérité sur ses ascendants, leur histoire et la sienne, lui permet de prendre sa juste place dans le monde… et de l’assumer jusqu’au bout.

Photo : © Antoine Tanguay

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