David Bouchet : Un soleil dans la nuit noire

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Coscénariste du film La pirogue, sélectionné par le Festival de Cannes en 2012, David Bouchet intègre l’univers du roman avec un naturel déconcertant. Son premier-né, Soleil, est éblouissant, c’est le moins qu’on puisse en dire. À travers les yeux d’un jeune Sénégalais venu s’installer au Québec avec sa famille, on découvre un monde fait de contradictions et de beauté.

Soleil est une histoire de déracinement, mais c’est aussi un récit sur la famille, l’amitié, l’humanité. À la croisée des cultures, on y découvre la nature humaine baignée de lumière. On ne peut finalement s’empêcher de penser que c’est un roman qui fait du bien. Cherchiez-vous à réchauffer des cœurs avec votre Soleil?

Oui, bien sûr, on peut le voir comme ça, un soleil sur nos cœurs refroidis, un baume sur toutes nos douleurs, une embrassade au sens de prendre dans ses bras pour consoler et redonner confiance. Cela me fait penser aux gens qui distribuent des câlins gratuitement dans la rue, c’est tellement symptomatique de notre époque. Et j’aime l’idée qu’un livre puisse faire du bien, comme un film, une musique, comme n’importe quelle expression créative, et si c’est le cas, alors je suis comblé.

 

A-t-il été difficile pour vous de retourner dans la tête d’un jeune garçon de 12 ans, de renouer avec cette poésie de l’enfance, ce regard naïf qui dévoile tout?

C’est vrai que ce n’est pas un roman jeunesse et qu’il n’est jamais simple d’essayer de penser comme un enfant de 12 ans, aussi allumé soit-il. En écrivant, il faut essayer de se débarrasser de ce prisme d’adulte, chasser les idées ou les propos un peu trop alambiqués, chercher justement à replonger dans cette pureté, cette spontanéité par laquelle nous sommes tous théoriquement passés. Forcément, aussi, j’ai été puiser dans ce que je parvenais à comprendre – ou à imaginer – de la perception de mes propres fils face à cette aventure de migration que nous, les parents, leur avons imposée.

 

Vous avez passé une grande partie de votre vie à Dakar, et cette migration familiale vers le Québec, vous l’avez vous-même vécue. Avez-vous, comme le père du récit, eu du mal à vous adapter à cet exil, à cette « perte de mémoire », comme vous l’appelez?

Non, je n’ai pas eu de mal à m’adapter à cet exil, il faisait suite à d’autres exils et le Québec sait accueillir. L’aspect « perte de mémoire » est un point de vue de l’enfant, mais c’est plus la construction de mémoire qui m’interpelle. Si on ne quitte pas un endroit, il n’y a pas un vrai travail de mémoire, tout se passe autour de nous, au quotidien, et on n’y fait pas vraiment attention. Quand on vit l’exil, on est dans un processus de construction de mémoire. Qui dit déracinement ici, dit enracinement ailleurs. Et la mémoire, c’est aussi le présent et le futur : instinctivement, on la projette.

 

Crédit photo : Gopesa Paquette

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