Raynald Lecavalier : Le droit d’écrire

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À quoi un avocat à la retraite occupe-t-il son temps? À poursuivre ses rêves, tout simplement. Et dans le cas de Raynald Lecavalier, cela signifiait se lancer dans l’écriture d’un roman policier. C’est ainsi que Les symboles est né, un premier roman dont on remarque immédiatement l’écriture finement travaillée. C’est en mettant ses notions de droit à profit qu’il nous entraîne dans une histoire aux multiples retournements, abordant à la fois les méandres du système de justice américain ainsi que la question de la peine de mort par le biais du présumé coupable des deux meurtres découverts en début de roman : un tueur en série, attendant dans le tunnel de la mort d’une prison fédérale. Mais, comme dans tout bon roman, rien n’est simple pour les enquêteurs… 

Vous êtes avocat de formation. Pourquoi avoir fait le saut du côté de l’écriture? Quelle a été l’étincelle à la base de ce roman, qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans l’écriture?
Cela faisait vingt-cinq ans que je réfléchissais à la chose. J’ai toujours été amateur de polars. Mon héros de jeunesse était Sherlock Holmes. D’ailleurs, j’ai lu entièrement l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle. À cause de ma profession d’avocat, je n’ai jamais eu le loisir d’écrire comme je l’aurais souhaité à cause d’un emploi du temps fort chargé. Je suis maintenant à la retraite ou presque, donc libre d’y consacrer davantage de temps. J’ai tenté l’expérience d’écrire une première version du roman en 2013 alors que je pratiquais le droit à temps plein et le résultat a été désastreux. J’ai donc jeté le manuscrit aux ordures et j’ai tout repris depuis le début, en prenant soin de me délester de certaines de mes obligations professionnelles. Mon mentor dans le domaine littéraire a été renversé par le résultat. Il convient de mentionner qu’écrire un polar représentait un rêve que je caressais depuis toujours. Il m’apparaît essentiel de se lancer à la poursuite de ses rêves, peu importe où nous en sommes dans notre cheminement de vie. Certains m’ont demandé pourquoi avoir rédigé une histoire qui comporte 600 pages. La réponse est toute simple : j’écris comme je lis.

Pourquoi avoir décidé de camper votre roman aux États-Unis? Quelles difficultés cela a-t-il occasionnées pour vous, ou encore, quelles libertés cela vous a-t-il permises?
Je connais bien la ville de New York que j’ai visitée à l’occasion de mes voyages d’affaires. Les questions fondamentales entourant la peine de mort, à laquelle je suis farouchement opposé, étaient plus faciles à aborder dans le cadre de cette intrigue américaine. Comme vous le savez, la peine de mort au Canada a été abolie au mois de juillet de l’année 1976. Par conséquent, je me sentais mal à l’aise de ressusciter la peine capitale et de créer un Québec et un Canada imaginaires avec comme toile de fond une sentence de mort qui n’existe plus. Bien évidemment, comme je suis avocat de plein exercice et membre du Barreau du Québec, j’ai dû faire appel à une firme d’avocats américaine qui m’a guidé dans mes lectures. 

Quelle complexité y a-t-il à aborder la thématique de la peine de mort, comme c’est le cas dans Les symboles?
Évidemment, le complot visant à faire exécuter le présumé tueur en série en accéléré est poussé à l’extrême. Cependant, c’était voulu afin d’illustrer les débordements auxquels un jour ou l’autre les acteurs du système judiciaire peuvent être appelés à faire face : la possibilité de faire condamner un innocent ou la probabilité de faire exécuter le réel coupable. Dans le roman Les symboles, c’est la question que le lecteur se posera jusqu’à la toute fin. Gustav Recke est-il ce tueur en série ou s’agit-il plutôt d’un coup monté de toutes pièces? Et dans ce dernier cas, qui tire les ficelles et pourquoi?

En quoi le système de justice américain vous fascine-t-il?
Par sa lenteur. Au Canada, à la suite de l’arrêt Jordan prononcé par la Cour Suprême du Canada l’année dernière, le plafond des délais dans une cause criminelle devant les tribunaux supérieurs a été fixé à trente mois, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Ensuite, il y a possibilité de faire appel devant les instances en appel. Aux États-Unis, il n’est pas inusité qu’une cause pendante devant le tribunal de première instance et les différents niveaux d’appel nécessite un délai de vingt à vingt-cinq ans. Un délai considérable à l’intérieur duquel tant l’accusé que la victime se demanderont de quel côté penchera finalement la balance. 

Une histoire d’amour entre une agente d’élite et un détective privé se greffe à l’histoire d’enquête. Pourquoi avoir ajouté cette touche à votre roman? Quelle pirouette cela a-t-il nécessitée de la part de l’écrivain?
Derrière chaque grand homme se trouve une femme, dit le vieil adage. Dans ce cas-ci, Lindsay Patterson représente le type de femme que chaque homme désire avoir en avant de lui. Christophe Marceau est un homme cartésien à la logique infaillible et de nature inébranlable. Patterson apporte une touche de fraîcheur et fait preuve parfois d’un caractère impulsif. Elle n’hésitera pas à pousser le héros dans ses derniers retranchements même si cela risque de mettre en péril leur relation. C’est par l’amour que les êtres humains grandissent et nul doute que les deux tourtereaux n’échapperont pas à cette règle.

On annonce que ce roman est le premier d’une trilogie. Qu’en est-il des deux autres? Retrouverons-nous les mêmes personnages? Vous êtes-vous attaché à eux?
Le deuxième volet a pour titre Le serment de Nelin et est déjà écrit. Cette histoire mettra en relief les failles de l’armure du détective Marceau ainsi que la force de caractère de Patterson. Le troisième tome, déjà rédigé également, a pour titre Les trois guerrières et illustrera le retour à l’équilibre de Marceau. Je ne peux en dire davantage sur l’identité des autres personnages puisque je risquerais de dévoiler le punch du troisième volet. J’adore les caractères que j’ai créés mais il y a un risque à s’éterniser avec les mêmes acteurs une fois l’intrique résolue : lasser le lecteur. C’est à titre de lecteur que j’exprime ce point de vue. Quant à la trilogie, je jongle avec l’idée d’écrire un quatrième tome, mais j’en suis au stade de la réflexion pour le motif énoncé précédemment. Le serment de Nelin devrait être publié au cours de l’année 2018 et Les trois guerrières l’année suivante. Je ressens le besoin de réviser encore.  

Qui sont vos auteurs de romans policiers favoris, vos modèles?
Outre Sir Arthur Conan Doyle mentionné précédemment, j’aime particulièrement Michael Connelly qui a eu la savante idée d’alterner entre les héros Michael Haller et Harry Bosch. J’ai adoré Jo Nesbo qui a écrit Le fils. J’aime aussi Lisa Gardner et Nick Stone de même que Jussi Adler Olsen.

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