En plus d’être écrivaine, Geneviève Pettersen est animatrice, chroniqueuse et scénariste. À ce jour se sont vendus plus de 40 000 exemplaires de son premier roman La déesse des mouches à feu, adapté au cinéma en 2020 par Catherine Léger et réalisé par Anaïs Barbeau-Lavalette. C’est l’histoire d’une année de premières fois, à Chicoutimi-Nord en 1996, pour Catherine qui a alors 14 ans. Huit ans plus tard, Geneviève Pettersen frappe encore avec la parution d’une suite, à l'écriture au style tout aussi acéré : La reine de rien.

La reine de rienL’adolescente de La déesse des mouches à feu est de retour. Quelles nouvelles libertés prend cette Catherine maintenant adulte?
Elle prend toutes les libertés, mais contrairement à la Catherine adolescente, je pense qu’elle est davantage consciente des conséquences de cette liberté. Oser se l’accorder a un prix, et ça va lui coûter très cher. Maintenant, je pense aussi que son histoire remet en question certaines perceptions. Les choses qu’elle voit comme étant « empouvoirantes » le sont-elles vraiment, ou cette émancipation est-elle commandée par tous les diktats qu’elle s’impose? Catherine s’avance dans ces questionnements et on a l’impression, je pense, qu’elle traverse une maison aux mille miroirs déformants.

Catherine se met sous pression, visant à être une femme à la hauteur de tout, mais se sentant comme « une mère de marde ». « Reine de rien » à ses dires, comment sa vie va-t-elle basculer?
Je pense que la vie de bien des femmes, comme celle de Catherine d’ailleurs, bascule au moment de la maternité. Cela paraît éculé, mais il y a dans cette perte de contrôle totale de son corps et de son temps quelque chose de profondément aliénant, mais qui nous ramène à notre essence même, à notre animalité. Ce n’est pas une position confortable et Catherine prend la décision de s’extirper à mi-temps de sa position de mère. Sauf que cette nouvelle existence aussi a ses limites. Et le poids de la culpabilité et du regard des autres est grand. Je pense qu’elle est perdante de toutes les façons.

L’héroïne est journaliste. Son boss l’encourage un jour à couvrir « […] plus d’émotions pis d’histoires de vrai monde, et moins de concepts qui font pas l’unanimité ». Entre l’écriture journalistique et celle littéraire, y a-t-il un lieu pour parler de tout?
C’est une bonne question, car pour moi, il y a un lien très clair entre l’écriture médiatique et la littérature. C’est juste une façon différente de raconter des histoires, finalement. Et si je pense que la littérature peut radicalement changer les choses, il y a dans l’instantanéité de l’écriture journalistique quelque chose de très particulier. Ça se passe ici et maintenant tandis que dans un livre, on peut prendre le temps de poser et de laisser respirer les choses. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients. Les histoires que les gens me racontent à cause de mon travail nourrissent énormément mon travail d’écrivaine. C’est une porte ouverte sur une humanité qui reste habituellement cachée. Les gens se livrent, et ça me permet d’avoir une meilleure idée de ce dont l’âme humaine est construite.

Sauver les apparences, soigner son apparence : ces questions traversent le récit, avec plein de ces choses qu’on peut penser tout bas. Décrivez-nous votre expérience d’écriture de ce second roman.
J’ai eu envie de dire les choses telles qu’elles sont, en ne me préoccupant pas de ce que les autres allaient penser de Catherine. On est dans sa tête alors, il n’y a pas de place pour les compromis ou le politiquement correct. Catherine me fait peur, car elle se permet de dire et de penser des choses inacceptables, violentes mêmes. J’avais envie d’écrire un personnage de son époque, c’est-à-dire qui aspire à être une meilleure personne, mais qui est pognée avec tous ses paradoxes et ses biais. Parce qu’on est faites comme ça. On dit une chose et son contraire, on a plein d’idéaux et ils sont terriblement difficiles à réaliser au quotidien. Je trouve qu’on se met la barre très haute et qu’on est souvent notre pire ennemie. Il faut se donner le droit à l’erreur.

Photo : © Krystel V. Morin

 

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