Il est loin d’être nouveau dans le paysage littéraire québécois (il y a fait son entrée en 1992 avec Taxi en cavale), mais Louis Émond sait chaque fois se réinventer en offrant des livres surprenants. Est-ce parce qu’il a eu trois enfants et qu’il a été professeur au primaire qu’il sait si bien mettre en scène des personnages nuancés et crédibles? Probablement. Dans Bazar d’histoires bizarres, il propose neuf histoires, en apparence bien ancrées dans le réel, mais qui tomberont tranquillement dans le domaine du fantastique, entraînant chaque fois le lecteur dans une aventure impossible à lâcher. Plaisirs et émotions fortes garantis!

Les nouvelles de votre recueil flirtent avec le fantastique, le paranormal, voire l’horreur. Qu’avez-vous en tête — comme limites ou approches — lorsque vous choisissez d’aborder ces thèmes dans un ouvrage destiné à la jeunesse?
À 12 ans, quand je lisais des auteurs de littérature fantastique comme George Langelaan, Jean Ray ou Thomas Owen, j’avais souvent peur, mais ce n’était jamais une peur insoutenable. C’est la limite que je m’impose quand j’écris du fantastique pour la jeunesse. Quant à mon approche, je m’efforce de partir d’une situation familière et d’entraîner le lecteur ou la lectrice vers le moment où tout bascule et où la tension monte jusqu’au dénouement qui désarçonne. Mais bien sûr, j’aime aussi écrire des récits fantastiques où priment l’humour et l’aventure plutôt que l’horreur, ce que l’on retrouve aussi dans Bazar d’histoires bizarres.

Chacune des nouvelles de Bazar d’histoires bizarres aborde une atmosphère, un environnement, et des sujets très différents. Où trouvez-vous l’inspiration? Je suis particulièrement curieuse de le savoir concernant celle intitulée Le cachot, qui met en scène un meurtrier dont l’âme est demeurée prisonnière.
Je trouve l’inspiration dans ce que je vois, ce que j’entends ou ce que je ressens, et je me demande si ça pourrait servir de point de départ à une histoire. Quand une idée me vient, je la développe autant que je peux, sans rien écrire, et je la laisse reposer dans un coin de ma tête. Si au bout de quelques jours, elle m’emballe toujours autant, c’est que je tiens quelque chose et je la note dans un carnet. C’est ce qui s’est passé pour la nouvelle Le cachot. Je visitais Ottawa avec mes élèves, et comme nous passions devant une ancienne prison, le guide nous raconta qu’on y avait jadis pendu l’assassin du député Darcy McGee. « Le condamné, a conclu le guide, a clamé son innocence jusqu’à l’échafaud… » Il ne m’en fallut pas plus.

Vous avez enseigné au primaire pendant plus de vingt ans. Qu’est-ce que le contact étroit avec les jeunes vous a appris en tant qu’auteur?
Mes années d’enseignement m’ont rapidement appris qu’il faut faire confiance à l’intelligence des jeunes, qu’il ne faut jamais les sous-estimer, jamais niveler par le bas, et qu’il n’est pas indispensable de tout dire, tout donner. Si un élève de 12 ou 13 ans ne saisit pas sur le coup la fin d’une histoire ou un revirement de situation, il réfléchira et la plupart du temps, il finira par trouver. Sa satisfaction et sa fierté n’en seront alors que plus grandes. Une autre chose que j’ai apprise avec mes élèves, c’est que les garçons comme les filles aiment être plongés rapidement dans le vif du sujet, dans l’action. Voilà un enseignement aussi précieux pour l’écrivain de nouvelles et de romans que je suis… que pour le prof que j’ai été!

Photo : © David Émond-Ferrat

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