Mathyas Lefebure: Conter les fous

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Mathyas Lefebure a un parcours atypique. Suffit de lire D’où viens-tu, berger?, récit couvert d’éloges en 2006, pour s’en convaincre. Ex-publicitaire, Lefebure a tout quitté pour devenir berger en France. Encore aujourd’hui, entre deux périodes d’écriture, il prend soin de ses brebis.

Malgré la richesse de ses expériences, l’auteur nomade nous mène cette fois dans un tout autre univers: «J’avais d’abord entrepris d’écrire une suite à D’où viens-tu, berger? C’était facile de continuer dans la même veine, mais je trouvais que je tournais en rond.» Il a donc glissé vers le roman, une transition réussie.

Une promenade dans les rues glacées de la métropole aura été le déclic pour ce Grand livre des fous (Leméac), premier d’une potentielle trilogie. Devant lui, un sans-abri hurle, affalé devant un banc de neige: «Cette rencontre m’a permis de rassembler plusieurs trames narratives qui me trottaient dans la tête et qui ne trouvaient pas de jonction: celle de Philomène, une vieille dame mythomane inspirée par ma grand-mère, celle d’Alex, un adolescent qui recherche la poésie pure par le biais du LSD, et celle de Jonathan, un petit garçon allumé qui essaie de raconter l’imaginaire.»

Autour de ces trois personnages gravite un petit groupe de fous, nouvellement installé dans la maison de Philomène après leur sortie de l’asile. En filigrane, Lefebure trace un portrait saisissant d’un petit village québécois des années 1980, où se mélangent curés influents, conventions sociales étouffantes et fermeture d’esprit.

En somme, Lefebure l’admet: «Je ne montre pas le côté le plus glorieux de la désinstitutionalisation au Québec.» Mais, loin de la critique sociale, il donne la parole aux acteurs de leur époque, dont les voix sont fortes et divergentes. «Conte mes fous», implore Philomène sur son lit de mort. Ce que Jonathan fait. Ou, plutôt, ce que Mathyas Lefebure fait. Avec brio, devons-nous ajouter.

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