Des chats morts-vivants qui cherchent à zigouiller tous les humains des environs. Un nuage d’oiseaux meurtriers prêts à tout pour atteindre leurs cibles, quitte à mourir au passage. Les animaux n’ont certainement pas le beau rôle dans La nuit des chats zombies et Oiseaux de malheur, deux nouveaux romans jeunesse de Jocelyn Boisvert, qui prend un plaisir évident à plonger ses lecteurs dans des histoires haletantes qu’on lit comme un regarde un film.

Avec plus de quarante romans à son actif au cours des deux dernières décennies, l’auteur établi aux Îles-de-la-Madeleine a bifurqué vers les romans terrifiants, il y a deux ans, en publiant Les moustiques, une histoire d’insectes mutants qui avait séduit la critique. « Le roman avait eu une réception inespérée, dit l’écrivain. Il a été sélectionné parmi les finalistes aux Prix littéraires du Gouverneur général. Jamais je n’aurais cru qu’un roman d’épouvante pouvait s’y qualifier. »

Se disant un peu jaloux du talent de Stephen King, le maître incontesté de la littérature d’horreur, Boisvert savoure à son tour la liberté que le genre littéraire lui offre. « J’ai écrit pas mal de romans jeunesse et on doit toujours se censurer un peu quand on crée pour les enfants et les adolescents. Il y a un côté éthique et moral que j’approuve complètement, mais qui m’a donné envie d’aller un peu plus loin avec le temps. »

Cela dit, son ambition n’est pas de transformer la vie de ses lecteurs en suites ininterrompues de cauchemars. « Mes histoires restent bon enfant. Par le passé, j’ai essayé d’écrire des polars en imaginant des méchants et des meurtriers, mais je trouvais que c’était relativement facile d’aller dans la surenchère de trucs dégoûtants et que ça ne faisait pas de bien à ma psyché de travailler sur des crimes sordides. J’avais comme un malaise. Je préfère écrire des romans jeunesse qui sont plus dans le suspense et dans l’action que dans l’horreur pure. Mon but n’est pas vraiment de faire peur. »

Quand on lui réplique que la description peu ragoûtante des chats zombies et leur acharnement meurtrier ont de quoi faire frissonner, l’auteur admet que ses créatures sont loin d’être douces et gentilles. « C’est vrai qu’il y a un côté effrayant. J’aime les histoires de zombies. L’aspect dégoûtant est devenu plus grand public au cours des dernières années. » Il s’est donc permis d’inventer des chats que rien n’arrête, afin que les lecteurs se demandent comment les personnages s’en sortiront. « En tant qu’auteur, j’aime ça me mettre dans un cul-de-sac, ne pas savoir moi-même comment ils vont s’en tirer et devoir me débrouiller. Je trouve mon buzz à faire ça! »

Moustiques monstrueux, chats voraces, oiseaux sanguinaires : les petites bêtes inspirent visiblement celui qui tient la plume. « On a tous eu un incident avec un chien un peu enragé ou un corbeau qui te regarde croche et qui semble mal intentionné. Je voulais imaginer ce que ça ferait si ça dégénérait. L’animal apporte un côté imprévisible aux histoires. » Il se dit également plus à l’aise de développer une menace qui n’est pas humaine et qui a un aspect fantastique. « Ça diminue un peu le côté réellement épeurant de la chose. Quand je pense à mon garçon de 11 ans, qui est un peu peureux, je sais qu’il pourrait vraiment avoir peur en lisant l’histoire d’un voisin qui assassine d’autres personnes et en réalisant que l’humain peut commettre des choses comme ça. »

Pour affronter les bêtes assoiffées de sang, Jocelyn Boisvert a imaginé des personnages de jeunes filles dans ses deux nouveaux romans. Alors que l’une se démène en solitaire, avant de trouver des alliés de son âge, l’autre livre combat auprès de ses parents et de son petit frère. Dans les deux cas, il s’agit d’une adolescente de 14 ans. Une coïncidence que l’auteur n’avait pas relevée avant qu’on lui en parle. Par ailleurs, les deux ados sont aussi vives et débrouillardes l’une que l’autre. « Quand on imagine une héroïne, ce sont des qualificatifs qui reviennent naturellement. J’avais le goût aussi de mettre en scène des personnages féminins forts. Et j’ai moi-même une fille de 14 ans, qui est vive et débrouillarde. »

Dans ses romans, l’action caracole et les lecteurs n’ont pas le temps de s’ennuyer. « Je voulais donc que ça démarre sur des chapeaux de roue et que ça ne niaise pas! » Du début à la fin, ses histoires — assez courtes — débordent de punchs. « Si j’avais écrit 300 pages, on aurait pu trouver ça un peu long. Je crois que mes idées avaient avantage à être développées de façon resserrée. On n’est pas dans une saga, avec des chats zombies qui envahissent la planète. On se concentre sur un lieu bien défini et quelques personnages. »

Des personnages d’âge mineur qu’ils n’hésitent pas à sacrifier à l’occasion, sans craindre de brusquer son jeune lectorat. « La mort fait partie de la vie. C’est important d’en parler. Cela dit, dans ces deux romans, c’est l’hécatombe. On est dans la survie et on n’a pas le temps de s’attarder à la mort de certains jeunes. Dans mes romans précédents, je parle généralement de la mort pour mettre en relief la beauté de la vie. »

En effet, la grande faucheuse est au cœur de deux autres projets lancés cet automne. D’abord, Accidents de parcours (FouLire), une histoire légère où l’on suit les péripéties d’une fille et son père qui se dirigent en voiture vers les funérailles du grand-père avec les cendres du défunt. Puis, Mort et déterré (Dupuis), l’adaptation en bande dessinée d’un roman qu’il avait publié en 2008 et qui raconte le retour à la « vie » d’un adolescent mort et enterré. Un projet qui pourrait être décuplé en plusieurs volets. « On propose un premier cycle de trois tomes. Je travaille actuellement sur le troisième. Quand on va avoir une meilleure idée de la réception du public, on va voir si on poursuit. »

Le projet est une première incursion pour Jocelyn Boisvert dans l’univers de la BD. « Ça fait des années que je veux en faire ! Puisque le cinéma est une grande source d’inspiration, je trouve que la BD est un beau mariage entre les films et les romans. » Une union déjà saluée à l’étranger, lui qui rentre tout juste du festival Spirou à Bruxelles, où des lecteurs avaient découvert son personnage avant sa venue.

Photo : © Chantale Lecours

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