Beau Dommage le chantait : « Je le sais maintenant, l’amour, la mort/Ça prend son pli sur le même support ». Si Julie Bosman, qui s’aventure pour la première fois du côté du romanesque après nous avoir offert le recueil Nous sommes bien seules, cite ces paroles dans M’étendre sur l’asphalte, c’est que son héroïne, Julie, 12 ans au début des années 80, en fera la découverte; la douleur liée au tragique décès de son meilleur ami laissera tranquillement place à une histoire d’amour qu’elle vivra – entre un spectacle de Diane Dufresne et des virées au dépanneur – avec un garçon plus âgé qu’elle. Véritable kaléidoscope de la culture des années 80, ce roman d’apprentissage fera revivre bien des souvenirs aux parents, tout en restant d’actualité pour les jeunes en raison des thématiques universelles abordées.

Intense été pour Julie que celui qui s’ouvre sur la fin de son primaire. Marquée par la mort de son meilleur ami, elle découvre durant la même période son premier grand amour, celui qui crée des papillons dans le ventre. Pourquoi avoir fait de l’amour et de la mort les deux sujets de ce roman, sujets qui, de prime abord, semblent en opposition?
En fait, la genèse de ce roman ne s’est pas présentée sous l’angle de ces deux sujets, de la mort et de l’amour. Je lisais Avoir un corps de Brigitte Giraud alors que ma cadette se posait des questions sur sa puberté, que mon aînée se rebellait et que je me désolais de savoir peu de choses sur mes parents. Ces quatre éléments ont ramené à ma mémoire des émotions de l’enfance et m’ont donné envie de faire tomber le masque de la mère en mettant en contexte qui je suis et d’où je viens, dans une posture de vulnérabilité, pour mes enfants. Mon récit, que j’aimerais déployer sur trois autres livres, devait commencer là, avec la mort de cet ami et l’amour de ce garçon. Mes filles (et peut-être les lecteurs et les lectrices) chercheront à départager le vrai du faux, mais ces deux événements fondateurs devaient prendre les contours de l’écriture pour qu’on en saisisse la pleine mesure sur ma vie.

Quels sont les principaux défis lorsqu’on écrit sur l’enfance?
Il s’agit de ma première incursion dans un récit de l’enfance, et j’avoue que les questions, les défis, les doutes ont été nombreux et, parfois, paralysants. Le point d’équilibre, toujours prêt à dérailler, se trouvait dans mon désir d’écrire cette histoire sans trahir le regard de cette fille de 12 ans sur sa vie, tout en lui donnant de la profondeur. C’était d’autant plus important de rendre avec justesse la naïveté des perceptions et des émotions de la narratrice pour donner à sentir pleinement les effets sur elle de l’éclatement de son univers et de sa sortie presque violente de l’enfance. Disons que, pour trouver le courage d’avancer, je me suis beaucoup répété une phrase de Louise Dupré : « Il faut laisser la chance aux idées, il faut laisser la chance à l’écriture, quitte à rayer par la suite. »

À travers l’histoire de Julie, 12 ans, on replonge dans les années 80, leurs chansons, leurs mœurs, leurs particularités. Pourquoi un tel portrait précis, pourquoi les années 80 précisément?
À l’instar de plusieurs personnes, mes souvenirs sont souvent associés à des chansons, à des films, à des événements sociaux, etc. J’ai choisi d’installer le récit au cœur des années 1981 et 1982 parce que je partage avec la narratrice la même date de naissance. J’ai ainsi pu me servir de mes points de repère culturels et sociaux pour créer son univers, pour donner vie à cette époque, et pour stimuler la résurgence de mes souvenirs. J’ai pris beaucoup de plaisir à mettre en scène cette période et ce quartier de la Rive-Sud où j’ai grandi. J’espère que le plaisir de lecture des jeunes et des moins jeunes sera équivalent au mien, malgré la dimension dramatique du récit.

 

Photo : © Luc Querryth

Publicité