Anna Raymonde Gazaille: Sans laisser de traces

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Pas l’ombre d’un cheveu. Pas même la plus petite parcelle d’empreinte. L’appartement de la victime est immaculé. Le meurtrier n’a laissé aucune trace de son passage, si ce n’est cette mise en scène raffinée au centre de laquelle trône le corps ligoté d’une femme en guêpière de dentelle noire. Jeu sadomasochiste qui a mal tourné? L’inspecteur Paul Morel du Service de police de la Ville de Montréal n’en croit pas un mot : le crime est trop, comment dire… parfait?

Si l’assassin de Traces se fait des plus discret, il en va tout autrement de l’auteure. Anna Raymonde Gazaille se taille avec force une place dans l’univers du polar québécois avec ce premier roman à la fois captivant et maîtrisé. Sans flafla, elle y campe des personnages profondément humains, à commencer par celui de l’inspecteur Morel, qui n’a rien d’un Rambo, précise celle qui a délaissé une longue carrière dans le milieu culturel pour se consacrer à temps plein à l’écriture. « Paul Morel, ce n’est pas le gars qui va courir sur les toits pour attraper le coupable. C’est plus un homme qui a une tête sur les épaules et qui va tenter de piéger son suspect grâce à sa stratégie », explique-t-elle.

Pas de rebondissements à l’américaine ni profusion de sang : Anna Raymonde Gazaille livre une intrigue qu’on aurait pu qualifier de banale, si ce terme ne laissait pas entendre que le récit est ennuyeux, ce qui n’est évidemment pas le cas. En fait, elle tisse une toile très serrée autour de phénomènes de société actuels comme la solitude des femmes dans la cinquantaine, leurs tentatives de rencontres par l’entremise des sites Internet… Elle aborde même le sujet des relations sadomasochistes, très à la mode dernièrement avec, entre autres, Cinquante nuances de Grey. « Je voulais justement désacraliser cette pratique-là qui finalement, qu’on le veuille ou non, est un regard sur les femmes assez dégradant, surtout pour moi qui suis une féministe de la première heure », raconte l’ancienne directrice de la compagnie Montréal Danse et du Conseil québécois du théâtre.

Le tout donne un polar surprenant et son auteure ne cache pas sa surprise devant l’intérêt que suscite son premier roman. « Quand j’ai écrit Traces, je ne voulais pas penser à la suite; je ne voulais même pas penser à être publiée. Je voulais aller au bout de cette histoire-là par défi personnel. » Son fan-club, comme elle dit, a cependant insisté pour qu’elle soumette son projet. « J’ai envoyé mon manuscrit le 6 janvier et Leméac me téléphonait le 18! J’avais les jambes un peu molles. Vous savez comment c’est, vous envoyez un manuscrit à des maisons d’édition et elles vous disent qu’elles n’envoient pas de réponse avant trois à six mois. Moi, au bout de dix jours, j’avais une réponse, et positive en plus! J’étais un peu abasourdie », confie celle qui, sans le savoir, réconcilie Leméac avec le polar de manière brillante.

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