Qu’est-ce qui vous fascine dans le Downtown Eastside à Vancouver, l’un des quartiers les plus pauvres et les plus criminalisés en Amérique du Nord? Pourquoi avez-vous eu envie d’y camper votre série?
Ce quartier m’interpelle, comme tous les quartiers défavorisés des grandes villes du monde. Je connais la détresse. Je l’ai observée en tant que journaliste et dépeinte en tant que romancière. Je ressens une grande empathie mêlée d’impuissance devant le sombre tableau de la toxicomanie, des surdoses, de la prostitution, de l’itinérance et des problèmes de santé mentale dans le Downtown Eastside, fléaux qui perdurent malgré l’aide continue d’organismes dévoués. J’ai voulu donner un visage aux personnes vulnérables qui y survivent, mais aussi aux intervenants et aux policiers qui leur viennent en aide.
Vos livres dépeignent notamment la complexité de l’âme humaine et ses côtés sombres. Qu’est-ce qui vous inspire dans les failles et la noirceur des êtres humains?
Je me suis intéressée très tôt à la psychothérapie et aux souffrances causées par les traumatismes affectifs. Des blessures qui changent le parcours d’une vie humaine. J’ai dévoré les écrits des philosophes qui tentent de comprendre comment un enfant, né avec une âme lumineuse, se perdra plus tard dans la dépendance ou, pire, deviendra un tueur en série. Une enfance misérable semble souvent être à l’origine de toute cette noirceur. Je rêve parfois d’un monde idéal peuplé d’enfants aimés et en sécurité, qui grandiraient sans blessures affectives en développant leur vraie personnalité.
Détresse au crépuscule met notamment en scène des prostituées et des femmes assassinées par un tueur en série. Souhaitiez-vous écrire sur le sort des femmes en particulier?
J’ai été choquée par l’indifférence dans la disparition de femmes autochtones au pays. J’ai mis en scène un tueur en série parce qu’il y a eu et qu’il y a toujours des prédateurs qui s’attaquent aux femmes vulnérables, en particulier celles qui vivent de la prostitution et qui survivent dans des conditions insupportables. Détresse au crépuscule dépeint la souffrance ravivée qui survient toujours au coucher du soleil, lorsque les ombres s’allongent. Mais c’est aussi une fresque de ces mal-aimées de la société, qui en ont beaucoup à nous apprendre en termes de courage et de résilience.
Photo : © Caroline Arbour