Dans Maisons fauves (Triptyque) — premier roman d’Éléonore Goldberg —, Macha revisite ses souvenirs et se remémore les lieux qu’elle a habités au cours de sa vie, que ce soit les maisons de Vineuil et de Kinshasa, l’appartement de Paris, la maison en Normandie ou à Orléans, puis l’appartement bancal à Montréal. Ses souvenirs, qui se déroulent entre le Zaïre, le Congo, la France et Montréal, la forgent, témoignent de son histoire et lui permettent de se retrouver.

Comment est né le projet de ce roman?
J’étais depuis longtemps hantée par des souvenirs difficiles liés à mon enfance au Zaïre. En 2013, j’ai commencé à penser à un projet de court-métrage animé, Kinshasa, inspiré de mon enfance là-bas. Je me suis rendu compte assez vite qu’il y avait trop à raconter et j’ai éprouvé de la difficulté à faire le tri. Sur les conseils d’une amie auteure, je me suis mise à écrire des souvenirs de cette période, à les chercher et les compiler, comme une collection. Elle les a lus et m’a dit : « Il en faudrait d’autres ! Au moins une centaine! », alors j’ai continué à fouiller dans ma mémoire. Le projet s’est scindé en deux : un film et un livre. J’ai poursuivi l’écriture de mes souvenirs de Kinshasa, il y en avait toujours un de plus qui surgissait, comme par surprise. Puis j’ai rencontré Jeannot Clair [le directeur littéraire de Maisons fauves] qui m’a alors demandé si je n’avais pas d’autres lieux à revisiter et je me suis tournée vers Vineuil, Paris, Orléans, etc.

Que signifie pour vous le titre Maisons fauves?
Ce sont des maisons habitées par un fauve (mon personnage principal) qui cherche à s’incarner. Ces maisons sont des sortes de reflets de son corps, de ses désirs et de ses manques.

Les thèmes des souvenirs et de la mémoire semblent vous interpeller. En quoi ces thèmes vous inspirent-ils?
Travailler à partir de ces thèmes me permet d’évoluer, de donner du sens à la vie et de la valeur aux choses et aux personnes qui comptent (et ont compté) pour moi. C’est aussi une façon de léguer quelque chose, de partager une histoire, de créer un lien avec l’autre.

Le roman Maisons fauves revisite des lieux habités par la narratrice. Qu’est-ce qui vous fascine dans le fait de se remémorer ces différents lieux?
Je réalise que ces lieux ont fortement marqué mon imaginaire ; ma façon de les percevoir et de les décrire est liée à des sensations physiques, à des musiques, et aussi, en quelque sorte, à mon intérêt pour le dessin. En écrivant sur ces lieux, j’avais l’impression de les redécouvrir et d’y être à nouveau, tout en sachant que plein de détails m’échappaient…

Vous écrivez : « Certains écrivent pour se souvenir… J’ai écrit et ensuite j’ai oublié. » Qu’est-ce que cela signifie pour vous? Écrire, n’est-ce pas plutôt une manière de se souvenir, de ne pas oublier?
J’ai écrit, car certains souvenirs m’obsédaient, au point d’y penser des nuits durant et de me rejouer en boucle des « films », sans avancer dans « l’histoire ». Écrire est devenu une enquête… Et cela m’a permis de me libérer de ces souvenirs, et d’autres ont pu surgir. Après avoir décrit ces lieux, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus me les figurer aussi clairement en mémoire qu’à l’écrit.

En plus d’avoir illustré le roman graphique La demoiselle en blanc (Mécanique générale), vous enseignez le dessin et réalisez des films d’animation notamment. Maisons fauves est votre premier roman. Comment avez-vous trouvé l’expérience de l’écriture?
J’ai adoré. C’est beaucoup plus simple que de faire un film! Écrire, c’est comme tomber en transe, sentir son cerveau se décupler à l’infini, ses yeux s’agrandir immensément. On oublie le temps qui passe, on n’entend plus le bruit. On découvre un chemin caché, comme si on marchait dans une forêt inconnue et mystérieuse.

 

Photo : © Stéphane Calce

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