Marc Robitaille : Histoires d’hier

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« C’est à ce moment que j’ai compris que j’étais quelqu’un qui vivait les choses de manière très intense. Je me souviens avoir pleuré des jours de temps d’un chagrin énorme quand Toronto a gagné la coupe Stanley en 1967. Tout le monde croyait que le Canadien gagnerait. Les gens qui prennent la plume, peu importe la raison, il y a presque toujours un chagrin derrière. »

Après avoir plongé dans l’univers du baseball en écrivant Un été sans point ni coup sûr et en participant à l’écriture des deux tomes de Il était une fois les Expos en compagnie de Jacques Doucet, ancien journaliste et descripteur attaché à la couverture des Expos de Montréal, l’auteur et scénariste Marc Robitaille est revenu à ses premiers chagrins l’automne dernier avec la réédition de son tout premier roman, paru initialement en 1987 et retravaillé pour 2013 : Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey.

« L’éditeur se demandait ce qu’on faisait avec ce livre-là et je ne voyais pas l’intérêt de le réimprimer tel qu’il était, révèle l’auteur. Si on est pour le refaire, aussi bien le refaire complètement. Je voulais revisiter les textes, les bonifier, en enlever. Le livre a l’allure qu’il aurait dû avoir il y a vingt-cinq ans. »

Au cœur du roman se trouve une bande de jeunes des années 60 qui attendent la fin des cours pour jouer au hockey dans la rue ou regarder les matchs du Canadiens de Montréal. Qu’à cela ne tienne, si l’humeur des personnages varie au gré des victoires et des défaites de la Sainte-Flanelle, chacune des « historiettes » braque plutôt le projecteur sur les joies et les peines du quotidien. Comme quoi parler de sport n’empêche pas d’aborder la vie, qu’il s’agisse de celle de Mademoiselle Chouinard, l’enseignante autoritaire qui peine à maintenir la discipline dans son groupe et qui s’absente du jour au lendemain, ou de celle du grand Pete, « chanceux » parce qu’il déménage à Montréal et qu’il aura dorénavant deux maisons.

« C’est un prétexte, le sport, parce que ça vient exacerber d’autres choses, comme la vie de famille, la relation avec les parents, avec les amis et avec l’époque. Il y a toujours de la matière », explique Marc Robitaille. « Ce sont des enjeux très petits, mais universels quand même, poursuit l’auteur. Les chagrins d’école, les espoirs et un certain émerveillement. Le livre porte un regard émerveillé, mais aussi mystifié sur le monde, parce que le personnage n’a pas tous les outils pour le comprendre. »

C’est d’ailleurs le potentiel de ces enjeux qui l’a incité à retravailler l’ensemble de son ouvrage et à y ajouter près de 30% de nouveaux textes. « Ce qu’il y avait dans la première édition était parfois des esquisses de situations ou de personnages et je croyais pouvoir aller un peu plus loin avec les lignes dramatiques. »

Aller plus loin, certes, mais sans toutefois porter de lourds jugements. La légèreté du livre lui permet de traverser les années et d’éviter d’être relégué au rayon des ouvrages dépassés, croit Marc Robitaille. « Les gens haïssent se faire faire la morale. C’est ce qui fait qu’un livre ou un film vieillit ou non. Comme auteur, notre job, ce n’est pas de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. On a un point de vue sur le monde qui va intéresser ou non les gens, mais à partir du moment où il deviendrait une prescription, comme lecteur on décroche. Dans Des histoires d’hiver, il y a tout un commentaire sur le sport organisé par rapport à celui qui ne l’est pas, mais il faut laisser le plaisir au lecteur de se positionner. »

Avec du recul, l’auteur s’est d’ailleurs montré surpris de voir comment « plus ça change, plus c’est pareil » et que la réalité d’il y a près de cinquante ans n’est pas si différente de celle d’aujourd’hui. « C’est étonnant comment les questions qui étaient sur la table restent sur celle-ci, dit-il. L’intimidation à l’école, par exemple, il y en a dans le livre aussi, mais on ne l’identifie pas comme telle, parce qu’on ne l’appelait pas comme ça à l’époque. Ce sont des enjeux qui demeurent, année après année. »

Marc Robitaille n’en conserve pas moins quelques relents de nostalgie de l’époque dépeinte dans son ouvrage. « La collégialité me manque. Le fait que, quand t’as 10 ans, tu sors dehors et que les gens sont déjà là. Comme adulte, tous nos appareils nous isolent pas mal. Les gens ne s’appellent plus et frapper à la porte des gens, c’est presque un geste violent maintenant. On a gagné sur tellement d’autres plans, mais là-dessus, on a peut-être perdu un peu », termine l’auteur.

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