Isabelle Gagnon : le goût des colères inassouvies

17
Publicité

Alors que la belle Alix cherche l’apaisement après plusieurs années de hargne, son jumeau Paul– jadis enfant timide – n’arrive plus à contenir sa colère. L’assassin de leurs parents devra payer. Et Alix devra choisir : perdre à jamais le lien qui l’unit à son frère ou sombrer avec lui du côté obscur. Dans Du sang sur mes lèvres (Héliotrope), Isabelle Gagnon nous invite à arpenter avec elle des territoires sombres, faits de terrains glissants.

Votre roman semble tout entier construit autour de la notion de frontière : celle qui longe Pohénégamook dans le Témiscouata, où se situe l’intrigue, mais aussi, et surtout, celle qui départi les hommes des monstres. Pourquoi cet intérêt pour cette mince ligne invisible qui n’est rien et tout à la fois?

J’aime beaucoup l’idée de ligne, de limite, de carrefour. L’instant où tout peut changer, exploser, se métamorphoser. J’ai une fascination pour les gens « borderline », qui risquent à tout moment de basculer d’un côté ou de l’autre. Aussi, la notion de bien et de mal n’est pas la même pour tout le monde. Qu’est-ce qui est acceptable ou inacceptable? Quand un individu devient-il un monstre? Chacun interprète selon des critères qui lui sont propres.

 

Votre histoire se déroule au Québec, mais vos personnages viennent de France. Le Canada n’est pour eux qu’un point de chute temporaire. Qu’est-ce que cela change au récit qu’ils soient étrangers? Pourquoi ce choix?

Il y a seize ans, j’ai fait le choix de m’installer en France. J’appartiens maintenant à deux cultures différentes. J’ai un passeport français, mais je serai toute ma vie québécoise. J’avais envie de mélanger mes deux mondes. Mais je ne crois pas que le fait que mes personnages soient français change quelque chose au récit.

 

Il s’agit de votre premier roman noir, sémantiquement parlant, mais vous vous intéressiez déjà aux thèmes du désespoir, du deuil, de la reconstruction après la tempête, dans vos précédents romans (Marie Mirage, Le souffle des baleines). Avez-vous embrassé avec naturel le genre du polar ou cela vous a-t-il demandé une certaine adaptation?

Oui, il est vrai que j’écris beaucoup sur la mort et le deuil. Le mensonge est aussi un de mes thèmes de prédilection. Dans mes autres romans, mes personnages s’en sortent, grandissent, deviennent plus forts. J’avais envie de me frotter au noir pour exprimer des choses plus pessimistes, plus sombres. Il n’est pas toujours possible de se survivre à ses drames, de retomber sur ses pieds après des événements tragiques. La souffrance mène parfois à commettre l’irréparable. J’avais envie de faire basculer mes personnes dans le noir.

EN LIBRAIRIE À LA FIN OCTOBRE

Photo : © Justine Latour

Publicité