Alors que son passé le hante et qu’il doit jongler avec les sautes d’humeur de sa fille, l’enquêteur privé Patrick Kelly, un ex-policier, tente de retrouver un crucifix volé, ce qui le mène sur la piste de rites sataniques et de meurtres rituels. Hervé Gagnon signe avec Chemin de croix (Libre Expression) un polar prenant et effréné.

Quelle a été l’étincelle de départ de ce roman?
J’ai dans ma besace des dizaines de sujets, croisés au cours de ma carrière d’historien et de muséologue, ou au fil de mes lectures (un historien, ça lit tout le temps!). Je les note et, de temps à autre, j’y jette un coup d’œil. Cette fois-ci, c’est l’histoire d’un crucifix outragé, survenue à Montréal en 1742 (oui, oui, l’histoire est basée sur un fait réel) qui m’a sauté aux yeux. J’ai eu envie de travailler avec, sans trop savoir où elle allait me conduire. Je me suis tapé des montagnes de documentation sur le satanisme contemporain – je connaissais déjà très bien son histoire grâce à mon mémoire de maîtrise – et sur les possessions diaboliques. Au bout du compte, j’ai laissé tomber le second volet. Bref, pour moi, l’étincelle se produit bien loin en amont, parfois des années.

Vos livres traitent souvent de l’histoire. Chemin de croix est votre premier polar contemporain. Pourquoi avez-vous eu envie de camper votre histoire aujourd’hui cette fois-ci?
Ma carrière d’écrivain a été marquée par des ruptures volontaires qui avaient pour but de me mettre en danger, de m’empêcher de devenir trop confortable. Il est si facile de produire à la chaîne sans se poser de questions! Ainsi, de la littérature jeunesse, je suis passé à la littérature générale. Du thriller historico-fantastique (Talisman de NergalDamné, Vengeance et Malefica), je suis passé au polar (les enquêtes de Joseph Laflamme). Instinctivement, je sentais que le temps était venu de rompre à nouveau, cette fois pour passer de l’historique au contemporain et d’un ton à la Sherlock Holmes à un ton plus noir, plus sombre – c’est mon ami Chabin qui sera content! Cela dit, je ne romps jamais complètement avec un genre. Je décris de longs détours et j’y reviens. […] Toujours, je demeure fidèle à mon univers, qui est celui des complots et des secrets découverts à un rythme haletant. Et, pour mon plus grand bonheur, mes lecteurs semblent me suivre.

En cherchant un crucifix qui a été volé, l’enquêteur privé Patrick Kelly découvre que des jeunes commettent des rites sataniques et des meurtres rituels. Est-ce que l’écriture est une façon d’exorciser les horreurs de l’existence, d’essayer de comprendre l’incompréhensible?
Oui. Et non. Et peut-être. Au fond, je ne sais pas. Ce que je sais, par contre, c’est que j’ai toujours été profondément préoccupé par l’univers religieux, sans doute parce qu’il a marqué mon enfance. S’il existe un lien entre tous mes livres, c’est la dénonciation de l’hypocrisie de l’Église, du double discours qu’elle tient, la richesse et le pouvoir qu’elle accumule tout en chantant les mérites de la pauvreté, les vertus de la chasteté qui jurent avec tous ces cas d’agressions par des prêtres. L’historien que je suis a la chance (ou la malchance, selon le point de vue) de bien connaître l’histoire de l’institution et je réalise, avec le recul, que toute mon œuvre est une vaste entreprise de dénonciation. Non pas que je me sois fixé cet objectif. C’est sorti tout seul, comme tout le reste. Car on n’écrit qu’avec ce que l’on est et ce que l’on sait. Rien d’autre. Alors, est-ce que j’exorcise? Sans doute mon enfance, oui. Est-ce que j’essaie de comprendre? La nature humaine, sans doute. Moi-même, aussi, peut-être.

 

Photo : © Michel Paquet

Publicité