L’illustratrice Mathilde Cinq-Mars collabore avec plusieurs maisons d’édition et magazines et a signé les illustrations de plusieurs livres, notamment, Moitié de poulet (Planète rebelle), Nos héroïnes (Marchand de feuilles), Mon lit de rêve (L’Isatis), Le dernier mot (Mécanique générale), Je suis là, je suis là (Druide) et Grand tintamarre! (La montagne secrète). Ses illustrations aux allures vintage sont empreintes d’humanité, de douceur et de poésie, un univers qui était donc tout désigné pour illustrer le thème de la mémoire en couverture du présent numéro.

Qu’aimez-vous le plus dans le fait d’illustrer des livres?
Lorsqu’un nouveau texte arrive, c’est un nouvel univers qui s’ouvre à moi. Si le livre parle des femmes québécoises, ce sont les vies fabuleuses de celles-ci que je découvre à travers le projet. Si le livre se déroule dans les années 20, ce sont les photos d’archives qui occuperont mon espace mental pendant quelques mois, etc. Chaque auteur et chaque thématique influencent de façon unique mon travail d’illustration, et par le fait même, mon imaginaire et ma façon d’aborder le monde par la suite. C’est formidable.

Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans l’album Moitié de poulet de Catherine Gaillard que vous avez illustré?
On m’approche souvent pour illustrer des textes très poétiques, vaporeux, mélancoliques, doux. Moitié de poulet, c’est tout le contraire! C’est un conte rigolo, franc, engagé, écrit sur un schéma ancien de tradition orale, avec beaucoup de répétitions. Le personnage est attachant, frondeur, pertinent. J’ai sauté sur l’occasion d’illustrer ce texte de Catherine Gaillard et j’en ai profité pour sortir une palette de couleurs plus vives et dessiner des personnages plus animés et expressifs que ce que j’ai l’habitude de faire! Je vous promets que vous et les enfants qui vous entourent l’adorerez.

Vous avez illustré les livres Je suis là, je suis là et Chouïa, où es-tu? de Marie-Francine Hébert. Comment avez-vous trouvé cette collaboration?
J’ai grandi avec les mots de Marie-Francine Hébert quand j’étais enfant. Chouïa, où es-tu? et Je suis là, je suis là ont été les deux premiers projets de livres auxquels j’ai collaboré. Sans se consulter, les deux éditrices ont eu envie d’associer mon travail à celui de Marie-Francine Hébert. Elle ne connaissait pas mon travail à ce moment-là, ce n’est qu’au Salon du livre de Montréal que je l’ai rencontrée. Ce fut un véritable coup de cœur! C’est une femme dynamique, franche, originale, avec une grande sensibilité. Ce fut un réel plaisir de collaborer avec elle, c’est une artiste pour qui j’ai beaucoup de respect.

Est-ce un grand défi que de mettre en images les mots de quelqu’un d’autre?
Heureusement pour moi, pas trop! Chaque mot que je lis, chaque pensée que j’ai dans ma vie, est transposé automatiquement en images. C’est concrètement ma façon de penser. Comme j’ai la chance d’illustrer uniquement les textes dont l’univers ou les sujets me touchent réellement, le défi se trouve plutôt dans le fait de rendre hommage à ces textes et à ces auteurs avec qui je travaille et pour qui j’ai toujours énormément de respect.

Quel rapport entretenez-vous avec le matériel avec lequel vous dessinez?
Mon travail est fait à la main, au crayon et à l’aquarelle en palette. J’utilise un scanner et un ordinateur pour numériser mes images. Pour un certain style (par exemple, la couverture), j’utilise aussi l’ordinateur pour créer préalablement un photomontage qui m’aide à installer la composition de l’image. J’ai un lien dépendance-haine avec les écrans, je tente autant que possible de diminuer leur usage dans mon travail (mission difficile).

Vos illustrations mettent souvent en scène des plantes et des fleurs. Qu’est-ce qui vous fascine dans cet univers?
Honnêtement, les fleurs m’obsèdent. J’aime les dessiner, les étudier, les cueillir, les sentir, les cultiver, les cuisiner. Chaque fleur porte une immense charge symbolique, culturelle, poétique. Elles rappellent une odeur, une saison, un lieu. Leur présence dans un dessin invite rapidement les gens à s’y plonger et moi à m’y sentir à l’aise et inspirée en dessinant.

Vous illustrez des livres pour enfants. En lisez-vous beaucoup? Lesquels sont vos favoris?
Je suis maman d’une petite (grande) fille de cinq ans. Je lis donc quotidiennement beaucoup de livres pour enfants que nous empruntons à la bibliothèque. J’admire beaucoup la douceur des illustrations d’Isabelle Arsenault, la poésie des livres de Marianne Dubuc, les thématiques pertinentes des livres d’Elise Gravel et la simplicité colorée de ceux d’Aki.

Avez-vous une autre grande passion que l’illustration?
La botanique, assurément. J’ai aussi un intérêt pour les vieux objets, tout ce qui est DIY, pour la cueillette sauvage et toutes les activités qui me permettent d’être dehors.

Quels sont vos prochains projets?
Je travaille sur plusieurs projets de livres et contrats d’illustration en même temps, dont la plupart sont encore secrets. Je poursuis aussi de façon plus personnelle ma série d’affiches sur la faune et la flore québécoise que je vends en ligne. Question de ne pas passer l’été à dessiner compulsivement entre quatre murs, j’ai aussi démarré avec une amie et ma sœur une entreprise de fleurs coupées écoresponsable en Mauricie, qui vivra sa première saison cet été.


Photo : © Isalaf

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