Samuel Champagne: L’audace d’aimer

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À 16 ans, Maxence quitte l’Angleterre, quitte ses amis qui connaissent – et surtout, acceptent – son homosexualité. Arrivé au Québec, il mène le même combat que Thomas dont il est follement amoureux : faire face aux préjugés. Avec ce premier roman, Samuel Champagne traite habilement d’un sujet qui touche bien plus que les 5% de la population qu’on dit homosexuelle, puisqu’il s’agit, d’abord et avant tout, d’une profonde histoire d’amour.

C’est avec tact et brio, ainsi qu’en évitant les écueils des clichés maladroits que l’auteur de 28 ans brosse le portrait de ces deux adolescents, nuancés et crédibles. En choisissant de présenter ces personnages aux antipodes l’un de l’autre — Maxence, un joueur de soccer extraverti qui a fait son coming out trois ans auparavant, et Thomas, un danseur plus tranquille qui ignore encore son homosexualité —, Samuel Champagne prouve que « ce ne sont pas les intérêts qui engendrent les désirs homosexuels » et qu’un récit sur l’homosexualité peut s’adresser à tous.

Dans ce roman, qui traite d’abord de la profonde amitié qui liera les deux jeunes hommes, on dénote immédiatement le souci de l’auteur de rédiger un livre différent de ce qui a déjà été fait sur le sujet : « Recrue a tout d’abord été écrit dans le cadre de ma maîtrise. Je travaillais sur les romans homosexuels québécois destinés aux jeunes en étudiant leur contenu et la manière dont le sujet était abordé. J’ai voulu écrire un récit comprenant quelques-unes des thématiques moins traitées, notamment celle de la sexualité gaie. Je tenais aussi à ce que le récit soit simple et que la relation entre les deux garçons soit autant le sujet principal du récit que l’homosexualité elle-même. En ce sens, je crois que Recrue touche tout lecteur : qui n’a pas eu des mésententes avec ses parents, un certain manque de confiance en soi, des doutes face à une relation avec autrui? », explique celui dont la plume étonne par sa maturité. Et, puisque les premiers romans ont souvent la réputation d’être autobiographiques, on a osé demander à Samuel Champagne si tel était son cas : « Comme je suis transsexuel, mon adolescence a été occupée par bien d’autres questionnements que celui de mon orientation sexuelle. Je suis homosexuel, mais il n’y a pas d’autofiction dans Recrue, si ce n’est que la démonstration de ma passion pour la danse, la musique, l’Angleterre et le foot… pardon, le soccer! ».

En gardant à l’esprit que les histoires hollywoodiennes se closent souvent alors que débutent enfin l’histoire d’amour, Samuel Champagne semble leur faire un pied de nez en ne terminant pas son récit dès le premier baiser, bien au contraire. « Une des conclusions que j’ai pu tirer de mon mémoire faisait justement référence à l’après-coming out et comment, en littérature, une fois le personnage sorti du placard, le récit se clôt bien souvent alors que, en réalité, il faudra refaire cette étape bien d’autres fois. Maxence, en arrivant à Montréal, se retrouve dans un univers totalement différent : il repart à zéro et c’est ce qui nourrit son insécurité. » Ainsi, comme l’explique l’auteur, l’objectif était de mettre en scène les premiers doutes qu’entraînent la réalisation de l’homosexualité et le début d’une relation amoureuse tout en démontrant que le coming out n’est pas une finalité.

Voilà un roman qui arrachera aux lecteurs quelques larmes, de rire comme d’émotion, et qui prouve que l’amour, quelle que soit sa forme, demeure cette chose complexe si belle et enivrante qu’on voudrait la crier aux quatre vents.

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